Au retour des vacances, l’école primaire compte deux nouveaux élèves : Martin et Simon. Martin vient d’une autre région et Simon, passionné de bande-dessinées, a les cheveux longs. Très vite les deux garçons, rejetés des autres, se lient d’amitié et deviennent inséparables. Mais un jour Martin se distingue au football et Le courage d’être soi.devient le plus populaire de la classe. Simon, lui, ne connaît pas cette popularité. Il n’a pas d’amis, et Martin se range bien vite à l’avis des autres, tournant lui aussi le dos à Simon. Entre Martin et Simon, c’est l’histoire d’une amitié qui disparaît quand l’un des deux flanche, quand le courage manque... Sur scène, un homme, une femme ; aucun décor et peu d’accessoires. La mise en scène, tout en proximité avec les deux comédiens qui évoluent parmi les spectateurs, favorise le sentiment que tout est réel, le public devient ainsi acteur et témoin de ce qui se passe devant lui.
Simon La Gadouille ou l’histoire d’un gamin solitaire, pas intéressé par le sport et vraiment pas bavard, qui débarque dans une nouvelle école primaire et entraîne avec lui son nouvel ami Martin, souffre-douleur et mal aimé lui aussi, étranger de Birmingham, dans sa passion géniale et créatrice de la bande dessinée.
La rapidité des tableaux, narrés par un Martin quarantenaire aujourd’hui, homme à la vie non accomplie, épris de remords et de culpabilité face à son passé, offrent au lecteur, acteur et spectateur une grande liberté d’imagination et d’interprétation.
Cette ballade, écrite comme un vieux souvenir par un jeune auteur écossais à la poésie évocatrice et forte, m’a immédiatement ramené vers « KES », second film mythique de 1969 du réalisateur britannique Ken Loach. Plus récemment, Rob Evans lui-même a adapté pour le théâtre le livre de Barry Hines « A Kestrel for a Knave ».
À partir de là, j’aimerais raconter cette "Classe Morte" à deux voix, un homme et une femme, et utiliser un rétroprojecteur, en le détournant, comme support et toile de fond. Entouré de quelques rares accessoires, les deux acteurs pourraient avoir comme unique décor une bande d’enfants, à l’écoute de cette magnifique histoire d’amour. PHILIPPE MARTEAU
Martin regardant autour de lui pour voir qui pourrait devenir son ami. Chemise repassée, chaussures cirées, cravate bien droite.
Et puis Simon. Différent. Cheveux longs en bataille sur des yeux verts, la cravate de travers. Comme si ce n'était pas vraiment la sienne.
Se tenant là tous les deux, dansant d'un pied sur l'autre, sous le regard des CMl. Tous les autres déjà intégrés, déjà amis…
…Simon hoche la tête. Mais ne dit rien. La classe le fixe des yeux, mais on dirait qu'il s'en fiche. Il a les yeux rivés sur la carte du système solaire accrochée au mur du fond. JI se contente de relever le col de sa veste et de se tenir là. À attendre. Martin voit qu'il porte de drôles de chaussettes. Une marron, une verte.
« Les garçons, allez-vous asseoir là-bas. »
Il y a deux places sur le côté. Martin regarde autour de lui, il n'a aucune envie de s'asseoir à côté de Simon, mais il n'y a pas de place ailleurs.
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Ils couraient. Là où la ville devenait la campagne. Ils couraient à travers le petit bois.
Ils trouvèrent un endroit où se faire une tanière. Au milieu des arbres. Ils posèrent un piège, comme ça, s'il venait quelqu'un, ils seraient alertés.
Ils galopaient et grimpaient. Grimpaient aux arbres pour mieux voir les collines, la ville. Se penchaient en arrière et contemplaient les nuages.
Ils dévalaient le toboggan. Tête la première parfois. Grimpaient et couraient sur le mur du cimetière. Des morts, oui, mais eux étaient vivants. VIVANTS !
Ils écrasaient les orties à coups de bâtons.
Puis les bâtons devenaient des sabres laser car ils avaient fini par le voir, ce film dont tout le monde parlait.
La Guerre des Étoiles.
****
Puis un jour. En plein match, Martin voit Simon traverser la cour. Quelque chose à la main.
C'est la bande dessinée. Toute froissée maintenant, et la couverture déchirée.
<< Elle était dans ton sac, dit Simon.
Tu ne l'as pas fait, dis ?
