Une Carmen plurielle mélangeant les nationalités, les musiques et les danses.
— Oubliée l'histoire originelle ; la célèbre héroïne Carmen au destin tragique se meut ici en une Carmen solaire aux multiples visages et multiples corps, revendiquant sa liberté. Sur scène, neuf femmes et sept hommes se poursuivent et se rencontrent, faisant dialoguer différents styles chorégraphiques, du classique à la danse traditionnelle coréenne, aux côtés des airs de Georges Bizet. Une esthétique métissée chère au chorégraphe José Montalvo qui revisite ainsi le mythe de Carmen en l'entraînant dans son univers. Il ouvre alors des portes à l'imagination en décollant de la narration stricte, jusqu'à inclure sous l'aile de la bohémienne le thème des migrants. Par leurs gestes flamencos, les femmes vêtues de rouge dansent haut et fort leur rage et leur fougue, mettant les hommes, avec leurs acrobaties hip-hop au ras du sol, littéralement à leurs pieds.
— Avec son écriture énergique et l'interprétation puissante de ses danseurs, José Montalvo nous livre une déclaration bondissante à la femme libre.
« José Montalvo court après Carmen, qui cavale à toute vitesse. Il lui parle en français, elle lui répond en espagnol, puis en coréen, et le concert de langues finit dans un éclat tonitruant de Georges Bizet lancé à fond la caisse. Carmen(s), comme l'indique son titre, est multiple et universelle. Elle exhibe ses visages multicolores en clamant haut son appétit de vivre. » Le Monde
Chorégraphie, scénographie, conception vidéo : José Montalvo Assistante à la chorégraphie : Joëlle Iffrig Assistant à la chorégraphie flamenco : Fran Espinosa Musique : Georges Bizet Musique live: Elizabeth Gahl, Kee-ryang Park, Saeid Shanbehzadeh Costumes : Sheida Bozorgmehr assistée de : Coumba Diasse Lumières et scénographie : Vincent Paoli Son : Pipo Gomes Collaborateurs artistiques à la vidéo Sylvain Decay, Franck Lacourt Infographie Sylvain Decay, Clio Gavagni, Michel Jaen Montalvo Chef opérateur tournage : Daniel Crétois assisté de : Andrès Gomez-Orellana Créé et interprété par Karim Ahansal dit Pépito, Rachid Aziki dit ZK Flash, Eléonore Dugue, Samuel Florimond dit Magnum, Elizabeth Gahl, Rocío Garcia, Florent Gosserez dit Acrow, Rosa Herrador, Chika Nakayama, Kee-ryang Park, Maria Cerezo, Beatriz Santiago, Saeid Shanbehzadeh, Denis Sithadé Ros dit Sitha, Serge Dupont Tsakap.
Production Maison Des Arts De Créteil. Coproduction Chaillot – Théâtre national de la Danse / Les Théâtres de la ville de Luxembourg / Théâtre de Caen / Festspielhaus St. Pölten. Action financée par la Région Ile-de-France. Remerciements au National Theater of Korea.
© photo : Patrick Berger
Que représente Carmen pour vous ?
J.M : J'aime le personnage mythique de Carmen, parce qu'elle représente la révolte en chantant et en dansant. Carmen est une femme émancipée, libre, maîtresse de toutes ses décisions. C'est une femme qui affirme sa liberté, son indépendance, dûtelle le payer de sa vie. Provocante, vibrante, libre de ton, d'allure et de propos, d'une sensualité torride, bouillonnante de vitalité, Carmen semble se moquer de tout. Elle rit, danse et chante comme elle respire, de quoi enflammer l'imagination d'un chorégraphe. J'aime aussi l'incroyable bonheur de vivre dont elle est porteuse. Gare aux hommes asphyxiés dans leurs conformismes ! De manière plus subjective, Carmen était le prénom porté par ma grandmère, enthousiaste féministe catalane, conteuse hors pair, pasionaria de mon enfance. C'était aussi le rôle préféré de ma mère, danseuse de flamenco passionnée. Pour moi, Carmen résonne également à distance et avec un tempérament très différent, à travers le surgissement, à la fin du XIXe siècle, de tant de femmes rebelles, héroïnes de la liberté. Pour n'en citer que quelquesunes : Louise Michel, Camille Claudel ou un peu plus tard Isadora Duncan. « Ce que je veux c'est être libre et faire ce qu'il me plaît » dit Carmen dans l'opéra. On pourrait imaginer que Louise Michel lui répond : « Libre j'ai vécu, j'entends mourir de même. »
Pensez-vous que les femmes ont encore besoin d'affirmer leur désir d'être libre (en tout cas, dans notre sphère occidentale) ?
