THÉÂTRE | DÈS 14 ANS
Mise en scène Stéphanie Chêne, Yann Dacosta et Manon Thorel
Compagnie Le Chat Foin
Coproduction DSN
Avec Bryan Chivot, Jade Collinet, Aurélie Edeline, Martin Legros, Manon Thorel, Mise en scène Yann Dacosta, Stéphanie Chêne, Manon Thorel. Texte Manon Thorel. Chorégraphie Stéphanie Chêne. Construction éléments du décor Olivier Leroy. Costumes Elsa Bourdin. Création lumières Samaël Steiner. Création son Matthieu Leclere. Régisseur général Marc Leroy. Administration Marielle Julie. Diffusion Anne-Sophie Boulon.
Entre tendresse et rejet. Entre compréhension et non-envie d'excuser. Entre attachement et détachement réflexes.
______
Jean, incarcéré pour une longue peine, est au parloir avec sa mère. C'est la première visite qu'elle lui rend en douze ans. Autant d'années de silence à rattraper. Ces délicates retrouvailles vont replonger Jean, et nous avec lui, dans toute une vie de non-dits, de manques, de carences. À rebours, nous découvrirons des éclats de vie, comme des pièces de puzzle, qui dévoileront le parcours d'un homme ayant dû se construire dans la violence de l'absence, du silence et dans celle des assignations sociales. « Pourquoi on s'attache » est un mystère. Et « comment on se détache » en est un tout aussi grand. Voilà les questionnements humanistes et intimes que Yann Dacosta explore à travers cette création collective, inspirée par des récits de vie autobiographiques collectés en milieu carcéral. Car le point de départ des détaché.e.s est cette rencontre avec des personnes qui, à un moment de leur vie, se sont retrouvées en situation de détention. Raconter l'universelle fragilité de nos existences et de nos parcours de vie, c'est explorer également le degré d'empathie que nous pouvons avoir pour les « exclus », les malfrats, les « monstres »…
CINÉMA
______
Des hommes
FILM DOCUMENTAIRE FRANÇAIS DE JEAN-ROBERT VIALLET ET ALICE ODIOT | 2020
➔ + d'infos
© Photo : Virginie Meigné, Arnaud Bertereau.
Production : Cie Le Chat Foin. Coprod : L'Etincelle - Théâtre(s) de la Ville de Rouen, Dieppe Scène Nationale, Le Rayon Vert - Scène conventionnée de Saint-Valéry-en-Caux, La Renaissance – Mondeville, Commédiamuse – Petit-Couronne, Le Tangram - Scène Nationale Evreux-Louviers, Maison de l'Université – Mont-Saint-Aignan. La Cie est conventionnée par Le Ministère de la Culture | DRAC Normandie, La Région Normandie et La Ville de Rouen. Avec le soutien de l'Odia Normandie et du Département de Seine-Maritime.
« Se détacher (Verbe pronominal) : Rompre le lien affectif qui attache à quelqu'un, à quelque chose ; perdre tout intérêt pour quelqu'un, quelque chose. »
Faire dialoguer nos détachements
Pourquoi on s'attache est un mystère.
Et comment on se détache en est un tout aussi grand.
On espère toujours que ce sera le moins tragique possible. On espère qu'on aura profité au maxi- mum de notre chance d'avoir été attaché à celui-ci, à celle-là, à ce lieu. On espère qu'on n'aura ni remords ni regrets, qu'on se sera tout dit, qu'on se détachera dans la paix et que quand le jour viendra de se séparer on pourra même profiter de cette expérience pour grandir, pour « élargir notre cercle de compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes et l'ensemble de la na- ture » comme dit Einstein, pour faire humanité, tout simplement.
Mais cela ne se passe pas toujours comme ça. La résilience ne s'opère pas toujours.
Il y a des détachements dont on ne se remet jamais.
Et il y a des détachements auxquels nous survivons, mais qui font de nous des survivants.
Il y a en chacun.e de nous, des fantômes, des esprits, des cauchemars, des pères absents, des disparu.e.s, des zombies, des états seconds, des médicaments, des délires schizophrènes, des abandons, des départs, des désinvestissements affectifs…
Alors je voulais que nous fassions dialoguer nos détachements, nos vulnérabilités, nos systèmes de défenses, les limites de nos résistances.
