Deux porteuses et deux voltigeuses pour une ascension hors limites et hors cadre.
— Au cœur d'un dispositif quadri frontal, les quatre acrobates cheminent dans un parcours d'obstacles fait d'aléas et jeux, dont elles définissent les règles au fur et à mesure ; il est question de lutte, de résistance, d'imaginaire sportif, vu à travers le prisme de l'esprit et du corps féminin. Car l'univers de la compagnie Un loup pour l'homme, et celui du spectacle Face Nord en particulier, se sont construits d'abord entre hommes : l'effort physique est plus que présent, les corps se heurtent, la confrontation peine à se défaire de la compétition. Oppositions, rapports de pouvoir ou de soumission, recherche des limites, fraternité mâtinée d'adversité. Ces corps avides révèlent au plateau les vertus ou les vices, selon l'usage qu'on en a, ou l'image qu'on s'en fait, de la gent masculine. En transmettant Face Nord à une équipe de femmes, il s'agit pour Alexandre Fray de confronter cette écriture à d'autres corps, porteurs d'autres imaginaires, d'autres nuances, d'autres possibles.
« Ces prouesses collectives et très physiques racontent avant tout la solidarité humaine – celle notamment que l'on trouve en haute montagne, les effets décuplés du groupe, l'esprit de meute… Tout ça avec beaucoup de dérision et d'humour, des coups d'accélération qui, parfois, laissent penser aux spectateurs qu'un acrobate finira dans leurs bras. » L'Alsace
Avec Sanna Kopra, Lotta Paavilainen, Stina Kopra et Mira Leonard. Direction artistique de la reprise : Alexandre Fray, Sergi Parés et Pierre Déaux. Création originale en 2011 de : Fred Arsenault, Alexandre Fray et Pierre Déaux (avec au plateau : Mika Lafforgue et Sergi Parés). Dramaturgie : Bauke Lievens. Création sonore : Jean-Damien Ratel. Création lumière : Thierry Robert. Costumes : Emmanuelle Grobet. Equipe technique : Pierre-Jean Faggiani et Sylvain Mege. Administration & diffusion : Caroline Maerten et Lou Henry.
Production : Un Loup pour l'Homme. Avec l'aide à la création de la DRAC Hauts-de-France, du Conseil Régional Hauts-de-France et de la Mairie de Lille et le soutien de La Batoude Centre des Arts du Cirque et de la Rue à Beauvais, La Central del Circ Barcelone, du Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine .
© photo : Sergi-Parés, Cie Un loup pour l'homme, Juan Del'O
La compagnie de cirque Un loup pour l'homme, à travers sa pratique des portés acrobatiques, s'attache à défendre une vision de l'humanité faite d'êtres sociaux, différents autant que dépendants les uns des autres. Épris de puissance et de liberté, l'acrobate y apparaît sans cesse aux prises avec ses limites ; l'homme y révèle dans l'épreuve de sa relation à l'autre grandeur et faiblesses, la complexité de sa nature humaine.
Historiquement, Un loup pour l'homme est née de la rencontre de deux acrobates, le porteur français Alexandre Fray, et le voltigeur québécois Frédéric Arsenault. Empreints de deux créations avec le metteur en scène Guy Alloucherie, ils se tournent dès 2005 vers une recherche spécifique autour de leur pratique du main à main. Pour eux, les portés sont non seulement une matière à mettre en forme, mais avant tout une relation forte entre deux hommes.
Plus qu'une matière à mettre en forme, le main à main constitue, pour Un Loup pour l'Homme, un véritable langage et un terreau d'étude des relations humaines. La compagnie défend donc l'art du porté acrobatique comme un art de l'action plutôt que de la démonstration, un art dans lequel la virtuosité des artistes permet une compréhension sensible de l'homme, pris en tant qu'espèce dans le monde du vivant. La dynamique d'équipe est d'ailleurs souvent poussée par une insatiable curiosité, et l'art de toujours remettre en question ce qui semblait acquis, non pas (ou non plus), pour aller au bout des limites, mais pour étirer l'éventail des possibilités.
