ACTUALITÉ

2=1 PHILIPPE KATERINE

DEUX FILMS POUR LE PRIX D'UN !

Samedi 19 juillet
L'AVENTURA (20 H) + VOYAGES EN ITALIE (22 H)
Le Barvis est ouvert de 18 h à 23 h : boissons et petite restauration.


19 > 22 juillet

L'AVENTURA

FILM FRANÇAIS DE SOPHIE LETOURNEUR (2025 – 1 H 40)
AVEC PHILIPPE KATERINE, SOPHIE LETOURNEUR, BÉRÉNICE VERNET
SÉLECTION OFFICIELLE – ACID, CANNES 2025

Les vacances d’été. La famille de Claudine, 11 ans, part en vacances en Sardaigne. Entre un père loufoque et une mère fantasque, la petite fille raconte leurs aventures. Enfin, quand Raoul, son frère de 3 ans, ne l’en empêche pas…

HORAIRES

16 > 22 JUILLET
samedi 20h 2=1
dimanche 16h
mardi 16h D

Après plusieurs courts métrages acclamés en festivals, Sophie Letourneur réalise en 2010 son premier long métrage, La Vie au ranch, présenté à l’ACID au Festival de Cannes. En 2011, elle présente Le Marin masqué au festival de Locarno et en profite pour tourner sur place Les Coquillettes, qui y sera programmé en 2012. Après avoir fait tourner Lolita Chamah et Benjamin Biolay dans Gaby Baby Doll, elle remporte en 2020 le prix Jean Vigo pour Énorme, avec Marina Foïs et Jonathan Cohen. Elle entame ensuite la réalisation d’une « trilogie italienne » sur le couple avec Voyages en Italie, sorti en 2023, et dont L’aventura est le deuxième volet, toujours avec Philippe Katerine et elle-même dans les rôles principaux.

FILMOGRAPHIE

Longs métrages
2025L’Aventura
2023 Voyage en Italie
2020 Énorme
2014Gaby Baby Doll
2013 – Les Coquillettes
2010La Vie au ranch

Courts et moyens métrages
2012Schengen
2011Le Marin masqué
2007 Roc & Canyon
2005Manue bolonaise
2004La Tête dans le vide

http://www.gncr.fr

ENTRETIEN AVEC SOPHIE LETOURNEUR

L’Aventura prolonge Voyages en Italie, qui était le premier volet d’une trilogie sur un couple. Est-ce que cette trilogie a été pensée dès le départ comme une trilogie, ou est-ce que cette idée s’est imposée chemin faisant ?
Les enregistrements qui sont la base de l’écriture des deux premiers volets ont été faits à peu près en même temps, en 2016, lors de deux voyages à quelques mois d’écart. J’ai commencé à travailler dessus mais sur le moment, je ne savais pas exactement quelle forme cela prendrait : une série, un seul film, plusieurs films… Ensuite, j’ai tout mis de côté pour écrire Énorme. Et c’est seulement en 2019 que je m’y suis remise, et que j’ai envisagé cela comme une trilogie, dont le troisième volet est en écriture.

Dans Voyages en Italie, le dispositif d’enregistrement et de restitution n’apparaissait que dans le dernier tiers du film. Ici, dans L’Aventura, dès le premier plan, on est plongé dedans. Pourquoi avoir inscrit cette dimension méta dès l’ouverture ?
Ce film est un peu la somme de tout ce que j’ai fait avant, c’est dans ce film là que je pousse tous mes dispositifs, dont ce jeu « méta » autour des flash-back et des temporalités que j’ai déjà expérimenté dans Les Coquillettes, Le Marin Masqué, Voyages en Italie… Je pense que c’est mon film le plus complet, le plus frontal dans cette recherche. Ce début sans détour où l’enregistreur rentre dans le cadre dès le premier plan est donc cohérent avec cela.

À la différence de Voyages en Italie où le fait de se souvenir correspondait à un moment d’apaisement, après le voyage, ici, le fait de se remémorer et d’enregistrer est une tâche in situ, chaotique.
Dans Voyages en Italie, c’est un moment calme car c’est la nuit et Raoul dort, donc on peut s’enregistrer, et pas le contraire. Ici c’est pareil, on cherche les moments calmes où l’on peut s’enregistrer, ce qui n’est pas une mince affaire avec un enfant de 3 ans en vacances. Le fait de s’enregistrer ne modifie pas les situations ou les rapports entre les personnages.

