THÉÂTRE
Tarif A - 1h45
Dès 15 ans
GRANDE SALLE
Jeudi 9 janvier – 20h
Vendredi 10 janvier – 20h
« C’est quoi un mec bien ? »
Après Désobéir, sur l’exploration de l’émancipation des jeunes femmes d’aujourd’hui, Julie Berès est partie à la rencontre de jeunes hommes pour porter une parole que l’on entend peu. Qu’ont-ils hérité des modes de pensée et d’éducation de leurs pères ? Quels rapports ont-ils avec les femmes, surtout après #metoo ? Quelles injonctions contradictoires pèsent sur eux ? Quelles représentations les ont forgés ?
Sur scène, huit interprètes, acteurs, danseurs, tous performers, expriment avec les mots et les corps leurs colères, leurs espoirs et leurs contradictions. Avec énergie et humour, ils questionnent ce qu’appartenir au « groupe des hommes » signifie. Une invitation à questionner les assignations pour s’affirmer soi-même, et investir de nouveaux modèles.
Huit hommes de divers horizons se volent dans les plumes et interrogent le patriarcat et la masculinité. Épatant et joyeusement explosif ! – Télérama
Le témoignage d’une génération qui tente de se réinventer. – La Terrasse
Écriture et dramaturgie : Kevin Keiss, Julie Bérès et Lisa Guez avec la collaboration d’Alice Zeniter – Chorégraphe : Jessica Noita – Création lumière : Kélig Le Bars et Mathilde Domarle – Création son et musique : Colombine Jacquemont – Scénographie : Goury – Création costumes : Caroline Tavernier et Marjolaine Mansot Avec : Bboy Junior (Junior Bosila), Natan Bouzy, Charmine Fariborzi, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Scheiner, Mohamed Seddiki. Avec : Ryad Ferrad, Saïd Ghanem, Guillaume Jacquemont – Régie générale : Quentin Maudet – Régie générale tournée : Alexis Poillot – Régie son : Antoine Frech ou Colombine Jacquemont – Régie lumière : Henri Coueignoux – Régie plateau création : Dylan Plainchamp
© Photo : Axelle de Russé
Régie plateau tournée : Amina Rezig, Matthieu Maury et Florian Caraby – Référentes artistiques : Alice Gozlan et Béatrice Chéramy – Assistant à la composition : Martin Leterne – Remerciements à Florent Barbera, Karim Bel Kacem, Johanny Bert, Victor Chouteau, Mehdi Djaadi, Elsa Dourdet, Émile Fofana, Anna Harel et Nicolas Richard pour leurs précieuses collaborations – Nous remercions toutes les personnes qui ont accepté de nous partager des apports biographiques et artistiques pour ce projet – Texte publié aux éditions Librairie Théâtrale – collection L’OEil du Prince – Production : Compagnie Les Cambrioleurs/direction artistique Julie Bérès – Coproductions et soutiens : La Grande Halle de La Villette, La Comédie de Reims - CDN, Théâtre Dijon-Bourgogne, Le Grand T - Nantes, Théâtre de la Cité- CDN de Toulouse Occitanie, Scènes du Golfe - Théâtres de Vannes et d’Arradon, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Les Tréteaux de France - Centre Dramatique Itinérant d’Aubervilliers, Points Communs, SN de Cergy-Pontoise, Nouveau Théâtre de Montreuil, CDN, Théâtre L’Aire Libre - Rennes, SN Châteauvallon-Liberté, Théâtre de Bourg-en-Bresse - Scène conventionnée, La Passerelle - SN de Saint-Brieuc, Le Canal - Scène conventionnée de Redon, Le Quartz - SN de Brest, Espace 1789 - Saint-Ouen, Le Manège-SN de Maubeuge, Le Strapontin - Pont-Scorff, TRIO… S - Inzinzac-Lochrist, Espace des Arts - SN de Chalon-sur-Saône, SN Théâtre de Saint-Quentin-en- Yvelines – Soutiens : Fonds d’insertion de l’ESTBA et de l’ENSATT, avec la participation artistique du Jeune Théâtre National – La Cie est conventionnée par le Ministère de la Culture/DRAC Bretagne, la Région Bretagne, la Ville de Brest, et est soutenue pour ses projets par le Conseil Départemental du Finistère. Julie Berès est artiste associée au Théâtre Dijon-Bourgogne et à DSN-Dieppe Scène Nationale.
