FESTIVAL TÉLÉRAMA

22 > 25 janvier

UNE SÉLECTION DES MEILLEURS FILMS DE 2024
ET UN NOUVEAU FILM EN AVANT-PREMIÈRE !

Présentez à l'accueil de DSN - Dieppe Scène Nationale votre pass Télérama pour 2 personnes et bénéficiez du tarif à 4€. (tarifs habituels sans le pass).
En partenariat avec l'AFCAE (Association Française des Cinémas d'Art et d'Essai).

Les 22 et 24 janvier

MISÉRICORDE

FILM FRANÇAIS D'ALAIN GUIRAUDIE (2024 – 1 H 42)
AVEC CATHERINE FROT, FÉLIX KYSYL, JACQUES DEVELAY
SÉLECTION OFFICIELLE, CANNES 2024
PRIX LOUIS-DELLUC 2024

Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s'installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue...

HORAIRES

22 > 28 JANVIER
mercredi 16h15
vendredi 19h - 21h D

Dossier de presse

LE MOT DES EXPLOITANT·ES
Miséricorde nous convie aux confins de l’Aveyron, pour un remarquable ballet du désir. Jérémie, l’ancien mitron mi-ange mi-démon, tour à tour enfantin et menaçant sème le trouble sur son passage. Ça se passe sous la pluie, dans des sous-bois emplis de feuilles mortes, de terre diablement fertile donnant naissance à des champignons aussi beaux qu’inquiétants. Ça se passe en slip et en marcel, entre deux pastis bien chargés, ou sous la soutane d’un prêtre en érection, à la morale élastique. Ça se passe la nuit, croyant que tout dort, pour une ubuesque enquête de gendarmerie. Que de gueules pour cette fable teintée de burlesque, transpercée de noirceur ! Que de plaisir à suivre cette facétieuse mécanique du chassé-croisé. Que d'émotions à retrouver le cinéaste, tout en embrassant une nouvelle ambiguïté, sinueuse, drôle et enivrante.

Théodora Olivi - L'Eldorado, Dijon
https://www.art-et-essai.org

Longs métrages
2024 – Miséricorde
2021 – Viens je t’emmène
2016 – Rester vertical
2013 – L’inconnu du lac
2009 – Le Roi de l’évasion
2005 – Voici venu le temps
2003 – Pas de repos pour les braves

Moyens métrages
2001 – Ce vieux rêve qui bouge
2000 – Du soleil pour les gueux

Courts métrages
1997 – La Force des choses
1994 – Tout droit jusqu’au matin
1990 – Les héros sont immortels

http://www.gncr.fr

Peut-être, pour commencer, parlons du titre. Ce mot “Miséricorde” pour vous, il signifie quoi ? Est- il à l’origine de ce nouveau film ?
Le titre s’est imposé pendant l’écriture de ce scénario. Pour moi la Miséricorde plus que la question du pardon, c’est l’idée de l’empathie, de la compréhension de l’autre au-delà même de toute morale. C’est l’élan vers l’autre. C’est un mot désuet qu’on n’emploie plus beaucoup, et ça correspond très bien au film, à son côté intemporel, et surtout à l’un des grands personnages du film : le curé.

Vous jouez aussi sur notre imaginaire et sur ce qu’on attend de votre cinéma… Ça participe à la tension du film…
J’imagine qu’aujourd’hui, un spectateur de  mes films s’attend à quelques trucs de ma part, il voit à peu près vers où je vais aller. J’ai bien conscience de travailler toujours un peu les mêmes questions, les mêmes motifs, et je joue avec ça, avec ce qu’on attend de moi. Mais j’ai aussi envie de surprendre, de me surprendre, de me renouveler. Il était peut-être temps aussi que le désir ne trouve pas son aboutissement dans le sexe. Je ne sais pas si quelqu’un l’a déjà dit mais il me semble qu’on filmait des bagarres pour ne pas filmer le sexe, je fais un peu le chemin inverse. Et de toute façon, ici, même le désir n’est pas clair, je ne cherche pas des résolutions, il y a aussi un personnage principal qui se fait des idées, et il faut que le spectateur s’en fasse comme lui, tout comme je m’en suis fait (et m’en fais toujours) moi-même.

Si Viens je t’emmène était un film sur l’époque, très connecté à nos angoisses actuelles, Miséricorde est au contraire un film tourné vers le passé… Un passé mystérieux dont on ne perçoit d’abord que les conséquences…
Disons qu’il s’est passé des choses, les protagonistes ont un passé commun mais  le film, c’est ici et maintenant. Je n’ai d’ailleurs pas jugé utile de filmer le moindre flash-back. Il ne reste de ce passé qu’un album photo que Jérémie se plait à regarder. Et comme beaucoup de mes films, il est entre hier et aujourd’hui. Le village dans lequel nous avons tourné a ce côté intemporel, construit autour de son église et de sa place, avec son presbytère majestueux, ses vieilles bâtisses et ses maisons très récentes. Cette boulangerie qui a fermé, ces rues vides, on se doute que le village a été plus animé à une époque. La relation entre Jérémie et Vincent elle-même est très floue. On imagine qu’ils ont dû être très amis adolescents, ils ont partagé des secrets mais ils se sont perdus de vue et quelque chose a changé. Ils ne se retrouvent pas vraiment comme avant. Ce malaise m’intéresse. Il crée une tension qui ne peut aller que crescendo vers quelque chose de tragique.