J.M : Je crois qu'il est difficile de parler des femmes occidentales en général. Il y a probablement autant de vérités que de cas. Je pense que pour les femmes, comme pour les hommes d'ailleurs, les libertés qui nous paraissent fondamentales ne nous sont jamais données pour l'éternité, qu'il est bon de maintenir allumé le besoin d'affirmer notre désir d'être libre. Pour moi, Carmen parle de plus que d'une femme libre, elle me parle du mythe de la liberté individuelle, la liberté face aux pièges qui nous sont tendus dans la vie. Mais elle parle aussi de la liberté en tant que dimension intérieure, toujours remise en cause et toujours à affiner, à construire et à choisir. Vous l'avez compris, j'aime l'héroïne de Bizet pour son apport libérateur à la condition féminine, mais aussi, comme l'écrit justement Hélène Seydoux dans Les femmes et l'Opéra, parce que les hommes, et j'en suis un, peuvent aussi s'identifier à elle en tant que mythe de liberté.
Pourquoi ajouter un « S » à Carmen ?
J.M. : « Toutes les femmes s'appellent Carmen » affirmait la couverture du Nouvel Observateur du 19 août 1983. A cette époque j'étais très jeune mais je trouvais cette conviction évidente. Il y a en chaque femme quelque chose de Carmen. J'ai souhaité ne pas choisir une seule Carmen parmi mes interprètes mais leur permettre à tour de rôle ou simultanément de devenir Carmen.
Comment faites-vous entrer dans ce récit la question du métissage, de l'immigration ?
J.M. : Carmen est inscrite, du fait de ses origines, dans une collectivité qui porte en elle l'histoire d'un exode, d'un déracinement, d'un peuple errant. J'aime l'idée qu'un personnage célébré dans le monde entier soit un être sans patrie et sans racines. Ecoutons le finale du deuxième acte : « Comme c'est beau la vie errante ; Pour pays l'univers, pour loi ta volonté, et surtout la chose enivrante, la liberté, la liberté… » Bizet n'a jamais mis les pieds en Espagne. Il est tout simplement allé chercher son Espagne à Paris. La ville-lumière héberge, au milieu du XIXe siècle, une communauté de poètes, de musiciens, de compositeurs, d'interprètes espagnols, des exilés, des réfugiés, des militants de la liberté. Le génie de Bizet et de ses librettistes Meilhac et Halévy, c'est de se nourrir de cet apport et de tout ce qui a été écrit sur la culture espagnole. Il n'y a rien de plus français, de plus espagnol et de plus universel que Carmen.
Propos recueillis par Agnès Izrine - La Terrasse
Il créé un spectacle engagé en faisant de Carmen le porte-drapeau de l'émancipation féminine (…)On oublie que Carmen meurt à la fin tant elle rayonne ici sur tous les corps et les visages intemporelle (…) Le métissage esthétique cher à Montalvo éclate avec énergie. LE JDD
Le chorégraphe décline la célèbre héroïne au pluriel, en mélangeant les nationalités, les musiques et les danses (…) Une exigence conjointe d'art populaire et d'art tout court (…) ce bouquet d'artistes pour un seul rôle est la première réussite du spectacle Télérama
La liberté d'aimer embrase le public qui hurle sa joie. Olé ! (…) Les danses se croisent et se tressent, se déploient et leur énergie, porte très haut l'étendard de la liberté (…) C'est une fête Le Figaro
Toutes les femmes s'appellent Carmen (…) Plus que jamais chez Montalvo, la femme est l'avenir de l'homme (…) Depuis ses débuts, José Montalvo n'a cessé de brasser les styles, d'imposer la diversité sur le plateau Les Echos
Comment se refuser tant de soleil ? Le Monde