Tu n'as rien fait.
Je ne comprends pas.
Si tu ne veux plus le faire. C'est pas grave. Mais tu aurais dû me le dire. Je l'aurais fait tout seul. Elle est tout abîmée maintenant. >>
Et Martin le sent. Quelque chose qui monte en lui. Cette carcasse idiote qui reste plantée là, à le regarder. Une bande dessinée merdique à la main.
<< Et après ? >>
Il arrache la bande dessinée des mains de Simon.
<< Tu trouves ça important ? Tu les trouves importants nos dessins débiles ? Ben non. Ils sont merdiques. Tous.
J'en ai par-dessus la tête.
Regarde. C'est nul. (JI arrache une page.)
Archinul. (Il en arrache une autre.)
C'est rien qu'un truc de gosse. >>
Et voilà que les autres s'en aperçoivent.
Martin et La Gadouille. Se disputant.
Mais Martin ne peut plus s'arrêter.
<< Faut que t'arrêtes de m'embêter.
Que t'arrêtes de me suivre partout.
J'en ai marre. Toujours là. Toujours à me regarder. »
Colin et Stuart sont là maintenant, avec le ballon, et ça lui donne une idée. Le ballon. Martin le ramasse.
<< Casse-toi, la Gadouille. >>
Le ballon frappe le bras de Simon. Rebondit sur lui.
II regarde Martin. Bizarre.
« Quoi ? »
Quelqu'un d'autre s'est emparé du ballon. Et a tiré sur Simon. Le ballon le frappe. JI ne bouge pas.
Ça devient un jeu. Tirer sur Simon qui ne bouge pas. Qui reste planté là, comme ça. Jusqu'à ce que finalement. Finalement il n'en puisse plus. Et crie :
<<Arrêtez ! Laissez-moi tranquille ! >>
Simon a maintenant les larmes aux yeux.
II se sauve. En courant.
Et Martin se tourne lui aussi. Récupère le ballon et court avec, balle au pied. Tire. Et marque.
ROB EVANS (auteur)
Rob Evans est né en 1977 près de Cardiff, au pays de Galles. Il étudie à l'université d'Édimbourg avant de s'établir à Glasgow en tant qu'auteur et metteur en scène. Il a écrit de nombreuses pièces de théâtre pour les enfants et les jeunes parmi lesquelles Kes, Caged, Pobby and Dingan ou encore un thriller pour adolescents The Dark. Il est aussi l'auteur d'une adaptation de Peter Pan. Il a travaillé sur de nombreux projets de théâtre jeunesse avec Andy Manley, un artiste international à la fois performeur et metteur en scène. Leur dernière collaboration est Mikey and Addie, présentée au festival de Londres 2012. Son œuvre est traduite dans plusieurs pays, et principalement jouée au Royaume-Uni, en Europe, aux États-Unis et en Australie.
« Simon la Gadouille » fait partie de la sélection 2013/2014 du XIème prix de théâtre contemporain pour le jeune public. Ce prix est décerné par l'Inspection académique du Var/ Rectorat de Nice.
PHILIPPE MARTEAU (metteur en scène)
Philippe Marteau est un des membres fondateur du Théâtre des Lucioles (Rennes). Dernièrement il met en scène au Théâtre de l'Aire Libre à St Jacques de la Lande « La nuit juste avant les forêts» de B-M Koltès. Il joue dans plusieurs pièces mis en scène par: Matthias Langhoff (Ham/et et Richard Ill de Shakespeare, L'inspecteur Général de Gogol, Ecole des maîtres 7ème édition), Nathalie Pivain (Le manuscrit des chiens Ill de Jan Fosse, Nunzio de Spiro Scimone, Bouvard et Pécuchet de Christian Salmon). et Marcial di Fonzo Bo (Les Copis 2006, Œdipe/ Sang de Sophocle/Lars Norén, Et ce fut ... d'après G. Garcia Marquez). Il joue également sous la direction de Fédérique Loliée, Pierre Maillet, Marc François, Christian Colin, Christian Peythieu, Benno Besson, François Wastiaux ... Il travaille avec des acteurs non professionnels et monte Une Famille à Bruxelles une adaptation du roman de Chantal Akerman (2008), Scènes de chasse en Bavière de Martin Sperr (2007) et Catégorie 3.1 de Lars Norén (2006).