Est-ce que le film est lié aussi à votre passé ?
Oui, je me suis beaucoup retourné sur ma jeunesse. J’ai mis dans ce film beaucoup de sensations d’adolescence qui me restent en tête. La rivalité entre garçons, le désir sous-jacent, le regard qu’on porte sur la mère d’un copain et sur son père, bien sûr. Et toujours pareil, le cinéma me permet de mixer mon expérience avec la grande histoire du cinéma et du monde. C’est une façon d’universaliser mon histoire intime. C’est aussi une  façon d’apprendre et de découvrir. J’aime beaucoup citer une phrase de Michel Schneider : « Tous les romans sont des histoires où l’on se raconte à la fois ce qu’on est, ce qu’on voudrait être et ce qu’on ne sait pas qu’on est. » Ça marche aussi pour les films.

Là où d’ordinaire vous filmez plutôt l’été ou le printemps, Miséricorde est vraiment un  film d’automne. Pourquoi ?
C’est un film crépusculaire. Il commence par un enterrement et se termine dans un cimetière de nuit. Un homme revient sur le lieu de son adolescence, de sa prime jeunesse et s’y retrouve peu à peu emprisonné. L’automne sied bien aux thèmes du film. L’automne est mélancolique. Il offre de belles lumières, de belles couleurs. Et il amène aussi son lot d’intempéries, le brouillard, le vent. Ça, ça m’intéressait beaucoup dans le mois de novembre. Mais l’automne haut en couleur (les feuilles rouges, jaunes) dure peu de temps, trois semaines, un mois. Ici, c’était risqué et fragile (au tournage, on espérait que les feuilles restent accrochées aux arbres), on passe en quelques jours de l’été à l’hiver.

Si vous aviez abordé le thriller avec L’Inconnu du lac, Miséricorde est vraiment un film noir. Quelles références aviez-vous ?
Côté films noirs, ceux d’Hitchcock ou de Fritz Lang sont toujours pour moi une référence. Ils font de toute façon partie d’un  fond culturel commun, donc ils sont toujours là dans un coin de ma tête. On me parle souvent de Chabrol, sans doute pour le mélange de la noirceur et de la comédie. Mais il y a souvent chez lui ce côté goguenard, ironique, qui me pose problème. Je suis très proche de mes personnages. Je mets en chacun d’eux une part de moi-même. Si je dois citer un cinéaste, étrangement, celui qui a plané sur ce film, c’est Bergman. Ça n’a pas grand-chose à voir avec le film noir mais chez Bergman il y a une grande miséricorde. Une façon d’aimer les êtres malgré et surtout en dépit de tout. Ses films sont à la fois très maîtrisés, très calmes et en même temps traversés d’une vraie noirceur. Et d’ailleurs, est-ce que j’ai vraiment fait un film noir ? Miséricorde ne me semble pas se situer dans cette tradition-là. J’ai plus travaillé un mélange des genres. Et fondamentalement, je pense que ce film doit plus à Euripide qu’à Fritz Lang

Au cœur de tout film noir, il y a la question de l’immoral et de l’amoral. Pour vous, Miséricorde est un film sans morale ou au contraire un film qui va volontairement contre la morale ?
Les films qui m’intéressent cherchent à bousculer, ils observent et montrent le monde sous un angle singulier. Et ici j’ai choisi de réinterroger ou de bousculer quelques règles morales établies, notamment sur la question de la ;culpabilité, du remords, du pardon et bien entendu sur jusqu’où peut (doit) aller l’amour du prochain. Des questions qu’on pense avoir définitivement réglées et qui ne le sont pas pour moi. Est-ce qu’il faut mettre les assassins en prison ? Est-ce qu’on est vraiment innocents des désastres du monde ? Et ces questionnements (et revirements) sont pris en charge par le curé. En fait, il prend en charge mon propre questionnement, ma propre réflexion. Miséricorde n’apporte ;pas vraiment de réponse mais j’espère que ces questions, ces troubles vont résonner chez le spectateur.