Puisque j'ai réussi à ne pas basculer complètement dans le monde des damnés, j'avais envie d'aller les rencontrer, les damnés, les exclus, les enfermés et leur parler gentiment, pour une fois, parce que ces « monstres » qui ont été condamnés- par la société, par leur famille, mais aussi et souvent par eux même- me posent des questions intimes :
Pour quelle raison aurais-je pu me retrouver en prison ? Il y a tellement de moments où tout aurait pu basculer, alors pourquoi eux et pas moi ? Qu'est-ce qui m'a sauvé ? Qu'est-ce qui m'a rattaché au monde ?
Quelles sont les 15 minutes de ma vie qui ont changé le reste de ma vie ? C'est quoi ma prison?
Qu'est-ce qu'on doit se dire avant de se quitter pour toujours?
Que fais-je de ma liberté?
Voilà les questionnements humanistes et intimes que j'avais besoin d'explorer à travers une création collective, basée sur de l'écriture de plateau inspirée par des récits de vie autobiographiques, une fresque humaine qui va explorer la thématique des liens et des attaches.
Le point de départ d'écriture des « Détaché.e.s » c'est donc la rencontre avec des personnes qui, à un moment de leur vie, se sont retrouvées en situation de détention, afin de raconter l'universelle fragilité de nos existences et de nos parcours de vie.
C'est dur d'être un humain. De le rester toute sa vie. Surtout en prison.
Il s'agit également d'explorer le degré d'empathie que nous pouvons avoir pour les « exclus », les malfrats, les « monstres »… Entre tendresse et rejet. Entre compréhension et non-envie d'excuser. Ce fil émotionnel sur lequel on peut se trouver quand on les rencontre, qu'on rencontre ces hommes-là, les petits et grands criminels. Entre attachement et détachement réflexes. Tenter de rendre compte de ça, de cette ambivalence. Questionner notre empathie.
Les histoires des détenus rencontrés lors de nos ateliers d'écriture nous ont inspirés et ont permis d'exorciser d'autres histoires. Plus personnelles, plus intimes. Des histoires vraies qui parlent des liens que nous tissons, avons tissés, détissés. Des histoires sur notre grande solitude, notre grande finitude, et notre peur de chacune d'elle.
Je ne m'étais encore jamais frotté à l'écriture de plateau. Pour ce spectacle, j'ai réuni un groupe de recherche constitué de créateurs.trices qui sont à la fois comédien.ne.s, chorégraphe, créateur lumière, auteurs.trices, auxquel.le.s j'ai associé régulièrement des amateurs pour la collecte de témoignages mais aussi pour la recherche scénique. Nous avons expérimenté le processus auprès de publics variés (en milieu carcéral, en milieu scolaire, amateurs invités lors de nos résidences de recherche…). C'est un travail sur la longueur autant qu'en profondeur, en investigation et très intime.
Yann Dacosta & Manon Thorel
« Les monstres, ça n'existe pas. C'est notre société, c'est nous, c'est nos amis, c'est nos pères. C'est ça qu'on doit regarder. On n'est pas là pour les éliminer, on est là pour les faire changer. »
Un théâtre citoyen et humaniste au plus près des enjeux de démocratie et des droits humains que posent les droits culturels
La Compagnie travaille depuis toujours autour des écritures contemporaines, du théâtre musical et du théâtre de troupe. Son outil premier reste la troupe, l'acteur, le groupe. L'humain avant tout.
Yann Dacosta aime donner la parole aux personnages fragiles et marginaux, aux laissés-pour-compte. Il aime les textes peu connus et il aime le thème de la réconciliation. Il aime à croire que le théâtre puisse nous réconcilier avec ce qui nous fait peur, avec ce que nous méconnaissons.
Les choses prennent corps et sens pour lui quand les répétitions et les temps de recherche sont associés à la transmission, quand le maximum de personnes est associé à son processus de création, quand il y a véritable rencontre avec les habitant.e.s, quand l'accueil du public du public est en harmonie avec l'esprit du spectacle, quand les salles sont en partie remplies de toutes ces personnes avec qui ils ont créé du lien, quand le lien perdure vraiment au fil des années. Il a besoin de creuser pour construire.
Les Détaché.e.s, la prochaine création est issue d'une écriture collective et de plateau qui associe encore plus les habitant.e.s des territoires tant dans le processus de création que dans la période de diffusion, avec une vraie implication des amateurs, et d'artistes venant d'autres disciplines que le théâtre. Il a besoin d'inventer de nouveaux processus et de nouvelles formes afin d'affirmer un véritable théâtre u plus près des enjeux de démocratie et de droits humains que posent les droits culturels.
Un plateau nu.
Quelques praticables forment un escalier.
Et en haut, trône la machine à laver / la lessiveuse.
