CRÉATIONS NORMANDES
THÉÂTRE | DÈS 14 ANS
Yann Dacosta | Compagnie Le Chat Foin
Soutien DSN
Un dossier médical vide, un secret familial, un déni sociétal…
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À l’occasion de la fin de son histoire d’amour, Sarita Vincent, né·e intersexe, va être renvoyé·e aux nombreux autres abandons qui ont jalonné sa vie : ses longs séjours à l’hôpital, les maltraitances médicales, familiales et sociétales. À travers son témoignage, nous partons à la rencontre de la communauté intersexe, minorité méconnue et invisibilisée, qui démasque notre société de l’assignation, que ce soit « homme », « femme » ou « monstre ».
La compagnie Le Chat Foin emmène un récit peuplé de fantômes, de voix, de créatures humaines, végétales et animales, dans un monde inconnu où les frontières entre réel, imaginaire, mensonge et vérité sont en mouvement permanent.
Texte Sarita Vincent Guillot. Mise en scène Yann Dacosta. Avec Vincent Bellée & Anne-Laure Labaste. Création musicale Anne-Laure Labaste. Création lumières Marc Leroy. Création son Antonin Barteau.
© Photo : Gauthier Thypa
Production : Compagnie Le Chat Foin Coproductions : CDN Normandie-Rouen ; L’Etincelle – Théâtre(s) de la Ville de Rouen ; Maison de l’Université – Mont-Saint-Aignan. Soutiens : DSN – Dieppe Scène Nationale ; Le Théâtre du Nord.
« La question intersexe est un enjeu in-questionné de notre société qui interroge tout : le médical, le juridique, le philosophique, le religieux, le social et le politique, sans parler des arts. En existant ouvertement, je m’attaquais à mon corps défendant, au sens littéral du terme, à une forteresse de l’impensable qui remet en cause tous les fondamentaux de notre société. C’est en ce nom que mon corps a été sacrifié, supplicié pour le rendre conforme aux dogmes en vigueur : on m’a modifié pour que ne se voie pas ce qui pourrait tout faire vaciller. Je me rendrais aussi vite compte que l’intersexualité n’est qu’une partie du féminisme, des luttes de sexe de classe et de race, bien loin d’une énième catégorisation des genres et sexualités, d’un quelconque lobby ou communautarisme et que sans cette perspective, elle reste insensée et impensable. Le tabou intersexe devenant ainsi le tout sociétal. »
En octobre 2021, Ronan Cheneau, auteur associé au CDN Normandie- Rouen me contacte pour me donner à lire le texte que Sarita Vincent Guillot a écrit durant toute la période de confinement. Le texte est à l’état brut. Sarita-Vincent y a raconté toute sa vie suite à sa rupture amoureuse.
La lecture de ce texte me bouleverse et m’éprouve mais c’est une évidence : il faut faire entendre cette parole. Je rencontre Sarita-Vincent Guillot et me plonge dans l’adaptation avec l’intention de le porter sur une scène de théâtre.
HISTOIRE D’UNE SURVIE
Au commencement de tout cela il y a la naissance d’un enfant qui devait s’appeler Augustin. Né·e intersexué.e, les médecins annonceront une vie longue de quelques jours à ce « petit monstre de la nature », qu’ils transfèreront à l’hôpital Saint-Vincent en le baptisant provisoirement Vincent en référence au nom dudit hôpital. Mais l’enfant survivra.
Ainsi commence l’histoire de Sarita Vincent.
Dès ses sept ans, ses parents et le corps médical lui font croire qu’il faut l’opérer de l’appendicite alors qu’il s’agira d’une opération destinée à valider son assignation sexuelle « mâle ». De nombreuses opérations suivront, puis on lui administrera de la testostérone dans le but de le viriliser. Et puis le silence.
Un dossier médical vide, un secret familial, un déni sociétal… Et vivre dans ce que Sarita Vincent Guillot appelle « le paradigme intersexe » : ne pas avoir le droit de dire ce qu’on ne nous a pas dit que nous étions.
À l’âge de 37 ans, Vincent découvre qu’iel n’est pas seul·e au monde et qu’il existe un mot pour le·la définir : « intersexe ».
L’histoire de Sarita Vincent est celle d’une personne abandonnée. Abandonnéepar la société, abandonnée par ses parents, abandonnée par lamédecine, abandonnée par sa santé physique et psychique.
