séances scolaires ven 3 mai 10h & 14h15.
Les bonnes histoires font toujours un peu peur.
— Jojo est un jeune garçon qui traîne dans une rue déserte avec comme seul compagnon un ballon de foot crevé, pendant que ses parents sont sous le soleil à l'autre bout de la Terre. Il s'ennuie ferme et se sent désespéré, au bord du monde. Voici qu'un jour il rencontre une jeune fée au chômage, Anita, qui touche le Revenu Magique d'Insertion, affligée de sa maman-fée qui perd la boule. Et pas seulement celle de cristal ! Anita ne peut plus la lâcher d'une pantoufle de vair.
— Touché par la détresse de quelqu'un d'encore plus dépendant que lui, Jojo propose à Anita de garder sa mère, le temps qu'elle passe à la banque comme font toutes les fées quand elles sont à découvert. L'espace d'une soirée, voici donc Jojo mamy-sitter.
— Chargé de veiller sur cette mémé attendrissante qui disparaît soudain, l'enfant va devoir affronter la forêt de la Grande Peur et ses habitants inquiétants. Il y croisera des héros déglingués comme le Petit Poucet qui a mal tourné, Blanche-Neige devenue boulimique, Batman qui ne parle qu'en citant Léo Ferré et un couple de Dupond qui aimerait bien se marier, tous suivis dans une clinique spécialisée.
— Le texte glisse sans cesse du réel à l'imaginaire, de l'émotion vive au pur délire avec une langue vive qui détourne le langage des jeunes, pour aborder des thèmes sensibles avec un humour grinçant. Stéphane Jaubertie embellit tout ce qu'il touche : ici l'abandon, la mort, la maladie et plein d'autres choses normalement plutôt terrifiantes. C'est drôle et touchant.
Avec Nicolas Dégremont, Valérie Diome, Hélène Francisci, Jean-François Levistre, Aure Rodenbour. Scénographie Fabien Persil. Création et régie lumières, vidéo Geoffroy Duval. Création et régie musique et univers sonore Florent Houdu. Création costumes Corinne Lejeune. Marionnette Ariane Dionyssopoulos.
Production Les Tombé(e)s des nues Collectif. Coproduction Théâtre en Seine, Duclair, Le Tangram Scène Nationale Evreux-Louviers, Le Rayon Vert – Saint-Valéry-en-caux, DSN – Dieppe Scène Nationale. Soutien DRAC Normandie, Département de Seine-Maritime ville de Rouen. Remerciements le collectif remercie très chaleureusement Marielle Julien et Yann Dacosta, Colin Pitrat, Philippe Chamaux, Jérôme Hardouin.
© photo : DR
Le récit
Notre héros s'appelle Jonas‐Joachim Tabanas, dit Jojo pour les intimes. Mais des intimes, Jojo n'en a pour ainsi dire aucun. C'est un « solo boy » : alors que ses parents se dorent la pilule à l'autre bout de la Terre, lui est seul, dans une rue déserte, avec un ballon dégonflé pour seul compagnon. Surgissent alors Anita, fée dépressive et désœuvrée, et sa mère, Jilette, tout aussi déglinguée. Jojo accepte la garde de la vieille fée mais très vite, celle‐ci va disparaître, entrainant Jojo dans un voyage inattendu. À travers la forêt de la Grande Peur, et en passant par d'étranges clinique et bar perdu, Jojo part à la recherche de Jilette, et de lui‐même.
La fable
Jojo au bord du monde est à la croisée des chemins entre le conte initiatique classique et la pièce contemporaine dont le récit serait celui d'un ado livré à lui‐même dans le monde difficile d'aujourd'hui. Les protagonistes y sont résolument contemporains. Les fées sont au RMI : revenus magique d'insertion, Le petit Poucet s'appelle ici Billy‐Juan et il boit de la bière belge, et Batman chante des chansons tristes… « Les bonnes histoires font toujours un peu peur. Après, on se sent plus forts. » * Comme un constat amer d'un monde aride, la pièce traite de sujets profonds et difficiles. Les personnages ne sortent pas de scène, ils « disparaissent ». La mort règne dans le cœur de Jojo. Il n'y a pas de plus grande menace que celle d'être abandonné, de rester seul au monde. Notre héros est confronté à ses colères, à ses peurs et ses angoisses. Et il affrontera seul les épreuves de la vie, comme pour réaliser son autonomie et se faire une vie bien à lui, loin de ses parents. C'est sa rencontre avec Jilette, qui, elle, s'apprête à quitter la vie, qui va le faire revenir d'entre les morts d'une certaine manière. Cette vie qu'elle abandonne, c'est à Jojo qu'elle va la confier.
À l'image du personnage d'Ibsen, Peer Gynt, Jojo va entreprendre un voyage qui va lui permettre de s'affirmer, et de revenir parmi les vivants. Mais jamais triste ! Le pari de la mise en scène, tout en traitant les thèmes forts du récit (la Disparition, La Mort, la Connaissance de Soi, la Réalité) sera de mettre à l'honneur la langue décapante inventée par l'auteur, et les héros, déchus, mais néanmoins désopilants. Il y a beaucoup d'humour dans Jojo. Et le théâtre de Stéphane Jaubertie est résolument un théâtre d'acteurs.
