Trois danseurs à l'énergie inépuisable, un percussionniste hors-classe et un chorégraphe sans concession pour un trio boosté aux contrastes.
— Cette pièce chorégraphique est inspirée des innombrables stimuli qui jalonnent et encombrent le quotidien. La fragmentation devient commune, les événements et impulsions se succèdent et effacent les précédents. Cette profusion, Jan Martens, chorégraphe flamand, la traduit par un enchaînement de séquences dansées, organiquement liées aux rythmes bruts du batteur américain NAH, présent sur scène. L'ambiance est d'abord celle d'une boîte de nuit, aux accents punks, où l'on se défoule, où on exulte. Les strates s'accumulent : mouvement, musique, lumière, texte (The End of the Story de Lydia Davis), costumes ; les informations affluent et les possibles se multiplient ou se percutent. À d'autres moments, l'épure l'emporte. Toujours, les corps s'exposent dans leurs complémentarités ou oppositions. Les trois remarquables interprètes portent du début à la fin cette pièce aux déplacements mathématiques, géométriques, hypnotiques. La fougue y côtoie le chaos, la résistance questionne la performance, la profusion appelle le dénuement.
— Le spectacle est en lice pour l'attribution d'un Zwaan (prix prestigieux aux Pays-Bas) dans la catégorie « Meilleur spectacle de danse en 2018 ».
« L'organisation du plateau fait la part belle au trio et aux compositions. Jeu de passe-passe des danseurs, bras cadencés, et, au final, une étude des corps nus qui ne cède jamais à la facilité. Les séquences se succèdent sans faux rythme. Le plateau habillé d'effets lumineux découpés accentue encore cette mécanique de précision. » LesEchos.fr
De Jan Martens. Avec Steven Michel, Julien Josse, Courtney May Robertson et/ou Dan Mussett. Musique et exécution NAH. Avec des histoires courtes de Lydia Davis © Denise Shannon Literary Agency, Inc. Costume : Valérie Hellebaut. Conception lumière Jan Fedinger. Dramaturgie Greet Van Poeck. Répétitrice Anne-Lise Brevers. Technique Michel Spang ou Marie Vandecasteele.
Production GRIP. Diffusion internationale A Propic, Line Rousseau et Marion Gauvent. Coproduction Singel campus international des arts, Théâtre de la Ville – Paris avec le Festival d'Automne à Paris, Le Gymnase CDCN I Roubaix – Hauts-de-France et tanzhaus nrw. Soutien STUK Kunstencentrum et Grand Théâtre. Aide financière gouvernement flamand et de la ville d'Anvers. Remerciements Marc Vanrunxt et Anne-Lise Brevers.
© photo : Joeri Thiry & Phile Deprez
RULE OF THREE prend pour point de départ notre aptitude à zapper à toute vitesse d'une impression à l'autre. Une collection de scènes fait écho à la perception fragmentée de la réalité qui résulte de cette profusion de stimuli.
RULE OF THREE est un spectacle dansé qui se situe entre le concert et le recueil de récits. RULE OF THREE est une collection d'histoires brèves écrites avec des corps, de la musique, des costumes, et des textes. Ce spectacle est une méditation indomptée qui – à l'instar de notre époque – s'appuie sur des contrastes : apaisement et explosion, précision et intuition, cœur et raison. Pour RULE OF THREE, Jan Martens collabore avec le producteur et percussionniste états-unien NAH dont la musique se compose de percussions interprétées en direct et programmées qu'il mixe avec des sons trouvés et des échantillonnages manipulés. Sur scène, les performeurs Steven Michel, Julien Josse et Courtney May Robertson engagent le dialogue avec les compositions éclectiques de NAH et poussent les stimulations sensorielles toujours un peu plus loin.
Nous vivons une époque frénétique. Notre capacité de concentration paraît sans cesse se réduire. Nous avons développé la faculté de passer en moins de temps qu'il ne faut pour le dire d'une impression à l'autre. Le point de départ thématique de RULE OF THREE en détermine la forme.