En 2020, un nouvel abandon – amoureux cette fois-ci – vient réveiller tous les autres, et Sarita Vincent Guillot écrit ce texte pour tenter de faire taire les voix qui hurlent à l’intérieur et faire disparaître les fantômes du passé.
Regarder la société par le prisme des minorités a toujours été au coeur de ma démarche artistique. En travaillant sur le sujet des intersexes, je me suis rendu compte que très peu de récits existaient sur celleux qu’on appelait autrefois « hermaphrodites » et qui représentent environ 2 % de la population.
L’histoire de Sarita Vincent m’est apparue comme une voix évidente à faire entendre tant elle interroge en profondeur notre société. Plongée dans le récit d’une minorité mutilée et sacrifiée au nom d’un dogme en vigueur qui sclérose toute une société.
LA MISE EN SCÈNE
L’existence de Sarita Vincent Guillot est une enquête intime, une quête de vérité, de mots et de définitions, une longue marche solitaire dans un labyrinthe de couloirs d’hôpital.
Pour interpréter cette histoire, j’ai choisi de conjuguer la présence d’un jeune interprète androgyne et facétieux avec une création sonore et musicale d’Anne-Laure Labaste, afin d’aller côtoyer l’univers de Miyazaki. Dans son récit, Sarita Vincent Guillot prend de la distance avec sa souffrance grâce à de l’autodérision, et de l’ironie ; une forme d’humour du désespoir cinglant qui nous ramène toujours à la violence de son existence.
L’enjeu pour moi est d’emmener la noirceur du récit vers l’univers inquiétant, poétique, sombre et lumineux à la fois, de certains animés dont les Japonais ont le secret, en pensant plus particulièrement au Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki. Le voyage de Sarita Vincent étant, lui aussi, peuplé de fantômes, de voix, de créatures humaines, végétales et animales, dans un monde inconnu ou les frontières entre réel, imaginaire, mensonge et vérité sont en mouvement permanent.
Yann Dacosta
SARITA VINCENT GUILLOT Auteur·e
Sarita Vincent Guillot est militant·e intersexe français·e, cofondateur.rice et porte-parole de l’Organisation internationale des intersexués (OII). iel a créé le mouvement intersexe en francophonie.
Iel est assigné garçon à la naissance. À ses sept ans, ses parents sous influence médicale lui font croire qu’il faut l’opérer de l’appendicite pour justifier une opération chirurgicale destinée à valider son assignation sexuelle. Cela l’amène à subir en tout une dizaine d’opérations pendant l’enfance. iel ignore quelle est l’exacte nature des chirurgies qu’iel a subies car son dossier médical est vide sur le sujet.
Sarita Vincent comprend qu’iel est intersexe en regardant un reportage sur le sujet en 2002. iel s’installe alors à Paris et prend contact avec une association de personnes transgenres, avant de se tourner vers le militantisme intersexe et plaider auprès de différentes organisations. Après avoir participé à la création de l’OII, iel organise la première université d’été consacrée aux personnes intersexes en 2006, à Paris.
Sarita Vincent Guillot se positionne en faveur de ce qu’iel considère comme des droits fondamentaux : l’autodétermination des personnes intersexes, l’arrêt des mutilations effectuées sur des enfants intersexes, ainsi que pour l’accompagnement psychologique des parents, avec à terme l’abolition de la mention de sexe pour tout·e·s les citoyen·ne·s.
YANN DACOSTA Metteur en scène
Metteur en scène de théâtre, de théâtre musical, d’opéra et réalisateur, au fil des années, il affirme sa volonté de faire un théâtre de proximité, militant, qui aide à la prise de conscience citoyenne, ancré avec les habitant.e.s. d’un territoire donné et qui donne la parole aux minorités.
Issu de la promotion 2005 de l’Unité Nomade de Formation à la mise en scène au CNSAD de Paris. Après une formation en cinéma et audiovisuel il intègre le Conservatoire National de Région de Rouen d’où il sort en 2000 avec le 1er Prix d’Art Dramatique obtenu avec « Félicitations du Jury ». Pendant sa formation, il part à Moscou en apprentissage auprès de Kama Guinkas au Théâtre d’Art de Moscou (Mkhat).
