Ô

 

NOTES

À l’origine
Au cours de nos résidences en milieu scolaire, nous avons rencontré beaucoup d’enfants qui mettaient le livre à distance, comme une chose extérieure à eux. Le rapport au livre comme toute pratique culturelle n’est pas inné. Si l’environnement familial n’est pas propice, il faut quelqu’un pour favoriser la rencontre avec ce dernier. Le livre est un objet qu’il faut fréquenter, apprivoiser pour avoir une chance de l’adopter. Si c’est avec nos yeux que nous lisons, c’est bien tout notre être que nous projetons dans la fiction, tout notre corps qui fait écho à l’aventure de la lecture. J’ai eu envie de mettre le livre au coeur d’un spectacle.

Intentions
J’avais en tête l’image d’un petit homme avec un très grand livre. Je rêvais pour lui d’une traversée des émotions fondatrices : la peur, la colère, la tristesse et la joie. Associer émotions et lecture. Depuis quelques années, je suis entouré d’une équipe de collaborateurs fidèles. Cette complicité m’autorise à sauter dans le vide, à partir d’une page blanche pour tout inventer depuis le plateau. Le spectacle se cristallise grâce à cette alchimie complexe de la rencontre entre des individus. J’ai invité l’auteure-illustratrice Kitty Crowther à rejoindre l’équipe pour imaginer ensemble le parcours de ce petit homme.

Le spectacle
Le spectacle est construit en une succession de séquences. Entre deux séquences, le décor tourne comme les pages d’un livre. Au début, le père lit une histoire à son fils. L’ enfant s’endort avant la fin. Des animaux étranges peuplent son sommeil. Lorsqu’il se réveille en sursaut, l’enfant trouve à ses côtés un très grand livre. Il engage avec cet objet un rapport physique. Le surdimensionnement du livre provoque des situations poétiques et comiques. L’ envie de connaître la fin de l’histoire pousse l’enfant à s’aventurer plus loin... C’est un spectacle avec des livres. Ô parle de la peur, de la nuit, des rêves... C’est un voyage immobile comme le permet le livre, la traversée d’une nuit ou de l’enfance.

Lenteur, silence et répétition
Dans un monde qui nous pousse à papillonner d’une chose à l’autre, trop rares sont les moments et les espaces où l’on propose à l’enfant de se poser. Le théâtre et le livre sont des lieux de décélération. Ils nous obligent à nous extraire du cours naturel des choses, à nous inscrire au présent dans un espacetemps spécifique. Je crois que les enfants aspirent naturellement à la lenteur, au silence et à la répétition. L’ enfant est sans cesse en découverte, continuellement confronté à des situations qu’il ne connaît pas. La lenteur permet à l’enfant de trouver sa place et de s’installer dans l’univers du spectacle. La répétition le rassure. Et le silence laisse une grande place à son imagination. Dans mes spectacles, le silence n’est pas un vide. C’est un temps habité. Un moyen pour aller vers l’autre en cherchant d’autres chemins que les mots.
Jean-Philippe Naas, metteur en scène.