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saison 2020/2021

Spectacle annulé
DSN - Dieppe Scène Nationale est fermée au public en application des mesures gouvernementales. Nous sommes contraints d'annuler la représentation de ce spectacle.

LE MOIS DE LA COMÉDIE

Six spectacles ce mois-ci pour nous évader autrement, d'un heureux pas de côté... et des films qui ouvriront l'année 2021. Vivons nos envies !

Mar. 19 janvier

19h | Durée 1h15

Le Drakkar
Tarif A

Passage de l'ange

CLOWN | DÈS 15 ANS
Damien Bouvet, Cie Voix-Off

N'est pas ange qui veut !
______

Avec la poésie et le grain de folie qu'on lui connaît, Damien Bouvet nous plonge dans l'angélisme, à travers un diptyque clownesque somptueusement interprété. Deux façons différentes de jouer avec l'ange, avec les images qu'il véhicule chez les petits et chez les grands, deux spectacles qui se nourrissent l'un l'autre, comme en miroir, révélant ce qu'il y a d'enfantin dans les histoires de grands et de métaphysique dans les histoires d'enfants (voir L'ange pas sage).
Les aventures de l'ange commencent lorsqu'il passe sur Terre, mais prenez garde, cet ange n'est pas très sage… Atterrissage forcé ! Un bruit strident, suivi d'un grand fracas, lumière et poussières... L'ange apparaît, en vrac, les quatre pattes en l'air, chapeau haut de forme défraîchi vissé de travers, visage blafard, grossièrement maquillé, mâchuré. On découvre assez vite que l'ange n'est pas d'ici et qu'il n'est pas forcément outillé. Ses ailes encombrantes en font un volatile mal adapté, la bouche juchée sur un gros ventre à deux pattes terminées par des pieds griffus. Sous sa cape de dandy se devine un corps monstrueux. S'il a un sexe, on ne distingue pas le genre. S'il a une langue, elle n'est pas de celles que l'on comprend ici. Il va falloir s'adapter. L'ange est là parmi nous, habillé de noir irisé, pour accomplir une mission. C'est un messager. Il vient pour l'Annonce, mais il a oublié ce qu'il doit dire et à qui. Tout ce qui lui revient c'est que ça va aller... « Ça va aller ».

Création et interprétation Damien Bouvet. Texte et mise en scène Ivan Grinberg. Musique Guillaume Druel. Lumières Pascal Fellmann. Régie générale Olivier Lagier. Costumes Fabienne Touzi dit Terzi. Plasticiens Pascale Blaison, Sébastien Puech. Espace scénique Eclectik sceno.
Production : Cie Voix-Off. Soutien : Théâtre de Vienne, Théâtre de Beaune, Le Samovar de Bagnolet en partenariat avec Le Mouffetard à Paris. La Cie Voix-Off est conventionnée par le Ministère de la culture / Drac Centre-Val de Loire.

© photo : Philippe Cibille

Site de la compagnie

Un ange, deux spectacles.
L'un s'adresse aux petits, à partir de six ans. L'autre aux grands, à tout le monde.

Un ange passe sur terre et cet ange n'est pas sage. Il est porteur d'un message et ça c'est sérieux.
Mais quel message ? Il l'a oublié, sans doute l'effet de sa chute accidentelle. Alors cette grave rencontre se transforme en clownerie.
Cela tombe bien, l'ange a une couverture : c'est pour nous divertir qu'il prétend être sur terre.

Deux spectacles, deux façons différentes de jouer avec l'ange, avec les images qu'il véhicule chez les petits et chez les grands. Deux spectacles qui se nourrissent l'un l'autre, comme en miroir, révélant ce qu'il y a d'enfantin dans les histoires de grands et de métaphysique dans les histoires d'enfants.

La chute de l'ange, on peut y voir le point de départ d'une histoire du Mal, ou l'ingrédient premier du métier de clown. Le corps de l'ange, c'est à la fois un nid à fantasmes et une source de gags. Les ailes de l'ange, c'est la marque d'une existence supérieure, ou un parfait déguisement pour super-fée. Le métier de l'ange, c'est d'apporter des messages, et parmi ces messages les plus connus, on trouve la promesse d'un enfant comme la tarte à la crème…

Ivan Grinberg, 12 août 2019

Atterrissage forcé ! Un bruit strident, suivi d'un grand fracas, lumière et poussières...