En 2006, il intègre le Master 2 Mise en scène et dramaturgie à l’Université Nanterre Paris X. Entre 2003 et 2006, il travaille comme assistant à la mise en scène auprès d’Alfredo Arias. En 2000, avec une partie de la promotion issue du Conservatoire de Rouen, il fonde la Compagnie Le Chat Foin et met en scène entre autres Le Baiser de la femme araignée de Manuel Puig (2007), Drink me, Dream me d’après Alice au pays des merveilles (2009), un triptyque Fassbinder (2012-2013), L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche (2014), Légendes de la forêt viennoise d’Ödön Von Horváth (2017), Sur le pont (2017), Qui suis-je ? d’après le roman de Thomas Gornet (2018), La Hchouma d’après le roman « Un homo dans la cité » de Brahim Naït Balk (2019), Les détaché·e·s (2020) co-mise en scène Stéphanie Chêne, Yann Dacosta et Manon Thorel, Sérail (2023) de Damien Dutrait.
Il est artiste compagnon à L’Étincelle - Théâtre(s) de la Ville de Rouen de 2019 à 2023.
VINCENT BELLÉE Comédien
Vincent Bellée quitte Cherbourg en 2015 pour se former au Conservatoire et à l’Université de Caen aux côtés de Virginie Lacroix et Médéric Legros.
En parallèle, il continue de cultiver son goût pour l’écriture, ce qui l’amène à publier en 2019, son premier recueil de textes, L’Orangeade sous le nom d’auteur Chenbel. Dans la foulée, il intègre la formation professionnelle de La Cité Théâtre, dirigée par Olivier Lopez. Il continue de s’y emparer de diverses cartes de jeu aux côtés de Julie Lerat-Gersant, Marie-Laure Baudain, ou encore Vincent Debost, ainsi que l’écriture dramatique avec Jalie Barcilon.
Fin 2021, il crée avec quatre comédien·ne·s le collectif Les Nuées Ineffables, réuni autour de ses textes : Brasier et La Mécanique de L’ennui.
En 2022, il incarne le personnage de Sarita Vincent Guillot dans Cicatriciel, lecture mise en scène par Yann Dacosta au CDN de Rouen-Normandie.
ANNE-LAURE LABASTE Compositrice
Après un cursus classique en violon et formation musicale au conservatoire et de nombreuses expériences en orchestre symphonique, Anne-Laure Labaste s’ouvre aux musiques actuelles en détournant son instrument à l’aide de pédales d’effets. C’est le début d’une longue recherche sonore qui fera naître en 2016 « Bungalow Depression » un projet de musique expérimentale/industrielle/pop, d’abord en solo puis en groupe et s’ouvrant peu à peu aux synthétiseurs, aux boîtes à rythmes et à la voix. Un premier album Blank Slate, voit le jour en novembre 2021.
Depuis plus de 10 ans, en parallèle, elle se met au service d’autres groupes pour la composition d’arrangements (cordes, synthétiseurs, voix) et en tant que musicienne live aussi bien au violon qu’à la basse ou à la guitare, essentiellement dans les styles rock, folk, et électro.
S’intéressant de près à la musique à l’image qui entre en cohérence avec son univers musical, elle compose la bande originale du documentaire Cocheurs, diffusé sur France 3 Bretagne en octobre 2021. Elle est également sollicitée par la compagnie de théâtre Commune Idée pour la création musicale autour de son prochain spectacle Entre fils qui verra le jour en janvier 2022.
Ses influences puisent dans de nombreux styles et époques, des musiques anciennes aux musiques actuelles.
La Compagnie Le Chat Foin travaille depuis toujours autour des écritures contemporaines, du théâtre musical et du théâtre de troupe.
Son outil premier reste la troupe, l’acteur, le groupe et l’humain avant tout.
J’aime donner la parole aux personnages fragiles et marginaux, les laissés-pour-compte, j’aime les textes peu connus et j’aime le thème de la réconciliation. J’aime à croire que le théâtre puisse nous réconcilier avec ce qui nous fait peur, ce que nous méconnaissons.
Autour de toutes ces créations, une multitude d’actions de transmission artistique et d’ateliers menés avec des amateurs, des publics scolaires, en situation de détention, des primo-arrivants, la création d’un réseau d’Échange et Soutien entre Amateurs et Professionnels (le réseau ESPAACE) ; de nombreuses collaborations avec des lieux de diffusion et de création.
La compagnie travaille à la mise en œuvre de projets qui proposeront une autre façon de créer et de diffuser, des projets qui associeront vraiment le mot « infusion » à celui de « diffusion ».
Au fil des années, la compagnie affirme cette volonté de faire un théâtre de proximité, citoyen, ancré avec les habitant·e·s. d’un territoire donné.