Un spectacle en diptyque avec Désobéir
« Le spectacle Désobéir, que nous avons créé en novembre 2017, interrogeait la façon dont, en disant « non », des jeunes femmes issues de la deuxième ou troisième génération d’immigration en France, ouvraient leur voix/voie, s’inventaient, en-dehors des injonctions familiales, sociales ou traditionnelles.
Pour La Tendresse, nous sommes allés à la rencontre de jeunes hommes, pour questionner chacun sur son lien au masculin et à la virilité à travers différentes sphères intimes et sociales, la famille, la sexualité, le monde du travail, la justice, la projection dans l’avenir... Nous souhaitons raconter l’histoire de ces hommes qui se débattent avec les clichés du masculin, les injonctions de la société, les volontés de la tradition et les assises du patriarcat.
Dans le droit fil de Désobéir, je continue à travailler avec les auteurs Alice Zeniter et Kevin Keiss. Ensemble, nous poursuivons notre diptyque sur la jeunesse et la résilience, sur leurs constructions, leurs fragilités et leurs paradoxes. Nous nous appuyons sur des parcours de vie et des témoignages pour qu’inexorablement l’intime puisse se mêler à l’éminemment politique.
Nous poursuivons notre désir d’élaborer un théâtre performatif dans un dispositif qui permette une adresse intime. Nous souhaitons une adresse directe au public susceptible de générer de l’empathie, de l’espoir et une libération. »
L’envers d’un questionnement sur le patriarcat
« Façonné par des millénaires de stéréotypes, d’iconographies, d’institutions, de fantasmes, le modèle du « mâle traditionnel » semble toujours asseoir, de façon parfois triomphante ou parfois pernicieuse, une domination sur les femmes. Mais aussi, ce qui semble moins analysé, une domination sur les hommes dont la masculinité est disqualifiée et jugée illégitime. Or les fondements de la construction du genre masculin, les masculins en devenir, ne sont que très rarement questionnés du point de vue des hommes et de la jeunesse.
Malgré les avancées menant à une égalité de droit formelle dans nos sociétés occidentales entre les hommes et les femmes, les structures archaïques du patriarcat continuent d’influencer nos comportements. Elles façonnent nos rapports et nos imaginaires, et ce dans toutes les strates de la société, et dans la plupart des cultures, même si elles prennent des formes différentes selon les contextes sociaux et culturels.
Dans ce deuxième volet, La Tendresse, nous avons souhaité poursuivre cette réflexion en abordant le sujet sous un autre angle, celui de la construction de la masculinité. En effet, nous pensons que le masculin reste une forme d’impensé. Le masculin, de façon inconsciente, est une norme qui englobe et définit le féminin.
Avec l’équipe, nous avons mené un travail documentaire immersif auprès de garçons, qui sont au moment de leur construction en prise avec les conditionnements et les idées reçues qui s’imposent comme modèle.
Pourtant, à cet âge, il est encore possible de se réinventer.
Nous avons veillé à questionner des jeunes hommes originaires de différents horizons géographiques et sociaux pour donner une voix à différents impératifs et imaginaires de l’homme.
Si les filles de Désobéir devaient souvent mentir pour s’inventer en-dehors des carcans imposés, les garçons de La Tendresse, eux, ont souvent dû se mentir à eux-mêmes pour se sentir appartenir au « groupe des hommes », pour correspondre à une certaine « fabrique du masculin ».
Ensemble, nous avons ouvert un champ de questionnement :
Peut-on s’inventer « homme » par-delà les cadenas normatifs ? Qu’est-ce qu’être un mec bien ? Quels sont leurs modèles ? Leurs héritages ? Comment se défaire des attendus de sa famille ou de sa communauté ? Quel rapport entretiennent-ils avec l’argent, l’amour, la drague ? Est-il nécessaire d’avoir un tableau de chasse ? Comment sortir des attentes d’une sexualité dominante ? Quelles sont leurs fragilités ? Comment voient-ils leur avenir ? Comment conjuguer la vie intime et professionnelle ? Comment sortir de la compétition entre hommes ? Comment investir sa paternité ?
