VIDÉO
Parmi une multitude de mauvaises copies, un professeur de français découvre une rédaction enfin digne d’intérêt. Claude, jeune garçon réservé habitué du dernier rang, y décrit avec une certaine Dernière création du metteur en scène Paul Desveaux dans le cadre de la nouvelle mouture du festival Terres de Paroles.subtilité le quotidien des parents d’un de ses copains. Commence alors un échange entre l’élève et le professeur, ce dernier le poussant à poursuivre cette aventure dérangeante entre voyeurisme et exercice littéraire. Paul Desveaux a très vite été séduit par l’écriture cinématographique de Juan Mayorga. Six comédiens donnent vie à cette écriture du réel, d’aujourd’hui, qui parle avec justesse de l’adolescence, de sa brutalité, de son entièreté et de sa farouche tendresse. Un thriller psychologique fascinant qui dresse un portrait parfois drôle et sans concession de notre société occidentale.
DSN s’associe à Terres de Paroles.
Ouverte à toutes les disciplines et centrée sur les textes littéraires, cette nouvelle mouture du festival met en lumière l’influence des Lettres sur les arts vivants. Tout le mois d’avril, les artistes s’emparent du territoire et entremêlent les disciplines pour un voyage au coeur de la création contemporaine. DSN et Terres de Paroles vous proposent deux autres rendez-vous :
MERCREDI 30 MARS 18H30
Entre les lignes de Tiago Rodrigues
Dans une performance d’acteur éblouissante, Tónan Quito brosse le portrait de la relation longue et énigmatique entre l’auteur et l’acteur et soulève avec fi nesse la grande question de ce que, fi nalement, nous attendons du théâtre.
Tarif et lieu à déterminer.
JEUDI 31 MARS 18H30 / BAR DE DSN
Le Banquet des traducteurs
Le Banquet des traducteurs est fait pour les gourmands de nouveaux textes de théâtre, qui veulent goûter des textes du monde entier ! En 45 minutes, dans l’espace convivial du bar de la scène nationale, les comédiens Anne-Sophie Pauchet, Ludovic Pacot-Grivel et Jean-François Levistre, grands lecteurs et chercheurs de pépites théâtrales, vous proposent d’entendre en extrait quatre pièces récentes, suédoise, anglaise, américaine et espagnole : Dossiers Incertitudes de Linda Mc Lean, Presque Égal à de Jonas Hassen Khemiri, Le Tigre du Bengale de Rajiv Joseph et Le Principe d’Archimède de Josep Maria Miro.
Entrée libre, nombre de places limité.
Quand j'ai lu pour la première fois « Le Garçon du Dernier Rang », deux films me sont revenus immédiatement à l'esprit : « Paranoïd Park » de Gus Van Sant et « Ken Park » de Larry Clark. Ces deux réalisateurs avaient su saisir dans l'adolescence ce qu'il y avait de brut, d'entièreté et de farouche tendresse.
L'écriture de Mayorga, aux accents très filmiques, m'a impressionné à la fois par le choix simple des mots, la pureté de la syntaxe et en contrepoint par la complexité de sa construction. Mayorga donne à entendre une fable —et j'aime cette capacité à raconter une histoire— mais de manière non linéaire. C'est par la juxtaposition de moments très sensibles, impressionnistes que se développe la narration.
L'écriture de Juan Mayorga est donc très cinématographique. Il organise à l'intérieur même de sa dramaturgie différents plans renvoyant sans cesse le spectateur à de nouveaux cadrages. Le cadre appartient à l'histoire : celui qui regarde, celui qui regarde l'observateur, et enfin l'objet de la fable, ces êtres observés.
Il y a donc de la perspective chez Mayorga. A la profondeur de champ du cinéma, il répond par la multiplication des plans de narration. L'histoire commence par l'écriture d'une simple rédaction et finit par la création d'un livre. L'histoire du livre se mêle au réel des personnages pour ne faire plus qu'un dans les dernières pages.
