9 > 15 juillet
FILM FRANÇAIS DE LAURENT CANTET ET ROBIN CAMPILLO (2025 – 1 H 42)
AVEC ELOY POHU, PIERFRANCESCO FAVINO, ÉLODIE BOUCHEZ
✪ QUINZAINE DES CINÉASTES, CANNES 2025
Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Mis sous pression par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon...
Les confrontations s’enchaînent, les événements se précipitent, le tragique s’en mêle, mais un mystère demeure : le ressenti de la jeunesse face à la société et au monde contemporains. L’ultime film de Cantet, mort en avril 2024, réalisé par Campillo, son ami et coscénariste, est une bouleversante réflexion sur le refus de la reproduction sociale. – Télérama
9 > 15 JUILLET
mercredi 16h - 20h30
vendredi 20h30
samedi 17h30
dimanche 18h45
mardi 20h30 D
En réalisant le film – posthume – de Laurent Cantet, son complice Robin Campillo livre une œuvre solaire et tournée vers la jeunesse, témoignage émouvant et ultime de la bienveillante acuité de son ami cinéaste. Au prétexte de la velléité d’un fils de bourgeois de devenir maçon, Enzo brosse le portrait sensible d’un Bartleby qui préfère la solitude romanesque et taiseuse à l’aisance sociale de sa propre famille. Évoquant subtilement la construction du désir propre à la vie adolescente, avec ses engouements irrémédiables et ses ébauches de révoltes face à l’inquiétude diffuse et tenace des temps présents, ce récit éminemment politique et sensible touche au cœur. Et reste en tête.
Nicolas Milesi – Cinéma Jean Eustache, Pessac
Membre du groupe Inédits de l'AFCAE
https://www.art-et-essai.org
Un film de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo. Qu’est-ce que ça signifie ?
Disons que c’est l’aboutissement d’une longue histoire d’amitié. J’ai eu pendant quelques années une position assez unique auprès de Laurent puisque j’ai monté six de ses films et co-écrit cinq d’entre eux. Lorsque Laurent a appris qu’il avait un cancer, on a décidé de revenir à ce compagnonnage afin que je puisse le seconder dans toutes les phases de fabrication du film. Son état de santé s’est soudainement dégradé quelques semaines avant le tournage et c’est là qu’on a décidé avec Laurent et Isabelle, sa compagne, ainsi que Marie-Ange Luciani, la productrice, de poursuivre le projet. J’ai tout de suite dit à Laurent que j’allais respecter toutes les choses qu’on s’était dites mais que j’étais bien incapable de faire un film « à la manière de ». De toute façon, on finissait toujours par tomber d’accord sur les évolutions naturelles qu’empruntaient les films en général. Enzo reste le film de Laurent, c’est son projet, sa vision des conflits humains. Mais je dois ajouter que ça a été un plaisir de réaliser son film, de produire cet objet entre lui et moi. Surtout que Gilles Marchand, un autre ami et collaborateur de Laurent, a pu être là tout au long du tournage.
Jusqu’où êtes-vous allés dans le travail en commun ?
On a pu faire ensemble le casting des quatre personnages principaux et ça a été crucial pour le film. Nous avions tous les deux très envie de travailler avec Élodie Bouchez et donc sa présence dans ce rôle de mère à la fois spectatrice et lucide a été tout de suite une évidence pour nous. Pour le père, nous avions pensé à Pierfrancesco Favino mais nous hésitions un peu à cause de la langue. Au fur et à mesure, il s’est imposé aussi car, au-delà de la force de son jeu, il nous paraissait troublant d’avoir un père un peu décalé dans sa propre famille. Comme il l’a souvent fait, Laurent a souhaité confronter à ces comédiens connus des acteurs "non-professionnels", de manière à créer déjà un rapport de classe entre les personnages. Maksym Slivinskyi travaillait comme Vlad sur des chantiers. Dès le premier essai, on a senti en lui à la fois une force de la jeunesse, une mélancolie et par moments une dureté qui nous ont bouleversés. Quant à Eloy Pohu, on pourrait dire banalement qu’il a été une révélation, mais au fond c’est plutôt lui qui nous a révélé le film. Eloy a fait de la natation à haut niveau, il a gardé de cette pratique plusieurs éléments qui nous intéressaient : une auto-discipline, une fraternité avec ses camarades de sport, mais aussi un goût de la solitude, du mutisme, qui nous semblait important pour le personnage.
Enzo, un rôle-titre.