L'ange apparaît, en vrac, les quatre pattes en l'air, chapeau haut de forme défraichi vissé de travers, visage blafard, grossièrement maquillé, mâchuré.
On découvre assez vite que l'ange n'est pas d'ici et qu'il n'est pas forcément outillé. Ses ailes encombrantes en font un volatil mal adapté, la bouche juchée sur un gros ventre à deux pattes terminées par des pieds griffus. Sous sa cape de dandy se devine un corps monstrueux. S'il a un sexe, on ne distingue pas le genre. S'il a une langue, elle n'est pas de celles que l'on comprend ici. Il va falloir s'adapter.

L'ange est là parmi nous, habillé de noir irisé, pour accomplir une mission. C'est un messager. Il vient pour l'Annonce mais il a oublié quoi et à qui. Tout ce qui lui revient c'est que ça va aller... « Ça va aller ».

Alors il va falloir rentrer : incapable de mener à bien sa mission, l'ange doit repartir là-haut. La plateforme qui l'envoie va le récupérer. En attendant, pour capter l'attention, il scrute, tend l'oreille, fait le beau, l'élégant, fait le spectacle. Parce que l'ange a une couverture : pour nous, il est artiste de divertissement, il a dans sa besace des numéros, histoire de nous charmer.

Mais, gonflé d'air, d'images et de mots, l'ange rate la récupération par la plateforme, et tout dérape. Abandonné, il est submergé par la colère et rend son tablier… Il va voler de ses propres ailes.

Atterrissage forcé ! Un bruit strident, suivi d'un grand fracas, lumière et poussières. L'ange apparait face contre terre, fesses en l'air, dans un manteau vert-scarabée…

Pour les enfants, c'est la même histoire qui se joue, le même ange qui s'écrabouille. Une créature vraiment pas comme les autres : mystérieux dandy à haut-de-forme, cousin de poulet déplumé, danseuse à Vegas, chie-peintre, vieille femme, chapiteau de cirque ambulant… S'il ne se souvient pas de ce qu'il est venu dire, il a plus d'un tour dans sa besace avant de repartir là-haut.
Et si ça rate, c'est bien le moins qu'on peut attendre d'un clown.

L'ange pas sage est une clownerie métaphysique, pour les enfants, nourrie au même sein que le spectacle pour les grands. Mais ici, allégée du poids du monde adulte, elle se resserre et se transforme : avec les enfants, l'ange est chez lui, il joue, invente, tombe, pleure, grandit… Pas de chichis.
En vérité, L'ange pas sage n'est peut-être pas le spectacle dérivé, la forme seconde de Passage de l'ange, mais plutôt sa source (celle que les grands rêveraient de partager…).

« L'ange : enfant éternel, clown céleste, courant d'air et d'esprit. Sur le tarmac qui accueille sa chute improvisée, il déploie son cabaret de fortune. »

Air condensé
« À son degré ordinaire de dilatation, l'air ne retient ni la figure ni la couleur ; mais quand il est condensé, il peut revêtir différentes formes et réfléchir des couleurs : on le voit dans les nuages. C'est donc à partir de l'air que les anges forment des corps, avec l'assistance divine, en le solidifiant par la condensation autant qu'il est nécessaire. »
Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique

Ni cadenassée ni fondée sur la fragile force des os…
…Car les Esprits prennent à leur gré l'un ou l'autre sexe, ou tous les deux à la fois ; si ténue et si simple est leur essence pure : elle n'est ni liée ni cadenassée par des jointures et des membres, ni fondée sur la fragile force des os, comme la lourde chair, mais dans telle forme qu'ils choisissent, dilatée ou condensée, brillante ou obscure, ils peuvent exécuter leurs résolutions aériennes, et accomplir les œuvres de l'amour ou de la haine.
John Milton, Le Paradis Perdu

Sympathy For The Devil
Please allow me to introduce myself I'm a man of wealth and taste
I've been around for a long long year
Stolen many man's soul and faith
I was around when Jesus Christ Had His moment of doubt and pain Made damn sure that Pilate
Washed his hands and sealed His fate
Pleased to meet you hope you guess my name
But what's puzzling you is the nature of my game
Les Rolling Stones

The Passenger
I am the passenger and I ride and I ride
I ride through the city's backsides
I see the stars come out of the sky
Yeah the bright and hollow sky
You know it looks so good tonight
Iggy Pop

Quelque chose du corps qui ne peut être dit que par un autre langage…
Nous avons, depuis un siècle, développé à une cadence extrême notre maîtrise sur le monde extérieur. Nous avons aussi tenté de l'établir sur notre monde intérieur comme en manifeste l'essor de la psychanalyse. Dans ce travail le langage, qu'il soit mathématique ou verbal, nous a été d'un secours inappréciable.
Mais n'aurait-il pas laissé échappé tout un domaine qui ne peut être élaboré par ce seul instrument ? Quelque chose du corps qui ne peut être dit que par un autre langage que nous avons bien connu, cependant, puisqu'il fut celui de notre petite enfance, avant l'utilisation des mots dans lesquels nous avons dû couler notre expérience concrète, non sans difficulté ni sans dommage. »
Michel Ledoux, Corps et création

