20 > 25 février

GOOD ONE

FILM AMÉRICAIN D'INDIA DONALDSON (2024 - 1H30)
AVEC LILY COLLIAS, JAMES LEGROS, DANNY MCCARTHY
QUINZAINE DES CINÉASTES, CANNES 2024

Sam, 17 ans, aurait préféré passer le week-end avec ses amis mais elle accepte de rejoindre son père Chris, pour une randonnée dans la région des montagnes Catskills de l’État de New York. Un endroit paradisiaque où Matt, le meilleur ami de Chris, est hélas aussi convié...

HORAIRES

19 > 25 FÉVRIER
jeudi 16h30
vendredi 20h45
samedi 18h30
mardi 20h45 D

Dossier de presse

India Donaldson est une réalisatrice et scénariste vivant à Los Angeles.
Elle a réalisé trois courts-métrages : MEDUSA (2018), HANNAHS (2019) et IF FOUND (2020).
GOOD ONE est son premier long-métrage.

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INVITATION DU PROGRAMMATEUR

La Good One du titre, c’est Sam, jeune fille de 17 ans qui accompagne encore son père et son meilleur ami Chris pour la traditionnelle randonnée annuelle. Bonne fille, elle supporte une fois de plus les discussions entre ces deux hommes, marquées par l’auto-apitoiement et un brin de virilisme. Une fois de plus, une fois de trop, la vision genrée et le comportement paternaliste du duo masculin faisant monter en elle une révolte silencieuse. India Donaldson – fille du réalisateur Roger Donaldson – s’inspire de sa propre expérience pour explorer subtilement les rapports de domination masculine, ceux-ci s’avançant ici de manière feutrée, loin des grands éclats ou des grands drames qui caractérisent souvent les récits d’émancipation. Sam, tout en lucidité, prend conscience des inégalités et de l’objectification dont elle est victime jusqu’à refuser de se soumettre à cette violence ordinaire. La force d’India Donaldson, outre sa capacité à filmer les paysages mais aussi à jouer de manière subtile sur les gestes ou expressions des corps et des visages, est d’inscrire ce mouvement de prise de conscience et de libération sans forcer le trait et en conservant malgré tout un regard plein d’empathie sur ses personnages masculins. On saluera également la performance de l’actrice Lily Collias, sobre et intense, qui incarne à merveille cette quête d’émancipation dans un film profondément touchant et émouvant.

OLIVIER BITOUN – Association Cinéphare

NOTE DE LA RÉALISATRICE

J’envisage ce film comme un instantané ; il capture un moment intime, un simple week-end dans les bois lors duquel des relations seront affectées à jamais. J’ai grandi dans une famille recomposée de huit enfants, alors les tête-à-tête avec mon père étaient des moments précieux. Mon père adore les road-trips, le camping et la vie au grand air et je partageais ces passions avec lui, peut-être parce qu’elles étaient synonymes de courtes périodes où je l’avais pour moi toute seule. J’adorais nos aventures et je vivais les rituels silencieux au sein du campement (monter la tente ou cuisiner au feu de bois) comme des instants fusionnels.
Adolescente, je me sentais obligée d’être « une fille bien ». Je cherchais toujours à maintenir la paix, à faire plaisir, à mettre les autres à l’aise. Je faisais toujours passer le bien-être et les besoins des autres avant les miens. Finalement, pour me construire, j’ai dû faire l’effort de sortir de ce schéma. Écrire et étoffer le personnage de Sam m’a permis d’explorer ce trait de mon caractère contre lequel je lutte encore en tant qu’adulte.
On découvre Sam à une période charnière de sa vie. Elle est sur le point de quitter le cocon familial. Elle a passé toute son enfance tiraillée entre des parents divorcés et a appris à gérer la tension permanente qui règne entre eux. Elle comprend ce que les adultes attendent d’elle et adapte son comportement pour répondre à leurs attentes.
Chris et Matt en sont, eux aussi, à un stade charnière de leur vie. Ils passent le week-end à ruminer l’échec de leurs couples respectifs et à regretter leurs rêves inaboutis. Au début, Sam endosse le rôle d’oreille attentive et de guide émotionnel, mais finit par se lasser de leurs egos fragiles et en rivalité permanente.
Une lourde charge repose sur les épaules de Sam dans cette histoire : elle cuisine, nettoie, écoute, divertit, console. Même si elle éprouve une certaine satisfaction à être multitâche, la charge constante du bien-être des autres finit par lui peser. Tandis que les tensions s’accumulent entre Sam, Matt et Chris, un sentiment de claustrophobie s’installe et contraste avec les grands espaces dans lesquels ils évoluent. Les prises de bec et les réflexions sans queue ni tête de Chris et Matt couvrent le silence, pendant que le film focalise son attention sur l’histoire personnelle de Sam.
Ses gestes, expressions, regards et mouvements délibérés racontent une autre histoire ; une histoire muette et pourtant fondamentale, celle d’une jeune femme qui est en train de grandir sous nos yeux.