Entre fidélité et refus du poids de l’héritage, entre désirs immenses et sentiments d’impasse de l’époque, à travers des fragments de pensées, de souvenirs, de soumissions conscientes ou inconscientes, de révoltes, de nostalgies ambivalentes et contradictoires, le très personnel devient politique et évite tout didactisme : les comédiens révèlent leurs emprises personnelles, les paradoxes du masculin, les combats de l’émancipation. Les échanges que nous avons eus ont été d’une grande puissance : ils ouvrent des champs d’émotions et de réflexions mais aussi d’humour ; des capacités à modifier, loin de tous les discours préconçus, nos relations par-delà les assignations sociales, familiales ou traditionnelles. »
Les rencontres
« Il y a eu la rencontre déterminante avec huit d’entre eux : ils viennent du Congo, de Picardie... du break, du hip-hop, de la danse classique... Chacun à leur manière, ils ébranlent les codes et font bouger les lignes d’une identité d’homme fondée sur la performance, la force, la domination de soi et des autres.
Dans leurs trajectoires, ils ont eu l’impression qu’il fallait échapper à leur situation, s’en enfuir, ou la combattre. Pour la majorité d’entre eux, ces jeunes gens ne veulent plus ressembler au modèle de leurs pères et de leurs grands-pères ; quelque chose dans l’exemplarité masculine est en train de s’éroder, de se modifier doucement. Ils ont fait des choix différents mais qui sont tous porteurs d’une radicalité inspirante, fascinante ou effrayante.
Nous aimerions faire entendre la façon dont ils empoignent leurs vies, dans un monde souvent violent où il faut lutter pour tracer sa route.
Nous postulons avec eux que c’est sans doute dans l’acceptation de sa vulnérabilité, dans l’autorisation à la consolation, aux larmes comme dans la revendication d’une égalité de faits entre les hommes et les femmes que réside l’une des clefs de la réinvention de soi. »
Julie Berès
Le texte se pense comme une partition musicale, une orchestration : il y a un chœur, un ensemble dont émergent tour à tour des solistes.
Le chœur
Le chœur a pour fonction de porter une parole plus large que celle des itinéraires personnels : il dépeint les paysages dans lesquels ces jeunes hommes ont grandi, chantent les chansons qu’ils entendaient à la radio, délivre par bribes des textes qui les ont marqués les uns et les autres : paroles politiques, mais aussi conseils répétés des parents et tout ce qui s’agglomère en nous sans que nous en ayons une pleine conscience.
Nous pensons aux chœurs de la tragédie grecque parce qu’il y a une étrangeté dans la langue qui permet de dépasser l’anecdotique.
Les solos, duos, trios
Seuls ou en petits groupes, nous imaginons des trouées dans les temps des épopées personnelles, une ligne droite ou, au contraire, zigzagante. Nous ne souhaitons pas embellir les propos recueillis en les transformant en une langue littéraire qui aurait le droit de cité sur les scènes de nos théâtres. Nous tentons au contraire de trouver une langue vive, pure, élaguée, afin que les propos portés aient la nudité d’une radioscopie à partir de laquelle on imaginerait un corps.
L’articulation du chœur et des solos se construira selon des critères rythmiques, musicaux – mais aussi en fonction de la manière dont ils peuvent s’éclairer, s’enrichir mutuellement.
Julie Berès
Une forme performative politique et un écrin de masculinité
Comme une entreprise d’excavation mêlant inextricablement l’intime et le politique, le plateau sera un lieu où l’on se débat avec sa propre histoire et où l’on met en jeu les fantômes, travaillé par une volonté éperdue de se forger son propre chemin. Cette bataille aujourd’hui souvent intériorisée, secrète, non formulée, comment la déplier, y faire un instant retour, lui donner un corps ? De quoi sommes-nous les héritiers ?
L’espace du plateau devient un lieu performatif de tentatives et de partage, qui redonne leur place et leur temps à des vitalités, celles de ces histoires individuelles, de ces drames humains et quotidiens.