La descente de l'escalier de l'ange alliée avec la poésie et la vie matérielle est une forme de théâtre que Damien Bouvet saura mettre sur un plateau : c'est lui le poème depuis qu'il a fait son clown. L'ange dont il sera question et qui sera mis en bas est l'image de l'homme, il a une vie intérieure, il pousse le poème dehors comme on donne la chansonnette.

« Qui dressera l'image de l'homme, quand tous ne sentent en eux que le ver de l'égoïsme et une terreur immonde et sont tellement déchus de cette image, tombés dans l'animalité, voire dans une rigidité mécanique ? » demandait Nietzsche aux personnages sur scène.

Dans l'histoire du théâtre a lieu une guerre monstrueuse entre les anges et les fantômes. Tous voulaient tenir les planches quand les dieux leur demandaient de brûler les salles de spectacle et de posséder les paroles. Ainsi les belles phrases qui naissaient dans la tête des hommes montaient au ciel pour se plaindre et pour aimer et l'horreur retombait sur les corps et les enfants quand les dieux n'entendaient pas ces chants et ces gestes. Un jour un enfant se dressa et il se fit le dernier ange tombé, badaboum. Les belles phrases tinrent à nouveaux, les dieux moururent de rire et l'ange pissa des vers comme une grosse vache qui pense.

L'ange à terre de Damien Bouvet sera ce genre de conte à dormir éveillé pour grandes personnes. Des poèmes sortiront de la carcasse, des lyres et des hydres dégoulineront, des goupilles sauteront, des petites bêtes grimperont et de grandes gidouilles chatouilleront.

Avec du Rimbaud dedans, il y aurait du Corbière et du Hölderlin aussi, pour recommencer à zéro, par exemple : « Je suis le saint, en prière sur la terrasse, comme les bêtes pacifiques paissent jusqu'à la mer en Palestine. Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque. Je suis le piéton de la grand'route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d'or du couchant. Je suis bien l'enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l'allée dont le front touche le ciel. Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts.
L'air est immobile. Que les oiseaux et les sources sont loin. Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant. » (« Enfance », dans Illuminations de Rimbaud).

Alain Jugnon

Le théâtre de Damien Bouvet surprend à tout point de vue.

L'acteur-créateur joue avec tout son corps, des orteils jusqu'au cuir chevelu en passant par chaque muscle du visage.
Il joue aussi avec des objets ou des costumes qui prolongent son corps ou le transforment.
En s'inspirant de l'énergie des tout-petits et de l'art du clown, il dessine un personnage naïf et étonné, traversé par des rythmes changeants, des élans fragiles, des vibrations contraires. Damien Bouvet va sans détour à l'essentiel des émotions avec toutes leurs contradictions et nous touche à des endroits sensibles.

Issu d'une formation théâtrale classique, Damien Bouvet a appris auprès du metteur en scène Philippe Genty à raconter une histoire en jouant avec la matière des objets. Au sein de sa compagnie, Voix-Off, il a créé une douzaine de spectacles. Longtemps, ses spectacles ont été sans parole. Puis avec l'auteur Ivan Grinberg, il a entamé un voyage dans les mots.
Désormais, avec ou sans texte, l'histoire qu'il nous raconte est celle éternelle de la croissance intérieure, permanente, de l'être humain. Qu'il incarne un petit garçon d'aujourd'hui dans La Vie de Smisse ou un chevalier monstrueux dans Abrakadubra, il révèle notre capacité à évoluer sans cesse.

Spectacle après spectacle, il invente un univers d'une fantaisie débridée. Avec lui, grandir est un chemin vers l'inconnu, et une joie sans pareille.

« L'univers artistique qu'il s'est construit n'est semblable à aucun autre. Il est avant toute chose très poétique et sensible : faisant fi de toute vraisemblance et de tout réalisme, il est une invitation immédiate et constante à dériver, à lâcher résolument la barre rassurante de la logique pour flotter sur les mers plus ou moins calmes des émotions primaires, celles qui nous traversent de 7 à 77 ans, et au-delà. (...) Un spectacle férocement drôle, mais également profond, qui touche à la substance dont est fait l'humain. Un spectacle libre, qui touche d'autant plus profondément qu'il abolit la réalité. Un grand artiste, à découvrir urgemment ! » Toute la culture.com