Le résultat est une pièce à la fois puissante par l'intrigue et sensible par sa capacité à saisir des mouvements intimes. Il donne à voir les tropismes de l'adolescence et l'improbable confrontation au monde des adultes. En effet, le conflit de génération est quasiment insoluble : entre l'absolutisme du jeune âge et les nécessités matures de la vie active, il ne peut y avoir qu'un abime d'incompréhension. Et par-delà l'adolescence, nous découvrons deux couples : un professeur de français et sa femme gérante d'une galerie d'art contemporain proche de la faillite ; une femme au foyer adepte de « Elle décoration » et son mari cadre supérieur, fan de basket. Ce sont ici deux photographies de familles ordinaires avec lesquelles nous abordons le travail, l'abîme de l'art contemporain, l'école, les relations de couple…
C'est un portrait parfois drôle et sans concession de notre société occidentale où la vacuité des actions laisse la place parfois à l'ennui, et où seule l'adolescence, avec son regard absolu, semble ouvrir un possible avenir. PAUL DESVEAUX
Pour moi qui suis cinéphile et qui ai repris au théâtre un vocabulaire proche du 7ème art, j'ai trouvé chez Juan Mayorga, un territoire propice à une aventure théâtrale. Il était donc nécessaire, pour moi, de rendre compte de la multiplicité des espaces. Surtout quand ceux-ci sont les territoires d'une narration simultanée. Le spectateur doit pouvoir observer les mêmes mouvements que ceux développés par Claude, le jeune écrivain.
Et comme il s'agit bien d'écriture, il faut se méfier chez un auteur comme Mayorga, de l'apparente quotidienneté. Il existe dans son phrasé des motifs, une poétique sous- jacente qui demande aux acteurs et au metteur en scène de dépasser le semblant de réalité et d'en comprendre la musique.
Ici, le texte révèle des âmes qui nous sont proches. Des êtres que nous croisons tous les jours et qui nous ressemblent. C'est un theater très au présent dans tous les sens du terme. Le présent du plateau et le présent de notre histoire contemporaine.
Cette histoire est si contemporaine que m'apparaissent sans filtre les photos de Gregory Crewdson, des plans de skateboard, Annette Bening et Kevin Spacey dans « American Beauty », l'humour et la noirceur d'un Philip Roth, Daft Punk, Nirvana et un soupçon de Coltrane, un verre de Chardonnay chez Jay McInerney, un ipod, un sweet à capuche, une pizza froide, la première cigarette et le premier joint, la ville et la solitude…
En évoquant la solitude, je me dis que j'ai toujours trouvé la période de l'adolescence fascinante. L'un de mes premiers spectacles était « L'éveil du printemps » de Franck Wedekind. J'y voyais une réflexion sur l'avenir, sur ce « que nous ferons demain? » Et c'est sans doute, au delà de la beauté du texte, ce qui m'a séduit dans « Ce garçon du dernier rang ». Ce sont bien ces jeunes gens et l'étincelle de l'adolescence qui m'ont interpellé. Il y aura toujours quelque chose de sensible dans l'adolescence, à fleur de peau, qui fera que plus vieux, nous regretterons ce temps des possibles, et détesterons parfois la sourde insolence de la jeunesse. PAUL DESVEAUX
JUAN MAYORGA auteur
Juan Mayorga est né à Madrid en 1965. Licencié en 1988 en philosophie et en mathématiques à l'Université de Madrid, il obtient son Doctorat de philosophie en 1997. Depuis 1998, il enseigne la dramaturgie et la philosophie à l'Ecole Royale Supérieure d'Art Dramatique à Madrid. Cofondateur du Collectif théâtral El Astillero, il obtient plusieurs distinctions dont le prix Celestina du meilleur auteur de la saison 1999/2000, le prix Borne pour sa pièce Lettres d'amour à Staline ainsi que le prix Calderon de la Barca pour Mas ceniza - Plus de cendres, en 1992. Quasiment toutes ses pièces ont été mises en scène, publiées en Espagne et à l'étranger. Ses pièces traduites en français sont publiées aux Éditions les Solitaires Intempestifs. En 2012, Le garçon du dernier rang a été adapté au cinéma par François Ozon sous le titre Dans la maison.