Pourquoi ce dispositif d’enregistrement ? 
J’aime enregistrer car je trouve trop beau ce qu’il se passe dans la vie. C’est pour prendre une empreinte de cette beauté, et tenter de la reconstituer et de la transmettre, de l’exprimer. J’avais ces bandes-son enregistrées en 2016, et j’ai voulu construire avec elles un kaléidoscope de moments, d’éclats, reliés non pas par une narration classique, mais par des liens plus souterrains. Depuis mes premiers films aux Arts Déco, j’ai toujours fait ça : reconstituer, réagencer des enregistrements. Et j’ai continué à le faire, plus ou moins, dans tous mes films. J’ai l’impression que quand je touche à un rythme réel, j’atteins quelque chose de précieux.

Finalement, vous faites du cinéma comme on compose de la musique.
Oui. Au début je monte des bandes-son (issues d’archives ou de répétitions) et je construis les dialogues, le rythme, et l’agencement des séquences au son. Et après je retranscris et ça devient un scénario qui est comme une partition que je peaufine dans des allers-retours entre le papier et l’« instrument ». Au tournage, les comédien·nes doivent suivre cette partition à la virgule près. Et c’est d’autant plus facile depuis que j’ai adopté ce système d’oreillette. Ainsi pour L’Aventura, Philippe Katerine, Bérénice Vernet et moi-même étions dotés d’oreillettes qui jouaient la bande-son des dialogues du film. 

Et si cela ne colle pas, vous êtes déçue ?
Oui. Mais de toute façon, avec les oreillettes, c’est impossible que cela ne colle pas puisque si on fait un pas de côté, on loupe le coche du dialogue d’après. Et ce n’est pas une logique de rythme classique de fiction : dans la vie, parfois, quelqu’un met trois secondes à répondre sans raison apparente. Ce n’est pas du signifiant immédiat, c’est plus profond.

Pouvez-vous parler de l’image du film ?
Je voulais des cadres fixes avec des plans serrés pour mettre en place une grammaire où je pouvais tricher dans des champs contre-champs comme dans Énorme pour construire le dispositif adéquat pour mettre en scène un enfant de 3 ans. Ainsi, j’ai beaucoup cadré les personnages seuls, aussi parce qu’ils essaient de trouver leur place dans cette famille, comme père, comme enfant, comme membre d’un couple. 

Comment les personnages de Jean-Fi et Sophie ont-t-ils évolué par rapport à Voyages en Italie ?
Je ne sais pas s’ils ont évolué, disons que ce n’est pas le même ton et qu’ils ne sont pas filmés de la même façon. Dans Voyages en Italie le burlesque prenait le dessus alors que dans L’Aventura les personnages sont plus profonds, plus complexes. Ils sont filmés dans les affres de leurs névroses. Il y a aussi peut-être un portrait de chacun des rôles qu’on peut avoir au sein d’une famille, dans la fratrie, la parentalité, et aussi la place qu’on se donne à soi-même. Ils sont tous en transition vers quelque part. Claudine quitte l’enfance, mais est-elle déjà une ado ? Raoul devient un petit garçon qui va faire des phrases et gagner en autonomie, c’est la fin des couches et bientôt l’entrée à l’école, ce qui va permettre à Sophie d’avoir un petit peu moins de charge mentale, de récupérer un peu plus son corps et son espace qui sont accaparés pendant tout le film. Le couple va aussi pouvoir sortir la tête de l’eau pour décider ou pas de se quitter. C’est aussi ça les grandes vacances, une transition vers l’année d’après. Jean-Fi, lui, cherche encore, pour survivre, des moments où il redevient un « mec tout seul », à s’extraire de la cellule familiale, fumer une clope, aller garer la voiture. Le film parle de cela aussi : le fait de ne pas être la même personne avant et après avoir eu des enfants, ce qui a changé et l’impossibilité de revenir en arrière.

Et le fait de jouer dans vos propres films, est-ce quelque chose que vous faites par plaisir ou par nécessité ?
Par plaisir. Et aussi par praticité, je dirais. Je fais beaucoup de choses moi-même, et parfois c’est plus simple d’être devant la caméra que d’expliquer exactement ce que je veux. Surtout avec cette méthode-là, où tout repose sur des détails, des rythmes très précis.