Il ne s’agit pas d’un théâtre documentaire, voyeuriste. Nous souhaitons trouver un dispositif qui permette d’interroger les typologies figées et les stéréotypes d’hyper-masculinité. Mais aussi des hommes qui inventent des chemins de traverse dans leur représentation d’eux-mêmes. Pour cela, nous nous inspirons de pratiques artistiques et emblématiques d’une sur-affirmation du masculin comme le Krump, le pop, pour voir comment ces pratiques peuvent paradoxalement être des endroits de transfiguration et de catharsis.
Le Battle, défi par le corps
Nous avons choisi d’investir une forme qui traverse l’histoire du théâtre : le Battle, et qui constitue par essence un écrin de masculinité.
Pensé comme une forme artistique contemporaine, le Battle signifie « joute » par les mots ou par les corps. C’est un affrontement en public de danseurs ou de performeurs, il y a le vainqueur et l’humilié. Il s’agit de vaincre l’adversaire par une démonstration de puissance. Cette pratique a des ramifications très anciennes, et particulièrement théâtrales.
La pantomime, qui est l’un genres « théâtraux » les plus prisés de la Rome ancienne, s’articulait autour de trois supports : la danse, la musique, et le chant. Le danseur, qu’on appelle archimime, avait également la possibilité de parler. Il était notamment réputé pour ses « punchlines » (on dirait « clash » aujourd’hui), des phrases rythmées sous forme de harangues, mais on l’acclamait surtout pour la puissance de ses acrobaties, de sa sensualité comme de son agressivité.
Ce que nous puisons dans le hip hop, c’est sa capacité de théâtralisation des corps : contorsions, postures carnavalesques, grimaces, visages contractés qui se déforment et se convulsent, spasmes qui expriment une colère, une fureur, une rage. L’emphase, l’outrance, l’hyperbole, la démesure, sont un débordement des normes.
Au cœur de ces affrontements performatifs qui théâtralisent les corps et transgressent les lieux communs, c’est la question des violences symboliques et en actes, de la domination de classe et de genre, qui nous intéresse. Qu’ils se défient entre eux ou qu’ils dansent en chœur pour défier le public, nous sommes convaincus que la charge poétique des corps peut devenir un vecteur puissant de la contestation sociale et de l’affirmation, à tâtons, de nouvelles voix / voie pour les hommes.
Julie Berès
Raconter par le corps et par les voix
« L’écriture de La Tendresse est le fruit d’un long processus durant lequel se succèdent différentes étapes.
Tout d’abord, une phase d’immersion. À la manière de journalistes d’investigations, nous, les auteurs, nous sommes intensément documentés sur les questions du masculin en parcourant des essais sociologiques, philosophiques, documentaires. Sans devenir des spécialistes des questions de genre, il fallait, du moins, inscrire le sujet dans sa réalité socio-politique, mais aussi dans la façon dont il redessine les frontières de l’imaginaire, de l’intime. Certains mouvements de libération de la parole ont agi comme bissectrices dans l’imaginaire collectif. Il eût été impossible d’écrire ce spectacle de la même façon avant #MeToo.
Ce travail documentaire n’est pas que théorique. Il se double de rencontres auprès d’une quarantaine de jeunes gens, issus de milieux différents. Cela permet de mieux comprendre notre sujet, de l’éprouver sensiblement, d’en circonscrire, autant que possible, les enjeux et la façon dont il irrigue toutes les sphères de la société. Quel rapport les jeunes hommes ont-ils au désir ? À la sexualité ? À l’héritage parental ? À la violence ? Quelle place aux larmes, à la consolation de soi-même et des autres ? Comment envisagent-ils l’avenir ? L’argent ? Le fait de devenir père à leur tour ? Quel est l’homme idéal pour eux ? Nous questionnons aussi la place de la tendresse, puisque le titre de la pièce agit comme un programme souterrain.
Dans un temps parallèle, les auteurs ont travaillé à partir d’eux-mêmes, de leur imagination, de leurs souvenirs, de leurs nécessités, mais aussi à partir des thématiques nommées ensemble. Cela permet de concevoir des matériaux textuels qui s’affinent et se raffinent par la suite. Les textes sont envisagés comme des prises de paroles collectives et singulières, une partition rythmique.
