Le clown, vaste sujet, comique certes, mais avec des origines sérieuses, ou pas, une évolution, une révolution, et des perspectives…
Alain Gautré, clown émérite lui-même, maître du comique, passionné par l'art qu'il pratique et pour lequel il n'arrête jamais les recherches, offre là une passionnante conférence sérieuse et truffée de clowneries dans le noble sens du terme. Il est incollable, déjanté, érudit, et clown au plus profond de lui-même. Peut-être est-il, dans cette conférence, plus Clown Blanc qu'Auguste, mais en tout cas d'un pince sans rire irrésistible !
À travers cette conférence atypique, il nous permet de découvrir l'évolution historique du personnage du clown, depuis sa naissance, au cirque, dans les années 1770 (ou alors dès la préhistoire, « le rôle du crétin n'a-t-il pas toujours été nécessaire à la vie ? »), et nous rappelle qu'aujourd'hui, il est beaucoup plus qu'un emblème de fast-food. À bas les clichés, venez découvrir la complexité de ce personnage multifacette !
Sous la forme d’une conférence non conventionnelle mais passionnante et très érudite, Alain Gautré raconte l’histoire du clown… (…) Il explique, donne à voir, à entendre et à comprendre les ressorts du jeu, l’épaisseur de l’amuseur et, surtout, sa face tragique, de manière très subtile. TÉLÉRAMA
Les gens connaissent peu (ou mal) l’évolution historique du personnage du Clown, depuis sa naissance, au cirque, vers 1770, jusqu’à ses développements les plus contemporains. Il est, pour nous, un personnage emblématique et significatif des arts de la représentation, qu’il s’agisse du cirque, du théâtre, du cabaret, de la rue, voire de la danse ou du mime. Il est néanmoins à craindre que pour le comm un des mortels, il reste associé à des images appauvries, telles que les arbres de Noël ou le clown fast food.
Ce ne sera donc pas le moindre des mérites de cette conférence drolatique que de donner à voir (et entendre) l’Histoire du Clown. Mais là où un esprit docte ne ferait que témoigner oralement, nous pouvons, nous, suite à notre engagement dans cet art depuis bientôt quarante ans, allier, pour le plaisir de tous, théorie et pratique et montrer les ressorts de son fonctionnement.
Alain Gautré
« Gautré est, depuis longtemps, un maître du comique. Là, il réussit l’exploit d’associer l’érudition et le jeu burlesque, l’explication et le gag, la dissimulation et la mise à nu. Le parcours historique effectué en moins d’une heure et demie est passionnant. Il va de l’invention du clown, que Gautré situe à la fois en France et en Angleterre au XVIIIe siècle (alors qu’on l’a toujours cru né seulement en Grande-‐ Bretagne), à la réforme du burlesque engagée par Jaques Lecocq à la fin du XXe siècle et aux clowns hors cirque d’aujourd’hui. L’artiste se moque à l’occasion de lui-‐même : c’est l’une de ses façons de renverser la situation. On a rarement appris autant de choses si joyeusement. C’est l’oeuvre d’une vie, d’une pratique et d’une recherche décantées en quelques leçons lumineuses et quelques percutantes tartes à la crème sans crème ni tartes. »
Gilles Costaz – WEBTHEA
« Une magistrale conférence sur l’histoire, et la transmission du clown, Une passionnante rencontre avec une histoire et un homme de théâtre… C’est un formidable conférencier, déjanté, et possédé par son sujet. On le sent incollable. Il nous relate de façon anticonformiste et drôle l’évolution du clown et nous offre ainsi une formidable leçon de théâtre. Ce spectacle a deux niveaux de lecture : le texte très érudit, fondé sur une solide étude historique, et celle du formateur. Les gestes, les mimiques, les regards, les apartés, les bruits, tout est maîtrisé, millimétré, et contribue à appréhender la force et la complexité du rôle du clown. Un cours qui s’adresse aussi bien aux professionnels qu’aux amoureux du clown et du théâtre. »
Anny Avier ‐ AVINEWS
Le clown blanc, maître de la piste, apparemment digne et sérieux, est le plus ancien type de clown. L'auguste au nez rouge, personnage loufoque et grotesque, a fait son entrée vers 1870. Avec les trios de clowns, créés au début du XXe siècle, est apparu le contre-‐pitre, le clown qui ne comprend jamais rien.