Vous faites beaucoup de prises ?
Je fais généralement peu de prises, et je travaille dans des conditions très légères. J’aime mieux travailler avec des équipes réduites. Au tournage il y avait deux caméras pour être plus rapide et totalement raccord. 

Raoul est une tornade, c’est un corps burlesque à sa manière. Il apporte une dimension de comédie au film, qui par ailleurs tire plutôt vers la mélancolie.
Oui, c’était l’idée. Ce bruit permanent que fait un enfant de 3 ans comme un petit animal qui ne se maîtrise pas et n’est pas encore dans un rapport articulé à la conversation. Et je voulais filmer entre autres ce bruit de fond permanent et toutes les autres choses qui me bouleversent chez les enfants mais que je ne saurais pas décrire par un autre médium que le cinéma. 

Il amène aussi une dimension scatologique : beaucoup de scènes tournent autour de son caca.
Oui. Mais avec des enfants on est confronté fréquemment, voire plusieurs fois par jour à leurs besoins. Avec nous-mêmes aussi d’ailleurs. La preuve, il se trouve que dans mes enregistrements il en était beaucoup question ! Je ne méprise pas la matière quelle qu’elle soit… Peut-être parce que je suis manuelle, que je suis passé par l’art textile, l’art plastique et la vidéo expérimentale. J’ai une approche artisanale et organique du cinéma.

Votre film paraît déstructuré, mais en réalité il est hyper construit, très précis. Notamment votre travail sur le son est fondamental. Comment avez-vous travaillé le son sur ce film, par rapport aux précédents ?
Le son n’est pas là pour être parfaitement propre ou compréhensible. Il est là comme une matière vivante. Par exemple, avec Raoul, j’ai travaillé ce que j’appelle « le tissu sonore » : il est tout le temps là, à marmonner, à faire des bruits, à parler tout seul. Quand il s’endort, d’un coup il y a un vide. Au mixage, je laisse parfois volontairement les déphasages, les micro-accidents. Cela donne du relief, une épaisseur aux sons qui ne sont pas sur du papier glacé.

Et la musique ? Pourquoi faire revenir le Prélude de Bach ?
Alors que je travaillais sur la musique du film, que je cherchais une ritournelle simple et répétitive, mon fils apprenait ce prélude de Bach au piano. Je l’ai enregistré et ce que je cherchais depuis des mois était juste là sous mon nez. Et bien qu’il ait progressé depuis, j’ai gardé cette version si juste et si fragile. Et en plus, comme me l’a fait observer Philippe Katerine, qui a lui-même repris le Prélude dans son dernier album, Bach en anglais, ça sonne comme « back » : revenir en arrière, retourner au passé.

Le titre, L’Aventura, amputé d’un « v », est évidemment un clin d’oeil à Antonioni. Quand il a présenté son film à Cannes en 1960, il a gagné un prix mais il s’est aussi fait démolir par une partie de la critique, qui disait : « Il ne se passe rien, ce n’est pas du cinéma. »
Oui, bien sûr. Et moi, dans la scène finale du film, je rétorque à Jean-Fi qui me dit qu’il ne faut pas le faire ce film car il ne s’y passe rien : « Il se passe tout ! » Ce que j’aime aussi, c’est ce rapport à la fiction : qu’est-ce qui est noble, qu’est-ce qui mérite d’être raconté ? L’Aventura, c’est censé être un film d’aventure où ils improvisent leurs vacances, mais la plus grande des aventures, c’est peut-être simplement de vivre, même des choses très simples, très partagées. Et c’est ce dont parle le film, en creux — de la vie, mais aussi de la mort, qui plane à travers la reconstitution des souvenirs et les angoisses de Claudine. 

Est-ce le rôle des images Super 8 qui clôturent le film ?
Le film parle de cela aussi : du cycle de la vie, de cette continuité entre la grand-mère, Sophie, Claudine… C’est cyclique. Ces images Super 8, ce sont celles que mon père avait tournées. C’est un film sur le temps qui passe. On voudrait pouvoir revenir en arrière, mais c’est impossible. Et tous mes films portent ce questionnement, d’une manière ou d’une autre. Dans Voyage en Italie, il y avait l’embaumement du corps ; dans Les Coquillettes, les coquillettes jetées dans la poubelle. Tout vient de là : d’une révolte contre le temps qui passe, contre la mort. C’est mon moteur.

http://www.gncr.fr

EXTRAITS DE PRESSE
Prochainement.