Enfin, la rencontre déterminante avec les huit jeunes hommes au plateau, tous issus de milieux différents, acteurs ou danseurs, a marqué une nouvelle étape décisive. L’écriture s’est enrichie et nourrie du travail de plateau dans un entrelacs avec les témoignages des interprètes dont parfois nous nous sommes inspirés, privilégiant ainsi ce jeu entre vérité et fiction, propre à susciter, nous l’espérons, la réflexion, l’humour et l’empathie chez le spectateur. »
Julie Berès
Ce spectacle souhaite ouvrir un espace de parole à un endroit sensible pour ces jeunes hommes qui parfois peuvent vivre l’impératif de virilité comme un fardeau. Nous souhaitons faire de cette création un laboratoire de questionnement pour les générations futures.
Les vieilles institutions patriarcales semblent obsolètes et un désir monte de toute part pour les réformer. Ensemble, sur le plateau qui permet création et catharsis, des voies peuvent s’inventer et bouger les structures de l’imaginaire, trouver des liens plus égalitaires, éviter les injonctions des hommes à la violence qui s’abattent d’abord contre eux-mêmes. Nous souhaitons faire de ce spectacle une ode à la liberté, à la joie, à la possibilité de choisir son destin.
Julie Berès – Conception et mise en scène
Dans le paysage théâtral français, Julie Berès a la caractéristique de traduire sur scène les contours d’un « espace mental », loin de toute forme de naturalisme, et de concevoir chaque spectacle comme un « voyage onirique » où se mêlent éléments de réalité (qui peuvent être apportés par des textes, ainsi que par une collecte de témoignages) et imaginaire poétique. Les images scéniques qui résultent d’une écriture de plateau polyphonique (textes, sons et musiques, vidéo, scénographies transformables) construisent un canevas dramaturgique, qu’il serait trop réducteur de qualifier de théâtre visuel. La notion de « théâtre suggestif » paraît plus juste : il s’agit en effet de mettre en jeu la perception du spectateur, en créant un environnement propice à la rêverie (parfois amusée) autant qu’à la réflexion.
Née en 1972, Julie Berès passe la plupart de son enfance en Afrique. Lorsqu’elle arrive en France, à 18 ans, c’est avec l’intention d’y poursuivre des études de philosophie. Mais le festival d’Avignon, où ses parents l’amenaient chaque été, et la rencontre avec Ariane Mnouchkine, lors d’un stage de masques au Théâtre du Soleil, en décident autrement. En 1997, elle intègre le Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris.
Avec Poudre ! (2001), elle fonde sa propre compagnie, Les Cambrioleurs. Dès ce premier spectacle, le ton est donné dans une mise en scène qui, comme l’écrit alors Libération, « mêle le féerique et le burlesque ». Suivent, dans une veine assez proche om les souvenirs absents ou défaillants composent les méandres d’un espace mental fantasmé, Ou le lapin me tuera (2003) et E muet (2004), ainsi que la réalisation collective, avec quatre autres metteurs en scène, de Grand-mère quéquette (2004), adaptation théâtrale d’un roman de Christian Prigent.
Le goût d’une « dramaturgie plurielle », où interfèrent textes, scénographie, création sonore et vidéo, s’affirme plus nettement avec On n’est pas seul dans sa peau, créé en 2006. Avec ce spectacle, qui aborde la question sensible du vieillissement et de la perte de la mémoire, Julie Berès inaugure en outre une méthode de travail qu’elle qualifie « d’immersion documentaire » : avec une scénariste, Elsa Dourdet, et un vidéaste, Christian Archambeau, elle partage pendant quelques temps le quotidien de personnes âgées vivant en maison de retraite, et multiplie des entretiens préparatoires avec des médecins, gérontologues, sociologues, etc. Ce principe d’immersion documentaire sera renouvelé en 2008 pour la création de Sous les visages, autour des pathologies liées à l’addiction, et en 2010, avec Notre besoin de consolation, qui évoque les enjeux contemporains de la bioéthique. À l’horizon de Soleil Blanc (création 2018), il s’agit encore, à partir des craintes planétaires liées au réchauffement climatique, d’interroger des enfants de 4 à 7 ans sur notre rapport à la nature, et par des questions simples et métaphysiques, de parler d’écologie loin de tout catastrophisme.