Comment avez-vous choisi votre acteur principal, Félix Kysyl ?
C’est Stéphane Batut qui me l’avait présenté il y a une dizaine d’années, lors d’un casting pour un film que je n’ai pas tourné. C’était déjà un comédien très intéressant. J’avais gardé son nom dans un coin de ma tête. J’aime sa façon à la fois instinctive et travaillée de jouer les scènes. Il a quelque chose de très contemporain, c’est un jeune homme d’aujourd’hui et en même temps dans ses attitudes, dans sa façon d’être, un truc un peu intemporel qui me rappelle le cinéma d’avant. Il a un côté classique en fait. Je ne saurais pas vraiment l’expliquer. Quelque chose dans le regard. Il me fait penser à des acteurs de l’âge d’or hollywoodien. Et surtout il est très complexe, je crois que c’est ce qui m’avait déjà impressionné chez lui à l’époque. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession et il peut avoir des regards de tueur. Il peut être à la fois ange et démon.

Et Jean-Baptiste Durand – que l’on  connaît aujourd’hui comme réalisateur ?
Catherine Frot, c’est vraiment une actrice très populaire. Dans les deux sens du terme : Tout le monde la connaît et elle peut se fondre dans des univers populaires. Elle ne dépareille pas. Je n’écris jamais en pensant à des acteurs/trices et généralement, c’est au casting que les ennuis commencent pour moi. C’est le moment où il faut donner un corps, une voix à ces personnages que j’ai en tête sous une forme très diffuse. J’ai assez vite pensé à Catherine Frot pour incarner Martine, surtout pour sa candeur, pour son côté femme-enfant. Mais j’ai hésité à lui proposer, j’ai toujours cette appréhension qu’avec une comédienne très identifiée, qu’on a vue dans beaucoup de rôles, on ait du mal à croire à ce personnage nouveau. Je me dis que j’aurais moi-même du mal à y croire. Et dès que j’ai franchi le pas, quand j’ai rencontré Catherine, tout s’est déroulé d’une façon assez fluide. On a répété et Catherine s’est fondue dans l’univers du film. Et très vite j’ai cru à Martine.

On dit toujours que les grands films noirs sont aussi des grands films d’amour. Diriez-vous que Miséricorde est un film d’amour ?
Dans un élan premier j’aurais tendance à répondre que oui. Il y a une vraie histoire d’amour qui sous- tend tout le film. Mais des amours cachées, celui de Jérémie pour le défunt, et l’autre que je ne dévoilerais pas ici, ça spoilerait trop le film. Mais en fait, c’est plutôt de désir qu’il s’agit ici. Notre héros est au centre de cette circulation du désir et il se retrouve petit à petit prisonnier de ce village.

PROPOS RECUEILLIS EN MAI 2024
http://www.gncr.fr

EXTRAITS DE PRESSE
Alain Guiraudie opère ici une greffe inouïe entre la tragédie et le burlesque, entre la gravité du scénario criminel et la banalité des corps qui l’incarnent, entre le poids de la culpabilité et la trivialité des élans quotidiens. Le Monde
Chez Guiraudie, le désir, c’est comme les champignons : il pousse là où on ne l’attend pas, quand on ne s’y attend pas, et revêt des formes imprévisibles. Tandis que sa consommation s’avère tantôt fatale, tantôt divine, une chose est sûre cependant : ça germe sur la terre. Les Inrockuptibles
Miséricorde est l’un des films les plus mélancoliques d’Alain Guiraudie. Filmées en automne, les couleurs illuminent des paysages ombrageux, des forêts denses et impénétrables, un peu comme les voix du Seigneur. Dans ce pays de taiseux, on sait mais on se tait. On prend l’apéro, on mange des omelettes aux morilles. Dans le cimetière, la nuit, les cadavres se promènent. L'Humanité
De nouveau inspiré par son roman «Rabalaïre», le dernier film du cinéaste nous plonge dans le microcosme subjuguant d’un village où, avec une magistrale simplicité, les personnages se désirent et se déchirent. Libération “Miséricorde” : Guiraudie au sommet avec cette farce noire. Télérama
Film de deuil (de l’enfance, du désir), Miséricorde est aussi un film de possession. Aimer l’autre pour le garder pour soi. Tout ça raconté avec l’élégance du conte, la précision du film noir et la poésie singulière de Guiraudie. CinemaTeaser
Le plaisir pris par Guiraudie à orchestrer ce thriller érotisé se ressent dans sa mise en scène, à la fois escarpée et voluptueuse. L'Obs
Guiraudie flirte avec le provocant, le dérangeant et le subversif sans s’y vautrer. Il alimente en revanche une savoureuse ambiguïté, une ironie fugace et souvent drôle, un climat de fantastique soft. Catherine Frot apporte sa fausse naïveté dans ce monde d’hommes en proie à leurs secrets, sous les clins d’œil discrets d’Eros et Thanatos. La Voix du Nord
Miséricorde est une farce spirituelle autant qu’un thriller psychologique où le surnaturel est d’autant plus fou qu’il se love dans un réalisme inquiétant. Un peu comme si Chabrol était revenu déguisé en Buñuel. Merveilleux. Première
Au centre du récit, le formidable Félix Kysyl campe avec une belle part de mystère un drôle de « héros » qui ne s’embarrasse pas vraiment avec des dilemmes moraux… Le Parisien