CATHERINE RIAUX (comédienne)
Au théâtre, Catherine Riaux joue avec la Cie 13/lüème ut, le Théâtre des Lucioles, la Cie Fiat Lux, le Théâtre du Pré Perché, le Théâtre de l'Ecume, Cie Comus Momus ... Et sous la direction de Christophe Lemoine, Kathia Egranitova, Oleg Goudriachov, Sergueï Afanassiev, Odile Mallet, Christine Barillet-Dawson… Au Cinéma, elle est dirigée par Marie Castille Mention-Schaar, Mathieu Hippeau, Katell Quillévéré, Manuel Poirier, Marie Hélia, Sandy Sénéchal, Fabienne Malinge, Benoit Tételin, F. Chrétien et J. Pasquier, Bernard Borel, Jean-Pierre Jackson, Cécile Egalis, Benoît Tételin ... A la Télévision, elle joue dans des films de A. Selignac, Marc Rivière, Alexis Le Caye, Hervé Baslé, Philippe Thirboit, Mikaël Perrota, Christiane Lehérissey, M Rivière, D Baron, M Sibra, Daniel Vigne ... De 2002 à 2004, elle crée avec une chanteuse et une pianiste un cabaret "Rose B. Cat", à partir des oeuvres de Kurt Weill et B. Brecht.
OUEST FRANCE - AGNÈS LE MORVAN
Pas simple d'être courageux quand on est enfant
Festival Marmaille. C'est un régal. Dans Simon La Gadouille, écrit par Rob Evans, le Théâtre des Lucioles pointe la cruauté des cours d'école. Une pièce de théâtre drôle et émouvante.
Pas facile de s'intégrer quand on arrive dans une nouvelle école. C'est ce qui a rapproché Martin, tenue impeccable, et Simon, cheveux longs en bataille et cravate de travers, quant au retour des vacances de Pâques, ils se sont retrouvés dans la même classe, un peu isolés. Ensemble, ils ont couru dans les bois, joué dans les cimetières, se sont amusés à la guerre des étoiles ... Ils se sont même jurés d'être amis pour la vie.
Mais les choses ne se passeront pas tout à fait comme prévu. Si Martin s'attire la sympathie de ses camarades en marquant des buts et en qualifiant l'équipe de foot de la classe, Simon devient la risée des autres. Depuis qu'il est tombé dans la gadoue, tous l'appellent Simon La Gadouille. Martin finit par avoir un peu honte de ce copain un peu encombrant dont il va s'éloigner.
Simon la gadouille, jouée dans le cadre du festival de théâtre Marmaille, a reçu le prix de théâtre contemporain pour le jeune public, en 2014. C'est une pièce de l'auteur gallois Rob Evans, écrite en 2008. Philippe Marteau, membre fondateur du Théâtre des Lucioles, a découvert le texte lorsqu'il a été traduit en français en 2012. « Il est écrit comme un scénario de film pour un acteur. Ce qui m'a plu, c'est cette possibilité d'interpréter plusieurs personnages, en passant de l'un à l'autre très vite. Mais je n'avais pas envie d'un one-man-show. »
Le metteur en scène et comédien fait alors appel à Catherine Riaux pour partager les rôles avec lui. Philippe Marteau interprète Martin, l'instit' plutôt vieille école M. Truman et une élève, Judith, un brin précieuse. Catherine Riaux est l'institutrice Mme Nangle, la méchante Sharon et la mère de Martin ... Quant à Simon, le spectateur est libre de l'imaginer: « Il est comme un fantasme. » Si la pièce démarre dans un hall d'aéroport - là où Simon et Martin trente ans plus tard vont se croiser, Simon La Gadouille nous entraîne dans la classe, la cour de récréation ou chez la mère de Martin. Sans vraiment changer de costume, mais en adoptant des codes et tiques, (tortiller les cheveux, tirer sa culotte), les deux comédiens endossent, à une vitesse vertigineuse, les différents personnages.
« On a beaucoup observé les enfants mais puisé aussi dans les souvenirs », explique Catherine Riaux. L'astuce, c'est aussi la configuration de la scène, tout en longueur, avec des gradins qui se font-face. « On voulait que les enfants soient spectateurs, mais aussi un décor vivant. Cela demande beaucoup de concentration, mais c'est très agréable, interactif. » On rit, on est, ému, aussi, en voyant cette pièce sur le courage et les remords, complètement atemporelle.