*Lété, de Stéphane Jaubertie. Éditions Théâtrales.
Le Collectif et Jojo
Le collectif Les Tombé(e)s Des Nues a entamé un travail sur la chute, la désillusion, la stupéfaction et aussi une certaine forme de démystification du monde. Que sont nos héros devenus ? Et la question obsédante qui va avec : Que fait‐on, maintenant ? Que fait‐on après ? Et Jojo entre dans la pleine continuité de ce questionnement. Il suffit de voir ses héros, presque tous déchus. Billy Juan, réécriture d'un Petit Poucet dépressif, Batman, ici chanteur mélancolique de cabaret, une Blanche‐Neige boulimique fait aussi une apparition… Ce projet, c'est d'abord la rencontre entre ce texte et le collectif. C'est ce frottement entre les réalités des Tombé(e)s Des Nues et ce texte qui emmène le spectacle et la mise en scène à un endroit inattendu. Et là où nous pourrions attendre une distribution plus classique, le rôle de Jojo est interprété par une jeune femme, et celui de Jilette par un homme. Ces choix, qui s'imposent comme des évidences au sein du collectif, viennent créer une profondeur, une aspérité, à un endroit où les personnages sont souvent archétypaux. Le texte de Stéphane Jaubertie est avant tout une « machine à jouer » formidable pour les acteurs et nous tâcherons de mettre en avant le plaisir du comédien.
Le décor
L'auteur ne cesse de poser la question : C'est quoi le vrai monde ? À quoi ressemble-t-il ? Et comment faire pour y vivre et y être soi‐même ? C'est l'absence de sécurité chez Jojo qui va créer son désir de rêve et ses propres projections. Et l'on dit aussi que rien n'est plus vrai, pour l'enfant, que ce qu'il désire. Aussi, dans Jojo au bord du monde, le spectateur est face à un univers très onirique et qui se module à l'envie (celle de Jojo). Nous traversons la forêt de La Grande Peur, comme une radiographie des peurs intimes du personnage de Jojo, pour nous retrouver dans son Cœur, espace vierge et inexploré. Le pari avec Fabien Persil et Geoffroy Duval, respectivement scénographe et créateur lumières, sera de restituer ces différents espaces et climats. Traiter les apparitions et disparitions des héros. Il s'agira de rendre visible et sensible pour le spectateur la solitude de Jojo. Le héros répète lui-même « Au fond du fond j'y suis, peux pas aller plus bas ». Il nous importera de raconter à la fois la rue de Jojo, le monde urbain dans lequel il vit, ainsi que l'isolement et le trou ‐ le trou noir et le trou de mémoire (ceux de Jilette et celui dans lequel on a oublié Jojo). En s'inspirant de la boîte à jouer, Fabien Persil a imaginé un dispositif de larges tuyaux, similaires à ceux qui recueillent les pluies dans les villes mais coupés en deux. Les acteurs manipuleront ces différents modules au gré du voyage de Jojo, représentant d'abord l'espace du skatepark, qui s'est imposé immédiatement, puis la forêt de la grande Peur ou encore le Cœur de Jojo. Avec de multiples trappes ‐ propices aux apparitions et disparitions ‐ sur ces demis ou quarts de tuyaux, ce dispositif scénique nous permettra de rêver au rythme de Jojo. Les lumières et le brouillard participeront aux changements abrupts des lieux du récit. De la vidéo viendra appuyer la lumière, comme pour créer de la matière plutôt que comme projection d'une image plaquée. L'univers du récit, très emprunté à celui de la bande dessinée, résonne aussi très fortement avec la culture geek et la culture pop qui accompagnent notre travail et que nous revendiquons comme référence esthétique du spectacle.
Pierre Delmotte
La pièce raconte l'amitié entre ce gosse des rues et cette vieille fée hors d'usage qui s'appelle Jilette. Ça se prononce comme la lame, mais ça s'écrit différemment. Comme toute la pièce, qui est un chef-d'œuvre de drôlerie et de poésie, cette politesse du désespoir comme chacun sait. (…) Qu'ajouter ? L'essentiel : les acteurs. Je les cite tous tant ils sont tous excellents. (…) Mention spéciale, bien sûr, à Jean‑Erns Marie-Louise, qui construit son Jojo de main de maître. Non seulement on est dans son cœur, mais encore on y est si bien qu'on ne veut plus partir. Avec ou sans mômes, allez-vous laver le vôtre (de cœur) à cette merveille qui ne restera pas éternellement à Paris. D'ailleurs, pour la plus grande joie des spectateurs de Villefranche-sur-Saône, Chambéry, Lyon, Strasbourg et ainsi de suite, qui l'attendent avec impatience. Les Trois coups
Glissant d'un monde à l'autre, du réel à l'imaginaire, la plume de Stéphane Jaubertie se faufile habilement entre les sentiments. Emouvante, terriblement lucide, elle bascule parfois dans un registre totalement loufoque, où l'humour emporte tout sur son passage. Habités par la peur de grandir ou de mourir, ses personnages trouvent le courage d'aller vers l'inconnu. Théâtre on Line