Parallèlement, Julie Berès a développé une écriture scénique qui s’affranchit du réalisme, et restitue toute la part d’inconscient, de rêve, de fantasmes, qui hante nos vies. En 2015, avec Petit Eyolf, spectacle qui part pour la première fois d’un texte existant, elle parvient à faire ressortir l’inquiétante étrangeté du conte qui fut à la source du drame d’Henrik Ibsen.
Si elle assume pleinement les options de mise en scène et de direction d’acteurs, Julie Berès revendique une « pratique collégiale » dans l’élaboration des spectacles. Suivant les cas, y concourent scénaristes, dramaturges, auteurs (comme pour la création de Soleil Blanc, ou pour Désobéir, écrit avec Kevin Keiss et Alice Zeniter) et traducteurs (la romancière Alice Zeniter pour Petit Eyolf), chorégraphes, mais aussi scénographes, créateurs son et vidéo, n’hésitant pas à irriguer l’écriture théâtrale d’accents de jeu venus de la danse ou des arts du cirque, tout autant que des ressources offertes par les nouvelles technologies.
Enfin, parallèlement au travail de sa compagnie, Julie Berès a fait en 2016 une première incursion dans le domaine de l’opéra, avec un Orfeo créé pour les jeunes talents lyriques de l’Académie de l’Opéra de Paris ; et elle a dirigé les étudiants en fin de cursus de l’ENSATT, dans une adaptation de Yvonne princesse de Bourgogne, de Witold Gombrowicz.
Depuis septembre 2021, Julie Berès est artiste associée du projet du Théâtre Dijon-Bourgogne, dirigé par Maëlle Poésy.
Kevin Keiss – Écriture et dramaturgie
Né en 1983, Kevin Keiss passe son enfance à lire et à relire l’Iliade et l’Odyssée. Après un magistère d’Antiquité Classique (ENS – Sorbonne), un doctorat de Lettres Classiques (Paris 7), il intègre l’École du Théâtre National de Strasbourg (2008-2011) dans la section dramaturgie.
Il travaille comme auteur, traducteur et / ou dramaturge, en France et à l’étranger, auprès de nombreuses équipes artistiques sur plus d’une cinquantaine de spectacles. Ses pièces tout public ou en direction de la jeunesse sont publiées aux éditions Actes Sud ou aux Solitaires Intempestifs. Il est auteur associé au CDN de Normandie-Vire. Spécialiste des théâtres antiques, il est professeur-chercheur associé et co-directeur du Master en Études Théâtrales à l’Université Bordeaux-Montaigne. Il est membre du groupe de recherche CNRS Antiquité Territoire des Écarts.
Depuis 2011, il travaille sur toutes les créations de la compagnie Crossroad avec Maëlle Poésy (dernier spectacle : Sous d’autres cieux de Kevin Keiss d’après Virgile, Avignon IN 2019). Il collabore étroitement avec Julie Berès (Désobéir, Soleil Blanc) et travaille avec Élise Vigier : Harlem Quartet, Dialogues Imaginaires Baldwin/Avedon, Lucie Berelowitsch : Rien ne se passe jamais comme prévu, Laetitia Guédon, Louis Arène, Didier Girauldon, Jean- Pierre Vincent, Kouhei Narumi (Tokyo, Japon), Cristian Plana (Chili), Cornelia Rainer (Vienne, Autriche), Sylvain Bélanger (Théâtre d’aujourd’hui, Canada) ...
Depuis 2013, il est régulièrement accueilli en résidence d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, Centre national des écritures du spectacle.
Depuis 2015, Kevin est membre fondateur du collectif d’auteurs et d’autrices Traverse qui écrivent Pavillon Noir (janvier 2018) pour le collectif Os’o, le Centquatre Paris et le TnBA.
En 2017, il intègre l’Académie TOTEM(S), programme pour développer les écritures opératiques mis en place par Roland Auzet et Catherine Dan. Pour l’opéra, il écrit le livret Retour à l’effacement, en collaboration avec le compositeur gréco-suisse Antoine Fachard, joué par l’ensemble Asko Schönberg, Rencontres d’été Chartreuse- Avignon 2018. Il répond aussi à des commandes d’écriture pour le chœur de Radio France.
Depuis septembre 2021, Kevin Keiss est auteur associé au projet de direction du Théâtre Dijon-Bourgogne, dirigé par Maëlle Poésy.