Eloy a permis ainsi à Enzo d’échapper au portrait de l’adolescent en conflit avec sa famille et la société. Il y a chez Enzo quelque chose de Bartleby, une force d’inertie qui est au fond une réponse encore plus radicale à ce que l’on attend de lui. À travers lui, Laurent souhaitait faire le portrait d’un jeune apprenti qui échappe à la contrainte de la trajectoire scolaire et ses nouveaux outils de contrôle (le fameux Parcoursup que suit son frère Nathan) et qui tente de se confronter à la brutalité du monde. C’est-à-dire à la réalité du travail ouvrier, puis au contact de Vlad et Miroslav, à la menace de la guerre. C’est comme si Enzo cherchait à devancer l’appel aux armes, non pas parce qu’il serait courageux, mais parce qu’il a peur au contraire du monde qui se profile. Face à une famille qui lui propose un quotidien paisible, solaire au bord d’une piscine, il est un adolescent résolument du côté de la lune, de la nuit et des vagues qui se fracassent au pied des falaises. Il s’invente un romantisme qui pourrait l’arracher à cette famille qu’il ne reconnaît pas.
À l’ombre de Vlad
Pour Enzo, ce romantisme va justement s’incarner dans le personnage de Vlad, qui est en quelque sorte son parrain sur le chantier et qui va peu à peu devenir l’objet de son désir. Nous n’étions pas d’accord avec Laurent sur la nature du désir d’Enzo. Pour Laurent, l’adolescent avait une sexualité fluide qui ne s’interdit aucune expérience, pour moi à travers ce fantasme d’ouvrier étranger, Enzo découvrait un nouveau pan de sa libido. La vérité est que ni Laurent ni moi n’en savions rien. Et le film, pas plus que la vie, n’essaie jamais de statuer sur le sujet. Le film n’est d’ailleurs à aucun moment un film sur le coming out. Enzo sait sans doute trop bien que Vlad ne peut répondre à ses sentiments (il est mineur et Vlad est hétéro). Mais le désir qui porte Enzo vers Vlad est un espoir plus important qu’une simple histoire d’amour ou de sexe. Ce que recherche Enzo, c’est un compagnon d’armes face à l’incertitude des temps présents, c’est pourquoi ce désir n’est pas exempt d’un certain virilisme.
Une famille au soleil
La famille est peut-être la construction la plus aléatoire de la société. Enzo se sent en tout cas comme un déclassé dans la sienne. Laurent tenait à ce que l’adolescent ne soit pas montré comme une chenille en crise qui peine à atteindre l’âge adulte, mais plutôt un personnage totalement déconnecté de sa famille. Bien sûr son père a-t-il raison de lui dire qu’au fond il n’est « qu’un petit bourge qui se raconte des histoires », mais pour autant ce qui angoisse Paolo c’est qu’il reconnaît en son fils une part d’ombre qui est sans doute la sienne. Il ressent donc son fils comme une forme de reproche permanent qui met en crise le confort social de la famille. Enzo reste un mystère pour lui : pourquoi n’accepte-t-il pas de se conformer à l’insouciance de la bourgeoisie ? Pourquoi ne se contente-t-il pas de se fondre dans un projet familial pourtant si rassurant : profiter des beaux jours, de la mer, du soleil, d’une sortie en bateau, des ruines en plein midi. Profiter avant qu’il ne soit trop tard.
Extrait du dossier de presse
https://www.art-et-essai.org
Laurent Cantet est né en 1961 à Melle (Deux-Sèvres), il intègre l’IDHEC en 1984, où il rencontre Robin Campillo, futur collaborateur sur plusieurs de ses films.
Il se fait connaître avec Ressources humaines (2000), qui remporte de nombreuses distinctions. Suivent L’Emploi du temps (2001) et Vers le sud (2006), avant Entre les murs (2008), qui obtient la Palme d’or à Cannes. Par la suite Laurent Cantet réalise Foxfire (2013), Retour à Ithaque (2014), L’Atelier (2017) et Arthur Rambo (2022).
Engagé, il soutient les travailleurs sans-papiers et participe à la création de LaCinetek, il sera aussi Membre du collectif 50/50 pour l’égalité et la diversité dans le cinéma. Il coécrit Enzo, son dernier film, avec Robin Campillo.
Il s’éteint en 2024 à Paris des suites d’une maladie.
Robin Campillo est né à Mohammedia (Maroc) le 16 août 1962. Après des études à Aix-en-Provence, il intègre l’IDHEC au début des années 80, où il rencontre Laurent Cantet. Il est à la fois monteur, scénariste et réalisateur.
Avec Laurent Cantet, il coécrit et monte plusieurs films, dont Ressources Humaines, L’Emploi du temps (2001), Vers le sud (2005) et Entre les murs (Palme d’Or à Cannes en 2008). En 2004, il réalise son premier long métrage, Les Revenants, qui inspirera la série homonyme de Canal+. Il obtient une reconnaissance internationale avec Eastern Boys (2013), Prix Orizzonti au Festival de Venise, et 120 Battements par minute (2017), Grand Prix du Festival de Cannes, multiplement récompensé aux César et primé dans de nombreux festivals. En 2019, il est membre du jury du Festival de Cannes et s’engage dans le collectif 50/50 pour l’égalité dans le cinéma. En 2023, il réalise L’île Rouge sélectionné au festival de San Sebastian.
En 2024, il réalise Enzo, dernier film de Laurent Cantet qu’il a co-écrit avec ce dernier.