PAUL DESVEAUX metteur en scène
C'est en 1997, après un parcours de comédien qui l'a mené vers des auteurs comme Minyana, Chartreux, Novarina, Koltès ou Goldoni, que Paul Desveaux fonde sa compagnie, l'héliotrope. Il met alors en scène La Fausse Suivante de Marivaux, spectacle qui sera suivi, en 1999, par Elle est là de Nathalie Sarraute, première occasion pour lui de confronter un travail chorégraphique à un texte théâtral. L'année suivante, Nathalie Marteau, directrice du Centre d’Art et d’Essai de Mont St Aignan, lui propose de travailler sur un projet de recherche autour de Théâtre et Chorégraphie à partir d'extraits de Sallinger de B.M.Koltès. C'est alors qu'il démarre sa collaboration avec la chorégraphe Yano Iatridès. Celle-ci se poursuit en 2001, lorsqu'il met en scène L’éveil du printemps de Frank Wedekind, créé au Centre d'Art et d’Essai et présenté ensuite au Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes, puis en tournée dans toute la France jusqu'en décembre 2002. Il collabore aussi à cette occasion avec le compositeur Vincent Artaud qui compose une musique originale pour le spectacle. Ils prolongent leur collaboration avec un second projet de recherche en 2002, au Centre d'Art et d'Essai, autour du recueil de textes de Jack Kerouac, Vraie Blonde et autres. Paul Desveaux aborde alors un travail sur l'image cinématographique et le théâtre, en compagnie du réalisateur Santiago Otheguy, avec qui il part tourner des images à New York en novembre 2001, matière de ce spectacle.
En 2003, réunissant encore ces différentes formes d'expressions sur le plateau, il met en scène La Tragédie du roi Richard II de W. Shakespeare. Cette année-là il devient artiste associé à l'Hippodrome—Scène Nationale de Douai, où il dirige des ateliers, et participe au Cercle de Lecture organisé par Marie-Agnès Sevestre. Au cours d'une nouvelle résidence, aux Scènes du Jura, en mars 2004, il travaille à la création d'une nouvelle version de Vraie Blonde et autres, qui fût ensuite accueillie au Théâtre 71—Scène Nationale de Malakoff, puis à l'Hippodrome à Douai. En 2005, il est artiste associé au Théâtre des Deux Rives—CDR de Rouen.
L’une de ses dernières mises en scène, Les Brigands de F. Schiller, fût créée en 2005 au Nouveau Théâtre-CDN de Besançon, et présentée au Carreau—Scène Nationale de Forbach, au CDDB—Théâtre de Lorient, et au Théâtre 71—Scène Nationale de Malakoff. Puis en tournée en France la saison suivante.
Il a aussi mis en scène en 2005 aux Abbesses/Théâtre de la Ville, L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Création qui fût reprise à l’automne 2006 pour une tournée en France avec une nouvelle distribution. En 2006, il tourne son premier court-métrage, Après la représentation, pour lequel il avait reçu une Bourse Première Oeuvre par le Pôle Image de Haute-Normandie. Il monte en 2007 l’adaptation du roman d’Arezki Mellal, Maintenant ils peuvent, au Théâtre des 2 Rives/CDR de Rouen, qui a aussi été présentée à la Comédie de Reims/CDN et aux Abbesses/Théâtre de la Ville à Paris. Il s’est confronté en 2007 à la mise en scène d’opéra avec Les Enfants Terribles de Philip Glass d'après l'oeuvre de Jean Cocteau. Suite à cette première expérience, il travaille en 2008 avec l'Ensemble Intercontemporain/IRCAM à la création de l'opéra Hypermusic Prologue du compositeur Hector Parra et la physicienne Lisa Randall. En 2008, il commande une pièce à l'auteur Fabrice Melquiot, autour du peintre Jackson Pollock et sa femme Lee Krasner, Pollock. Spectacle qui sera créé en mars 2009 à la Maison de la Culture de Bourges et qui tourney actuellement en France.
La même année, il part à Buenos Aires, avec la complicité de Céline Bodis, pour monter avec des acteurs argentins au Camarin de Las Musas, Jusqu'à ce que la mort nous sépare de Rémi De Vos. En 2010, il met en scène La Cerisaie d'Anton Tchekhov dans le cadre du Festival Automne en Normandie et repris au Théâtre de l'Athénée/ Louis Jouvet à Paris. En avril 2012, il crée Sallinger de Bernard-Marie Koltès au Teatro San Martin / Complejo Teatral de Buenos Aires en Argentine dans une coproduction avec sa compagnie, l'héliotrope. Cette création est reprise au Théâtre 71/Scène Nationale de Malakoff, au Volcan /Scène Nationale du Havre dans le cadre du Festival Automne en Normandie et à MA Scène Nationale de Montbéliard. En 2012, Fabrice Melquiot l'invite à mettre en scène au Théâtre Amstramgram à Génève, Frankenstein d'après l'oeuvre de Mary Shelley. Tournée en France et en Suisse 2012-2015.