INDIA DONALDSON
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Good One est votre premier long- métrage, après trois courts. Comment avez-vous su que vous étiez prête à faire le grand saut ?
J’ai écrit Good One quand je vivais avec mon père, ma belle-mère et mes deux demi-frère et -sœur adolescents pendant la pandémie.  Je me sentais prête à réaliser un long-métrage depuis longtemps. J’ai été inspirée par l’idée que, dans un huis clos, les dynamiques internes à une famille se retrouvent exacerbées, jusqu’à produire, parfois, des situations comiques. J’ai écrit une histoire qui est à la fois intime et dans la retenue, mais forte en émotions.
Dans mes courts-métrages, j’avais l’impression de devoir me contenter d’effleurer les émotions de mes personnages. Le format long m’a permis d’explorer plus en profondeur les personnages et les liens qu’ils entretiennent.

Vous dites tellement de choses avec seulement trois personnages. Comment avez-vous construit la narration ?
Un trio est toujours un bon vecteur de tension narrative. Je tenais à ce que les trois personnages soient aussi attachants et complexes les uns que les autres. Le point de vue de Sam était toutefois notre point central, que ce soit au cadrage ou dans la mise en scène, et on a gardé cette philosophie au montage. Montrer comment elle vit les événements était notre priorité.  Je voulais également que l’on partage et ressente le tumulte émotionnel des deux hommes. Leur amitié a clairement atteint sa date limite. Ils sont à couteaux tirés et Sam passe son temps à faire le tampon pour apaiser les tensions.  Quand j’écrivais le  scénario, je veillais sans cesse à ancrer chaque scène du point de vue de Sam. C’est elle, le moteur de l’histoire. Bien souvent, elle parle peu, voire pas du tout, mais ses expressions en disent long.

Avec si peu de personnages, un casting juste est primordial. Comment avez- vous découvert Lily Collias qui porte le film à bouts de bras ?
Je voulais une inconnue pour jouer Sam. On cherchait depuis un bon moment quand, un jour, j’ai demandé par hasard à ma petite sœur (qui était en terminale au lycée, à l’époque) si elle connaissait des actrices. Il se trouve qu’elle avait passé la soirée avec Lily la veille et nous a mises en contact. Quand Lily a passé l’audition, j’ai tout de suite su que c’était elle. Comme elle n’avait que 17 ans et qu’on n’avait pas les moyens de tourner avec une mineure, on a attendu un an. Je suis contente d’avoir patienté – elle porte littéralement le film sur ces épaules.

Qu’est-ce que son interprétation a apporté au personnage de Sam ?
Lily a totalement transformé le personnage par son interprétation. Elle est d’un naturel très assuré. Elle a su insuffler à Sam une force intérieure assez subtile, ce qui la rend plus intéressante. Sam est à un moment de transition où elle sait reconnaître les situations qui la contrarient ou la mettent mal à l’aise, et pourtant, avec ces deux hommes, elle est systématiquement renvoyée au rôle d’aidante, de confidente, de cuisinière et de bonne à tout faire. Toutes ces tâches genrées encore liées au rôle de mère. Pour ces deux hommes adultes, elle est à la fois une fille et une mère. Mais le quotidien de cette jeune lesbienne de 17 ans est à mille lieues de celui de son père – et elle commence à se rendre compte de ce gouffre. Je trouve que Lily répond à toutes les exigences du personnage.

Parlez-nous de Danny McCarthy et James LeGros.
Le personnage que Danny interprète,  Matt, adore prendre de la place. J’adore les personnages qui parlent trop et se dévoilent sans le vouloir. Matt fait beaucoup ça dans le film. Le silence le rend mal à l’aise, parce qu’il est à un moment de sa vie où il évite ses propres pensées.  J’avais vu Danny il y a des années dans la pièce Les Antipodes, d’Annie Baker. Sa performance était à la fois drôle et déchirante et je me la suis rappelée quand nous cherchions le comédien qui allait incarner Matt. Les émotions de Matt sont à vif ou à peine dissimulées sous sa carapace de gros dur. Danny a su incarner cela avec aisance et délicatesse.
Je suis fan de James depuis bien longtemps. C’est un acteur qui sait tout jouer et c’était formidable de le voir entrer dans son personnage. Il a su apporter une touche d’humour dans la personnalité narcissique et rigide de Chris. Et il a également su montrer la véritable affection du personnage pour sa fille. L’alchimie entre James et Lily a été immédiate. Dès notre première réunion en visio, j’ai senti qu’ils formaient une famille. Il l’a beaucoup aidée et soutenue et il savait comment s’y prendre pour qu’elle donne le meilleur d’elle-même. Je le voyais la guider sans trop s’imposer ni imposer ses idées. Il se comportait simplement comme un partenaire de jeu généreux, que la caméra tourne ou pas.
J’adore les films qui comportent un point de bascule. J’aime aussi les histoires qui font penser à de l’eau qu’on aurait mise à chauffer au début du film ,et qui se met peu à peu à bouillir. Quand ce moment arrive tard dans le film, le spectateur a eu le temps d’apprivoiser les personnages, de s’attacher à eux. Je tenais à ce que la transgression soit multidimensionnelle et que le public ressente son impact depuis le point de vue de chacun des personnages. Pour cela, une heure de film me semblait nécessaire pour comprendre les dynamiques qui tiraillent le trio. Aussi, la bascule intervient à la fin d’une scène de 13 minutes qui, je l’espère,  ajoute de la densité aux personnages. Je voulais être patiente et laisser le rythme de cette conversation dans les bois accompagner les personnages vers un point d’impact émotionnel.