Construite sur un vécu réel et un extraordinaire engagement physique, Appris par corps, première pièce de la compagnie, Lauréate du Prix Jeunes Talents Cirque Europe, rencontre l'engouement public et professionnel, avec plus de 230 représentations en Europe et dans le monde.
Le projet grand-mère, mené dès 2006 par Alexandre, questionne sa pratique de porteur au contact de personnes âgées. Ici, le geste acrobatique dévoile une superbe fragilité, dans l'intimité de la rencontre entre une vieille dame et un acrobate.
Forte de son succès et de son expérience, Un loup pour l'homme propose en 2011 une nouvelle création, FACE NORD, qui élargit ce travail engagé au-delà du duo. Quatre hommes y explorent une écriture faite de règles et de jeux physiques, embarquant avec eux le public dans une expérience établissant les prémices de l'acrobatie dans l'innocence des jeux de l'enfance.
En 2017, l'équipe s'est recomposée et élargie autour de RARE BIRDS, spectacle en circulaire autour de la transformation permanente de mouvements, dans lequel, plutôt que de figer un équilibre, les six acrobates cherchent à entretenir des déséquilibres.
En 2011, Un Loup pour l'Homme crée Face Nord, avec Alexandre Fray, Frédéric Arsenault, Sergi Pares et Mika Lafforgue.
Devant nous, quatre hommes s'avancent et mettent en jeu la puissance certaine et la force assurée de leurs corps vivants, dans l'exaltation masculine et sensuelle d'une forme de combativité. Leur cheminement est un parcours d'obstacles, fait de jeux acrobatiques surprenants et ludiques dont ils inventent sans cesse les règles. Marcher, courir, sauter, attraper, grimper, grimper encore, avancer toujours...
La confrontation à divers obstacles, une fois dégagée de la vaine tentation de vaincre, y est le moteur d'une lutte personnelle et collective qui pose les bases d'un nouvel "être ensemble".
"Savoir que l'on va perdre n'empêche pas de lutter", nous disent ces quatre acrobates qui se mettent avec obstination à l'épreuve et relèvent avec plaisir les défis, nous emmenant en même temps que leurs corps aux limites de leur réalité physiologique et des lois de la physique.
A travers le choix d'une écriture faite de règles du jeu, FACE NORD est une tentative de retrouver dans l'homme l'innocence ludique de l'enfant, et par là, les prémices et les valeurs essentielles de notre quête acrobatique.
Le spectacle a joué, à ce jour, près de 250 fois.
Historiquement une compagnie exclusivement masculine sur scène, Un loup pour l'homme a intégré la présence féminine sur scène avec le Projet Grand-mère puis avec Rare Birds. Loin d'être anecdotique, cette présence influe en profondeur sur la lecture de l'acte acrobatique.
Dans la recherche, sur scène, dans nos vies, en société, cette question du genre s'est faite importante. C'est pour la traiter pleinement que nous recréons aujourd'hui Face Nord avec 4 femmes.
Ce qui importe peut-être au fond, pour l'écriture de Face Nord, ce n'est pas tant qu'il s'agissait de 4 hommes, mais d'un groupe non-mixte. Pourquoi pas 4 femmes, donc ?
Face Nord met en scène le double aspect tragique et ludique d'acrobates engagés à corps perdus dans une quête vaine de limites. Une équipe féminine permettra de questionner en quoi nos problématiques de départ seraient soi-disant masculines. Quelle lumière apporteront ces femmes à cet engouement pour la lutte, à ces confrontations physiques, ces mises à l'épreuve ou ces jeux de gamins ? Est-ce que dans la confrontation ou la coopération physique, des corps féminins transpireront la même réalité humaine ? Adversité et solidarités, échecs et espoirs se teinteront de nuances nouvelles.
Notre travail acrobatique tend à s'abstraire de conventions supposées, pour s'autoriser à mener librement sa recherche, parfois en dehors des sentiers connus. Cette volonté d'émancipation vaut aussi à l'endroit des artistes et des personnes.
Spectacle éminemment sensuel aussi, nous déclarions alors avec élégance, que si nous étions entre hommes sur scène, c'était pour ne pas déléguer la féminité aux femmes. En ce sens, avec cette nouvelle version, nos nouvelles acrobates assumeront sans nul doute de ne pas déléguer la masculinité aux hommes.