Alice Zeniter – Écriture
Née en 1986 en Normandie, cette normalienne est également une passionnée de théâtre. Elle fait ses premières armes comme comédienne avec Bertrand Chauvet et Laurence Roy, notamment dans Yvonne Princesse de Bourgogne à l’Institut des Hautes Études de Tunis (2005). Puis, dans l’écriture, elle s’intéresse à l’héritage des tragédies antiques, avec une pièce inspirée de l’Alceste d’Euripide, qu’elle met en scène en 2006 à l’ENS de Paris, de Lyon et aux Beaux-Arts à Paris. Alice Zeniter se forme avec Brigitte Jaques-Wajeman à l’ENS (2006), sur Jouer avec Nicomède (La Tempête, 2007) et comme dramaturge avec François Regnault pour un Tartuffe (Fêtes Nocturnes de Grignan, 2009). Parallèlement, elle prépare une thèse sur Martin Crimp, et part pour Budapest en 2008, où elle enseigne à l’Eötvös Collegium, et participe comme performeuse et plasticienne aux workshops du Krétakör sous la direction d’Árpád Schilling.
Deux moins un égal zéro, son premier livre publié à 16 ans, lui vaut le Prix littéraire de la ville de Caen. Jusque dans nos bras, sur le thème de l’immigration et du mélange des cultures, est récompensé par le Prix littéraire de la Porte dorée, et par le Prix de la Fondation Laurence Trân. Sombre dimanche reçoit le Prix Inter et le Prix des lecteurs l’Express 2013. EN 2015, elle publie Juste avant l’oubli ; en 2017, L’Art de perdre reçoit le Prix Goncourt des Lycéens. Sa première place, Spécimens humains avec monstres, est sélectionnée pour l’aide à la création du CNT. Elle collabore à plusieurs mises en scène de la compagnie Pandora et travaille comme dramaturge et autrice pour la compagnie Kobal’t.
Lisa Guez – Écriture et dramaturgie
Née en 1988, Lisa Guez fonde « Juste avant la compagnie » en 2009 avec le comédien Baptiste Dezerces. La compagnie compte aujourd’hui sept spectacles et une douzaine de comédiens et comédiennes réguliers. Ancienne étudiante de l’École normale supérieure, elle est en train de rédiger une thèse sur « Les mises en scènes contemporaines de la Terreur révolutionnaires ». Elle a récemment mis en scène Les Femmes de Barbe-bleue, une création collective de six auteures, inspirées par le conte de Charles Perrault.
Désireuse d’expérimenter une forme originale d’écriture scénique, Julie Berès propose à des interprètes, à des vidéastes, des plasticiens, circassiens, marionnettistes et musiciens de participer à un atelier commun. Ariel Goldenberg, alors directeur du Théâtre national de Chaillot, fait une halte afin de découvrir ce travail en cours. Conquis, il décide de programmer Poudre !, premier spectacle de la compagnie. Le Théâtre de la Manufacture – Centre dramatique national de Nancy, dirigé par Charles Tordjman, et la Grande Halle de la Villette, se joignent à la production. Poudre ! va permettre de sceller un partenariat fidèle et précieux pour la compagnie, qui facilitera en 2003 et 2004 les créations de Ou le lapin me tuera (à la Biennale internationale de la Marionnette) et de E muet.
En 2005, Alain Mollot et Alexandre Krief, co-directeurs du Théâtre Romain Rolland de Villejuif, accueillent Julie Berès comme « artiste en compagnonnage ». En octobre 2006, la création de On n’est pas seul dans sa peau a lieu à l’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône, qui propose d’en assumer la production déléguée. En 2007, Julie Berès est invitée à devenir « artiste associée » au Quartz – Scène nationale de Brest, où seront créés en 2008 et 2010 Sous les visages et Notre besoin de consolation (en production déléguée avec l’Espace des Arts).
C’est à ce moment que Les Cambrioleurs s’implante à Brest. Cette association et la structuration administrative de la compagnie permettent de développer sur le territoire breton tout un éventail d’actions artistiques et pédagogiques en milieu scolaire et universitaire, auprès d’adultes amateurs ou à destination de populations exclues ; tout en créant des synergies avec les milieux de la recherche, de l’éducation et de l’action sociale. Les discussions engagées avec les partenaires institutionnels aboutissent au conventionnement des Cambrioleurs par la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, en 2008. En 2011, la Région Bretagne conventionne également la compagnie et la mairie de Brest à partir de 2014. Par ailleurs, ses projets seront soutenus par le Conseil général du Finistère. Cet engagement des collectivités permet la mise en place d’une structuration pérenne pour la compagnie qui se poursuit aujourd’hui encore.