Celle à côté de laquelle se trouvait toujours la mère de Jean. Jamais son père. Son père ne s'occupait pas de ces tâches-là.
La machine à laver qui se trouvait dans la buanderie, la cave, l'arrière-cour, là où Jean s'est si souvent caché, prostré. Là où il a été si souvent puni et enfermé aussi. La machine à laver qui ronronne, qui berce. La machine à laver qui tourne et tambourine.
Celle qui lessive en faisant un bruit lancinant, assourdissant. La machine à laver, dans laquelle Jean pourra entrer et qui rappellera le giron maternel. La machine à laver qui lessive, détache et tente d'effacer les traces, le sang.
- Le spectacle sera proposé en dispositif trifrontal.
- Une version sera imaginée afin de proposer des représentations en milieu carcéral.
Actions en prison + périodes de recherche collective
J'ai réuni un groupe de 15 artistes professionnel.le.s. Des créateurs-trices qui sont à la fois comédien.ne.s, chorégraphe, créateur lumière, auteurs-trices, auxquel.le.s j'ai associé régulièrement des amateurs pour la collecte de témoignages mais aussi pour la recherche scénique. Je leur ai demandé d'écrire à partir de la question suivante :
« Qu'est-ce qui vous rattache réellement au monde ? »
Nous avons mis en place des protocoles de recherche à mener en milieu carcéral mais aussi en milieu scolaire avec des lycéens: des «speed-writting», des interviews, des improvisations, des listographies (écrire sa biographie à partir d'une liste)...
En prison nous avons restitué et mis en voix les textes produits par les détenus et par les intervenant-e-s pendant les 2 semaines de résidence. Un livret a été remis à chaque participant.
Puis, inspiré par ces rencontres et ces écrits, le groupe de recherche est retourné en laboratoire de recherche et improvisation. Les histoires des détenus nous ont inspirées et ont permis d'exorciser d'autres histoires. Plus personnelles, plus intimes. Des histoires vraies qui parlent des liens que nous tissons, avons tissés, détissés. Des histoires sur notre grande solitude, notre grande finitude, et notre peur de chacune d'elle. Des histoires sur nos parcours carencés.
Puis est née la fable centrée autour d'un personnage : Jean. Créée par Manon Thorel qui devient l'autrice principale du spectacle mais qui écrit inspirée par tou-te-s les participant-e-s.
Issu de la promotion 2005 de l'Unité Nomade de Formation à la mise en scène au CNSAD de Paris.
Metteur en scène de théâtre, de théâtre musical, d'opéra et réalisateur. Il développe sur scène un univers esthétique à la fois cinématographique et musical, toujours très plastique, au cœur duquel les comédiens restent les maîtres du jeu.
Après une formation en cinéma et audiovisuel il intègre le Conservatoire National de Région de Rouen d'où il sort en 2000 avec le 1er Prix d'Art Dramatique obtenu avec "Félicitations du Jury".
Pendant sa formation, il part à Moscou en apprentissage auprès de Kama Guinkas au Théâtre d'Art de Moscou (Mkhat).
En 2006, il intègre le Master 2 Mise en scène et dramaturgie à l'Université Nanterre Paris X où il continue de se former (Alain Françon, Théâtre OUvert, Pierre Debauche...). Entre 2003 et 2006, il travaille comme assistant à la mise en scène auprès d'Alfredo Arias.
En 2000, avec une partie de la promotion issue du Conservatoire de Rouen, il fonde la Compagnie Le Chat Foin et met en scène entre autres Le Baiser de la femme araignée de Manuel Puig (2007), Drink me, Dream me d'après Alice au pays des merveilles (2009), un triptyque Fassbinder (2012- 2013), L'Affaire de la rue de Lourcine d'Eugène Labiche (2014), Légendes de la forêt viennoise d'Ödön Von Horváth (2017), Sur le pont (2017), Qui suis-je? d'après le roman de Thomas Gornet(2018),La Hchouma (La Honte) d'après le roman « Un homo dans la cité » de Brahim Naït Balk(2019)...
Il répond également à des commandes de mises en scène d'opéras L'île de Tulipatan de Jacques Offenbach (Production Opéra de Rouen, reprise à l'Opéra-théâtre de Saint-Etienne ; au Théâtre musical de Besançon et Vevey (Suisse)), L'enlèvement au Sérail de Mozart (Production Opéra de Rouen, Opéra Royal de Wallonie à Liège, Opéra Théâtre de Saint-Etienne, AsLiCo Italie)
Il est artiste compagnon à L'Etincelle- Théâtre(s) de la Ville de Rouen pour 3 ans de 2019 à 2021.