RUDI MEULEMANS Dans votre spectacle précédent, vous preniez souvent le temps de laisser les scènes se développer. Cette fois, vous optez pour un montage très tranchant.
JAN MARTENS Le fait que le développement technologique ait multiplié de manière exponentielle le nombre d'impulsions qui nous sont envoyées quotidiennement a généré des troubles de la concentration. J'ai traduit cette donnée en une succession de scènes brèves qui n'ont rien à voir les unes avec les autres. On pourrait le comparer à une page Facebook ou à un site internet, où vidéos distrayantes et comiques sont diffusées à pied d'égalité avec des nouvelles importantes ou même des articles scientifiques. D'une charmante vidéo de chatons à un sujet d'actualité tragique. D'une photo amusante à un tweet présidentiel. Nous absorbons cette profusion d'informations et sommes assoiffés de mises à jour et de nouvelles informations.
RM Il y a comme une accoutumance à la fragmentation.
JM Et en même temps, la valeur de chaque élément séparé disparaît.
RM Vous maniez toujours des langages très différents dans vos spectacles, des références à l'histoire de la danse. Cette fois, il n'y a à nouveau pas d'idiolecte dominant, mais une pluralité de styles, fortement en lien avec le contenu du spectacle.
JM J'aime prendre exemple sur l'histoire. Comment pouvons-nous engager des idiomes existants pour raconter quelque chose de nouveau? Voilà ce qui m'intéresse, et dans RULE OF THREE, plus que jamais. Pour traduire cette profusion incessante d'impulsions divergentes que nous évoquions, j'ai opté pour l'utilisation de divers langages scéniques. L'art et le kitsch s'alternent sans jugement de valeur, comme un reflet de la diversité qu'on peut lire sur un site d'information. Autrefois, il y avait une grande différence de contenu entre un journal dit de qualité et un journal dit à sensation, mais aujourd'hui, sur le site destandaard.be, on peut lire des articles sur des célébrités qui ont adopté un enfant ou sur la chanteuse Selena Gomez qui a subi une greffe de rein.
RM C'est la première fois que vous travaillez avec de la musique interprétée en direct sur scène. Pour ce projet, vous avez choisi, certainement pas par hasard, le producteur et percussionniste états-unien NAH. Ce dernier a une prédilection marquée pour les morceaux courts. Sa musique directe et abrupte porte les traces du punk DIY, de la noise, du hip-hop, du jazz d'avant-garde, et reflète en cela l'éclectisme de votre danse.
JM J'ai découvert l'œuvre de NAH sur internet ; je suis tombé sur un de ses clips qui m'a d'emblée interpellé par la rudesse de la musique et la finition parfois si subtile. À mes oreilles, cela sonnait comme un mélange de Steve Reich et d'Einstürzende Neubauten à la sauce punk hardcore. NAH était présent dès le début du processus de répétition. Sa composition est née en même temps que la chorégraphie. Il parvient à élaborer, avec peu de moyens, des textures musicales très diverses, sans perdre la cohérence de la composition.
RULE OF THREE est une collection d'histoires brèves écrites avec des corps, de la musique, des costumes, et des textes.
L'éclectisme est un moyen de dire quelque chose à propos de la condition humaine actuelle. Jan Martens montre, mais ne juge pas. Il considère notre époque comme un fût rempli de contradictions, entre explosion et apaisement, entre cœur et raison. Son univers scénique, dans lequel la précision mathématique se heurte à l'imperfection humaine, est à la fois cru et poétique.
RULE OF THREEest une proposition de Jan Martens. Il y est question de l'(im)possibilité de décrire le monde. C'est une manière d'acquérir une notion. Et si ce n'est pas possible, tout du moins une forme de réconfort. Écrire est la tâche de l'artiste. Même quand cela semble inutile. Il s'agit de donner corps. Mais aussi de lâcher la forme. À quel point le créateur est-il présent dans son œuvre ? Quand devient-il invisible ? Voilà le paradoxe ultime : entre formalité et liberté.