Entre 2008 et aujourd’hui, les spectacles de la compagnie Les Cambrioleurs rencontrent une diffusion en constante progression. Après Sous les visages et Notre besoin de consolation, présentés au Théâtre de la Ville (Abbesses), Julie Berès crée en 2010 Lendemains de fête à la MC2 de Grenoble (producteur délégué du spectacle). Entre 2013 et 2015, elle est artiste associée à la Comédie de Caen – CDN de Normandie, où est créé Petit Eyolf.
La compagnie est soutenue depuis 2016 par le ministère de la Culture et de la Communication au titre de l’aide à l’indépendance artistique. Cette même année, Julie Berès et son équipe reçoivent une invitation de l’Opéra national de Paris à mettre en scène Orfeo de Monteverdi avec des jeunes talents lyriques et les Cris de Paris, à l’Opéra Bastille. En 2017 et sur l’invitation de Marie-José Malis, elle crée la pièce d’actualité Désobéir à La Commune – Centre dramatique national d’Aubervilliers, puis Soleil Blanc voit le jour en 2018 au Grand R, Scène nationale de La-Roche-sur-Yon.
Les Cambrioleurs est un pôle de création à géométrie variable, au sein duquel convergent des artistes divers, qui viennent associer leurs techniques et langages respectifs. L’atelier initial, qui fut à l’origine de la compagnie en 2001, s’est affiné, diversifié et enrichi. Mais c’est ce même esprit de recherche et de croisement des formes qui continue d’animer les mises en scène de Julie Berès.
« La folle énergie et la sincérité des interprètes de “La Tendresse“ questionnent avec finesse les nouveaux contours de la masculinité. » Fabienne Arvers – Les Inrockuptibles
« La Tendresse, de Julie BérèsJetés à corps perdu, des jeunes gens s’interrogent sur les codes de la virilité. Un spectacle explosif et touchant. » Marie-Valentine Chaudon – La Croix
« Sans pour autant produire du théâtre froidement documentaire, mais un spectacle vif, tourbillonnant, encourageant et auquel le public dit son adhésion fébrile, en saluant debout et souvent longuement les huit comédiens qui ne ménagent pas leurs effets, ni leurs efforts. » Gérald Rossi – L’Humanité
« Après Désobéir qui explorait l’émancipation féminine via les récits de jeunes femmes issues de l’immigration, La Tendresse modifie son angle d’approche mais pas son processus dramaturgique et se tient du côté de jeunes hommes cette fois. Pour mieux comprendre aujourd’hui la fabrication du masculin et l’injonction toujours en vogue à la virilité. Une fois encore, Julie Berès frappe fort et juste. (…) On ressort de là plein de confiance en la jeunesse, en nos mutations intimes, en l’avenir tout simplement. Que ce spectacle fait du bien !!! Avec son titre qui apaise et semble répondre à notre incommensurable besoin de consolation face au déferlement de violence qui nous est proche, c’est pourtant complètement revigoré, électrisé par l’énergie foudroyante qui se déploie au plateau que l’on ressort. » Marie Plantin – Sceneweb.fr
« La Tendresse reste nécessaire sur le fond, sur l’importance de mettre des mots, des images sur notre société qui change, évolue, tend vers une certaine parité. S’appuyant sur une troupe de jeunes comédien.ne.s épatant.e.s, de performeur.euse.s virevoltant.e.s et fougueux.ses – tous venant d’univers différents et tous se confondant jusqu’au vertige avec leur personnage – , Julie Berès signe une œuvre dans le vent, « so hype », qui a les qualités de ses défauts et inversement. » Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – L’œil d’Olivier
« Comment se réinvente le masculin ? Huit jeunes gens de tous horizons ouvrent les possibles d’un avenir débarrassé des injonctions à la virilité. Un spectacle exaltant, au cœur de notre temps. » Eric Demey – Journal La Terrasse