Un loup pour l'homme travaille avec la conviction que les portés acrobatiques, au-delà d'une simple pratique démonstrative, ont le potentiel artistique d'un langage scénique. Explorant sa grammaire, ou développant son vocabulaire, nous nous penchons sur la question de l'écriture, en cirque.
Avec Face Nord, nous faisions en 2011 une proposition novatrice, consistant à considérer le cirque comme un art de l'action et à définir son écriture non comme une ligne étroite, mais comme des règles du jeu définissant l'espace de ces actions. Le domaine du sport ou du jeu physique au sens large nous servait de modèle de départ, pour encadrer les activités et leurs objectifs, tout en préservant absolument leur caractère vivant, leurs incertitudes, leurs chances de succès ou d'échecs, propices à tenir un public en haleine.
Cette question de l'écriture, essentielle à tout acte théâtral, définit aussi en regard celle de l'interprétation. Poursuivie lors de la création de Rare Birds, cette réflexion sera mise à l'épreuve de la transmission. En effet, transmettre est un exercice exigeant, qui impose de déterminer ce qui est la part fixe, celle de l'écriture, et la part de liberté, celle de la responsabilité qui incombe à l'interprète.
En cirque spécifiquement, ou souvent auteur et interprète se fondent en une seule personne, ces questions sont parfois agréablement savoureuses.
Pour cette transmission, nous avons la chance d'avoir lors de la création, écrit un livret des règles qui constituent l'écriture de la pièce. Cependant, le rôle de Pierre Déaux, alors regard extérieur et directeur d'acteurs, a été primordial. « Les règles du jeu seules ne suffisent pas à faire de toi un bon joueur » nous disait-il.
C'est donc cette synergie entre l'écriture même, la mise en scène, et l'interprétation qu'il nous sera permis d'étudier et de recomposer sur mesure à l'occasion de cette nouvelle distribution.
HUMAINE ARCHITECTURE, vision de l'artiste en héros tragique mais solidaire" Une fois tombée la carapace – en l'occurrence des protections de footballeur américain à la tête et aux épaules – à quoi ressemble un corps à corps sans agressivité, où il ne s'agit ni de rendre coup pour coup, ni d'écraser l'autre ? A une figure hybride, en perpétuelle métamorphose, soudée par la complémentarité. (…) Nul récit, nulle progression dramatique ne viennent alourdir la capacité propre au cirque à transmuer ce qu'il fabrique en images mentales à la charge symbolique évidente. (…) Chute, équilibre, rebonds, sauts : la condition humaine trouve dans le cirque, l'adéquation parfaite entre la beauté du geste et le risque inhérent à toute expérience. Ici, le main à main canalise l'échange et la circulation d'énergie entre celui qui soutient et celui qui s'appuie pour rebondir, aller ailleurs et, « de précaires échafaudages humains à de soudaines envolées acrobatiques », ils affrontent ensemble « le véritable enjeu de l'épreuve : résister à l'inéluctable. Les Inrockuptibles
Les corps s'agrippent, s'escaladent, se surmontent, se survolent, chutent. Ils frôlent en permanence la franche fraternité contre le combat d'hommes, sur de la musique baroque sublime ou bien en silence. Alors le spectateur entend les respirations. Il voit les veines se gonfler sous la peau et les gouttes de sueur tomber à terre. C'est brut et puissant. (…) Télérama
(…) Face Nord ne répond pas à l'injection de la belle forme mais s'en remet à l'autorité de la physicalité, non pour exalter la virtuosité mais pour montrer l'exercice, comme le feraient des sportifs dont on verrait l'entrainement. C'est un cirque en train de se faire, en action, risqué à l'excès et à la liberté. Dernières Nouvelles d'Alsace
(…) Ces prouesses collectives et très physiques racontent avant tout la solidarité humaine – celle notamment qu'on retrouve en haute montagne, les effets décuplés du groupe, l'esprit de meute… Tout ça avec beaucoup de dérision et d'humour, des coups d'accélération qui, parfois, laissent penser aux spectateurs qu'un acrobate finira dans leurs bras. L'Alsace