Le clown blanc, vêtu d'un costume chatoyant et sérieux, est, en apparence, digne et autoritaire. Il porte le masque lunaire du Pierrot : un maquillage blanc, et un sourcil (plus rarement deux) tracé sur son front, appelé signature, qui révèle le caractère du clown. Le rouge est utilisé pour les lèvres, les narines et les oreilles. Une mouche, référence certaine aux marquises, est posée sur le menton ou la joue. Le clown blanc est beau, élégant. Aérien, pétillant, malicieux, parfois autoritaire, il fait valoir l'auguste, le met en valeur.
L'auguste porte un nez rouge, un maquillage utilisant le noir, le rouge et le blanc, une perruque, des vêtements burlesques de couleur éclatante, des chaussures immenses ; il est totalement impertinent, se lance dans toutes les bouffonneries. Il déstabilise le clown blanc dont il fait sans cesse échouer les entreprises, même s'il est plein de bonne volonté. L'auguste doit réaliser une performance dans un numéro au cours duquel les accidents s'enchaînent. Son univers se heurte souvent à celui du clown blanc qui le domine.
Le contre‐pitre est le second de l’auguste et son contre‐pied. “Augute de l’auguste”, c’est un clown gaffeur qui ne comprend rien, oublie tout, et dont les initiatives se terminent en catastrophes, relançant les rires.
La naissance du clown est liée au cirque. Même s'il appartient à un génie de personnages grotesques et dérisoires qui se perd dans la nuit des temps de l’humanité, le clown comme on l’imagine aujourd’hui est une créature du cirque moderne.
En 1767 le premier cirque équestre apparaît à Paris, créé par l’anglais Bates. Quelques années après, un autre anglais, Philip Astley, véritable père du cirque équestre, développe à Londres la forme de spectacle éclectique qu'on connaît encore aujourd'hui : mélange de voltige à cheval, danse, acrobatie, funambules et sauteurs.
La tension créée par le risque permanent induisit Astley à introduire un élément comique, le clown, pour soulager le public. Les premiers numéros de clown furent donc des voltiges grotesques à cheval. Le clown devint bientôt le contrepoint des acrobates, et prit le semblant d’un paysan : chevalier d’occasion, écuyer qui par hasard se trouve en piste et cherche à faire des exploits acrobatiques inévitablement ratés.
Certaine est l’origine anglaise de ce personnage : “le mot clown déformation de clod, le colon, désigne un paysan balourd, et entre dans la langue française en 1813 pour nommer le pitre du cirque à l’anglaise qui exécute, à pied ou à cheval, des exercices d’équilibre ou de souplesse destinés à faire rire. Grimace et cabriole sont les deux bases de son art” (Alfred Simon).
Très important fut aussi l’influence du comédien anglais Joey Grimaldi, considéré souvent comme étant le premier clown de l’histoire : farceur, mime, saltimbanque, acrobate d’origine italienne, il créa un personnage comique dont le costume rouge et blanc et le maquillage laissèrent ses traces dans les deux siècles suivants.
La présence des clowns dans les cirques se développe pendant tout le XIXe siècle, et subit une transformation progressive : du clown-‐sauteur au clown-‐ parleur. “Le clown, jusque-‐là solitaire, cherche un ou plusieurs partenaires pour créer un nouveau type d’équipe comique” (Alfred Simon). Les entrées deviennent de véritables brèves histoires comiques, les clowns travaillent souvent en couple ou en trio, des rôles commencent à se définir.