Interview par Rudi Meulemans, 19 septembre 2017
Trois danseurs envoûtés par un percussionniste obsessionnel. Il n'en faut pas plus au chorégraphe Jan M artens pour réaliser un impressionnant spectacle de danse, Rule of Three , qui nous incite , comme à chaque fois, à réfléchir. (...) À travers cette chorégraphie, Martens réfléchit aux rythmes qui dominent nos vies. Sans agiter un doigt pontifiant, il nous montre la guerre d'usure que nous faisons de nos vies et nous propose une alternative. Il décortique notre aspiration scrupuleuse à être « quelqu'un » et mène un plaidoyer subtil pour l'authenticité. Une véritable bouffée d'air frais. De Morgen
Les danseurs – Steven Michel, Julien Josse et la pétillante Courtney Robertson – se laissent aussi guider par la violence fébrile de la batterie. Dans des scènes extrêmement brèves, toujours coupées par un black - out , ils se meuvent de manière rigoureuse et rythmée , puis répétitive et envoûtante . Le vocabulaire gestuel rappelle un peu les « danses sociales » et les mouvements un peu kitsch des boîtes de nuit des années 70 (ou du moins de la représentation qu'on s'en fait), mais aussi les marionnettes du Bauhaus, la biomécanique de Meyerhold ou le locking du hip - hop. (...) Rule of three est un spectacle « contemporain » sur tous les plans , une hyperdanse éclectique qui va de la throat dance à la zombie spiral – comme sur les bonnes chaînes YouTube. Dans l'interaction ardente entre la musique et la danse , Martens capte la structure mentale de notre époque frénétique : étourdi e par d'incessants nouveaux stimuli, fragmentaire, continuellement en train de zapper et incapable de se concentrer. De Standaard
L'obsession de ce jeune chorégraphe, apparu sur l'échiquier du spectacle au début des années 2010: l'humain d'abord et avant tout, son mystère, sa capacité à se transformer et à s'adapter. Sa pièce participative The Commun People (2016) mixait performeurs et amateurs autour du contact physique à l'époque de la virtualité galopante. Il poursuit avec son nouvel opus Rule of Three, un trio qui tente « de dresser un portrait de l'humanité mais sur un versant plus sombre». Le Monde
« Rules of Three » est à ce jour sa pièce la plus dansée : le chorégraph e l'avoue lui - même. Jusqu'à présent, il prenait un malin plaisir à contraindre ses interprètes. On a vu ainsi ses troupes sauter en mode répétitif ou passer tous les gestes au ralenti. Dans ce nouvel opus, il lâche la bride : l'organisation du plateau fait la part belle au trio et aux compositions. Jeu de passe - passe des danseurs, bras cadencés et, au final, une étude des corps nus qui ne cède jamais à la facilité. Les séquences se succèdent sans faux rythme. Le plateau habillé d'effets lumineux découpés ac centue encore cette mécanique de précision. (...) Jan Martens a réussi jusqu'ici un sans - faute. On ne sait si les mathématiques figurent parmi ses matières préférées, mais, pour nous, le compte est bon. Les Echos
La musique impose l'émotion. La batterie s'amuse à disparaître au profit d'une techno dancefloor, et les artistes emboîtent le pas : step, danses de clubs.. .Rule of three est absolument déroutant. Le seul fil conducteur tient en un chiffre : trois. A part ça, la liberté chorégraphique est totale. Martens est assez fasciné par les lignes et les angles et s'amuse à tout es les combinaisons possibles. On pense au voguing quand dans une ligne qui sera explosée, le trio glisse un bras au dessus de la tête avec une rapidité hallucinante. Les corps sont très engagés ici, dans une raideur qui n'a rien d'aride et qui nous entraî ne vers un calme inattendu après avoir frisé l'épuisement. Toute la Culture