Diriez-vous que c’est un film féministe ?
Tout à fait. Je suis convaincue que tout ce qui parle des nuances et des spécificités d’une expérience vécue par une fille est intrinsèquement féministe. Une de mes amies m’a dit : « Ton film montre ce que signifie être une fille, une interminable série de corvées. » J’ai beaucoup aimé sa manière d’exprimer son ressenti. Le quotidien de cette jeune lesbienne de 17 ans est à mille lieues de celui de son père – et elle commence à se rendre compte de ce gouffre. Les deux hommes ne lui laissent aucun répit, ni physique ni émotionnel. Elle les écoute, elle les divertit. Son bien-être est le cadet de leurs soucis. C’est peut-être le message le plus important du film.

Le film se déroule presque exclusivement lors d’un trek, tourné dans le nord de l’État de New York. Quels ont été les défis posés par ce tournage en pleine nature ?
Oh, vous savez… les orages, les tiques, la fumée des incendies de forêt… Tout ça, quoi ! Mais mon père, qui est réalisateur, m’avait donné le conseil suivant avant le tournage : « Quoi qu’il arrive, continue de tourner. » Alors, dès qu’on était embêtés par des éléments extérieurs, on se débrouillait pour trouver quelque chose à filmer ou à intégrer à l’histoire. Le temps qu’on croit perdre est toujours gagné à devoir faire preuve de créativité, et le film y gagne aussi. On a tourné ce film en 12 jours. On n’aurait sûrement pas réussi à tenir ce planning sans toutes les scènes de plein air, car tourner presque exclusivement en lumière naturelle nous a permis de rester souples et de nous adapter à l’environnement. De plus, la forêt et la nature offrent des décors somptueux qui ne coûtent pas un sou.

Comment êtes-vous parvenue à cette fin, qui évite l’écueil de la résolution du problème ?
Je suis personnellement plus intéressée par le processus du changement que par celui de la résolution. J’aime les fins qui ressemblent au début de quelque chose de nouveau. Je tenais à atterrir à un endroit de l’histoire qui montre qu’un déclic s’est produit chez Sam ; qu’elle va partir dans une nouvelle direction, que les vieux schémas ont été brisés et que cette expérience, bien qu’éprouvante, voire déchirante sur le moment, lui donnera une force supplémentaire. Parce que, finalement, le fait que ces hommes lui aient dévoilé les méandres de leur âme est un atout. C’est une expérience qui lui servira pour aborder l’avenir.

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EXTRAITS DE PRESSE
D’un récit d’abord paisible, émaillé de misogynie ordinaire, ce premier long fait surgir un sursaut féministe salvateur. Les Inrockuptibles
Un hommage à Kelly Reichardt en même temps que l’affirmation d’un talent singulier. Positif
"Good One" offre ce plaisir de paresse et de ténuité, dans le simple appareil naturaliste des films modestes, contemplatifs et secrets. Libération
A la fois brillant et désespéré, « Good One » explore dans une fausse mesure la toxicité d’un patriarcat « ordinaire » qui tuera, à petit feu, le peu d’innocence restant chez Sam. Donaldson nous interroge alors violemment : changeront-ils vraiment un jour ? Culturopoing.com
Conflit de générations, figure patriarcale et contemplation de la nature… Le premier film de India Donaldson, Good One, est d’une délicatesse inouïe. Rolling Stone
Virée sous la tente dans les Catskills aidant, l’influence du cinéma bucolique et minimaliste de Kelly Reichardt est évidente, mais India Donaldson signe bien mieux qu’une copie appliquée de bonne élève : Good One se révèle une chronique sensible, délicate et précise, des rapports fille-père mais aussi une évocation très juste du machisme ordinaire. Prometteur. Télérama