Le couple Clown Blanc-‐Auguste se structure dans un duo comique qui va beaucoup influencer le monde du spectacle contemporain. Ce duo représente l’opposition perpétuelle entre l’autorité et la rébellion, l’ordre et le chaos, l’adulte et l’enfance, le maître et le serviteur, l’intelligence et la bêtise, la tête et le corps. L’Auguste fait échouer tous les projets du clown blanc, il désobéit à l’autorité, est en contre-‐rythme constant, toujours décalé. L’élégance austère du clown blanc avec son costume brillant et plein de paillettes, s’oppose au costume chaotique et irrésolu de l’Auguste, où il y a toujours quelque chose en trop, des harmonies qui ne se font pas. Parfois il y a un deuxième Auguste, intermédiaire entre les deux, souvent dit Auguste de piste, ou Auguste de soirée.
À partir des années 1880, les clowns italiens prennent la suprématie sur les clowns anglais et marquent cette transformation du clown acrobate en clown comédien. On rentre dans l’âge d’or du cirque et l’art clownesque touche son apogée. Paris devient la capitale du clown, et un cirque, le cirque Medrano, devient le berceau d’une multitude de clowns de formidable talent .Footit et Chocolat, Dario, Bario, Rhum, Porto, Grock, les Fratellini, Alex, Pipo, Charlie Rivels ne sont que des exemples de noms qui sont restés dans l’histoire.
Le cirque commence son déclin à partir des années cinquante. D’autres formes de spectacle se développent et le public est de moins en moins attiré par le chapiteau. Relégué progressivement à un spectacle marginal, pour un public marginal, comme par exemple les enfants, le cirque résiste comme témoin d’une époque finie, simulacre d’un art en voie de disparition. Et les clowns suivent ce chemin de décadence et d’abandon.
Sorti de la piste du cirque, le clown suit deux voies différentes d’évolution : la rue et la scène. À partir des années soixante une multitude d’artistes de rue, par différentes vagues, traversent les rues d’Europe et d’Amérique du Nord sur les traces des anciens saltimbanques. Souvent ils mélangent différents arts : jonglage, acrobatie, pantomime, musique. Le maquillage et le costume d’auguste laissent des traces partout, ainsi que le visage blanc de Pierrot, rendu célèbre par son évolution plus moderne, Marcel Marceau.
Sur l’autre voie, certains grands clowns, comme Dimitri ou les frères Colombaioni, se produisent indifféremment au cirque et au théâtre, et d’autres artistes transforment le clown en être de scène et nourrissent avec l’état clownesque leur travail de comédiens. Jango Edwards, Boleslav Polivka, Pierre Byland, Yves Lebreton, sont des exemples dans cette direction.
C’est dans ce phénomène de transformation du clown que s’inscrit le travail de Jacques Lecoq. On est dans les années soixante, le cirque est en train de mourir. Le clown abandonne la piste et il se cherche ailleurs : dans son école à Paris, Jacques Lecoq a l’intuition d'aller à la redécouverte du clown. En croisant son expérience de la Commedia dell’Arte et ses types masqués, avec ce qui reste du clown de cirque, il ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire du clown. Le suisse Pierre Byland, élève puis enseignant de l’Ecole Lecoq, introduit le nez rouge, qui, véritable masque, révèle l’état clownesque.
Le nez rouge simplifie l’Auguste à son essence : nez rouge devient synonyme d’auguste, et auguste synonyme de clown. Le clown devient état de jeu, étape pédagogique dans la formation du comédien, révélateur de la présence comique de chacun.
Le clown perd son maquillage et son costume extrêmes et se simplifie, en devenant un état comique de base, un état d’être plutôt que de faire, qui constitue la base de toutes les évolutions successives de la recherche du comique. Le travail de Lecoq devient une référence pour tous ceux qui s’intéressent au clown.
D’après Giovanni Fusetti