Croyez-vous que les fantômes existent ? La BaZooKa vous prouve qu’en tout cas, ils dansent…
« Les fantômes, on ne les connaît pas très bien. On les suit du regard. On est un peu jaloux de les voir voler mais on imagine qu’ils ne peuvent rien faire de concret, qu’ils ne peuvent rien nous faire, qu’ils ne peuvent pas nous toucher. Et pourtant… »
La BaZooKa Et pourtant, Pillowgraphies est une danse de fantômes. On voit bien que ce sont des danseurs avec un drap sur la tête. Si on regarde attentivement, on distingue leurs jambes. Mais on se laisse prendre. Par les mouvements que l’on voit et ceux que l’on devine. Par les rapprochements, les images qui se forment. Par les effets que les tissus dessinent. Par les empreintes que ces textures blanches laissent dans la lumière noire. Parce que, eux, ils échappent à la gravité, ils sont anonymes, légers, immatériels, insaisissables. Et pourtant…
Et pourtant, ils sont tous différents, ils forment une communauté composée de personnalités. Ils ont donc des aspirations, des rêves, des peurs, des besoins, des envies, des sentiments. Que d’histoires de fantômes en perspective !
Conception La BaZooKa (Sarah Crépin et Étienne Cuppens) • Chorégraphie Sarah Crépin en collaboration avec Nicolas Chaigneau, Aurore Di Bianco, Flore Khoury, Claire Laureau- Renault, Nadir Louatib, Matthieu Patarozzi, Marie Rual, Léa Scher, Taya Skorokhodova, Julien-Henri Vu Van Dung.
Production La BaZooKa. Coproductions Le Volcan scène nationale du Havre, DSN – Dieppe Scène Nationale, Ballet de Lorraine, l’ARC scène nationale du Creusot. Accueils en résidence DSN- Dieppe Scène Nationale, Ballet de Lorraine, Siroco Saint-Romainde- Colbosc. Soutiens Département de Seine-Maritime.
© photo : La BaZooKa, Loïc Séron
Extraits de la présentation de fin de stage intergénérationnel avec 15 amateurs du 27 février 2015 en préfiguration de la création de Pillowgraphies en 2017.
Le local de La BaZooKa surplombe la cour d’une école primaire dans le quartier du Havre où nous travaillons. Régulièrement nous suspendons notre activité au moment de la sonnerie pour regarder par la fenêtre, et espionnons avec bonheur, la sociologie de cette cour et les chorégraphies pendant les récréations. Nous sommes subjugués par la fulgurance, la force et la légèreté des enjeux qu’on y trouve. Les conflits, les approches amoureuses, les constitutions de groupes, les séparations, les jeux, les bagarres, les courses, les messes basses, les chants et les cris arrivent sans cesse dans un ballet phénoménal qui s’équilibre dans le temps et l’espace comme une évidence. Il y a des filles qui se tiennent par la main et sautillent deux par deux en chantant, un enfant qui joue à cache-cache mais que personne ne cherche, des mêlées et des complots, des rondes, des incantations, des courses. Des courses sans cesse. Et il y a un enfant seul, qui traverse lentement, en diagonales, toutes ces vagues sans s’arrêter une seule fois.
Pillowgraphies répond à un désir de légèreté. Une tentative d’échapper à la gravité, d’aller vers une danse où le corps se dissout au profit d’une figure fantasmagorique aussi légère que moelleuse : le fantôme. Le désir de plonger dans un univers nocturne et joyeux où il suffit de flotter pour tenir debout, glisser pour se déplacer et où marcher relève de l’anomalie. Le désir de respirer un parfum de liberté. La liberté de soulever les bras en hululant et espérer un cri d’effroi… ou un fou rire.
Les fantômes, on ne les connaît pas très bien. Ils sont anonymes. On les suit du regard. On est un peu jaloux de les voir voler et on imagine qu’ils ne peuvent rien faire de concret. Ils ne peuvent rien nous faire. Ils ne peuvent pas nous toucher et pourtant… On voit bien que c’est juste des hommes avec un drap sur la tête. Si on regarde bien, on voit les jambes. On ne sait pas quel acteur célèbre, quelle femme sublime, quel danseur se trouve ici. Aucune importance. On accepte tout de suite que les fantômes sont là pour une certaine forme d’éternité: « tant qu’il y aura des enfants qui partent en récréations quand la sonnerie retentit ».
Ce travail autour des fantômes a commencé initialement en décembre 2014 sous deux formes et, au départ, uniquement avec des groupes de participants amateurs : Premièrement, à l’occasion de la commande d’une création chorégraphique pour amateurs passée à La BaZooKa par le Théâtre d’Orléans durant la saison 2014/2015. Deuxièmement lors d’un stage intergénérationnel à l’initiative du Rive Gauche - scène conventionnée pour la danse de Saint-Etienne-du-Rouvray en février 2015.
Ces rencontres ont donné lieu à des ateliers aboutissant à une forme spectaculaire de fin d’atelier. Elles n’avaient pas d’autres perspectives à long terme. Les échanges avec les amateurs furent très riches et intenses et se sont terminés en juin 2015. Les deux présentations publiques ont démontré l’efficacité de la proposition, de ses conventions et de ses postulats, y compris les postulats techniques extrêmement simples : des draps blancs et de la lumière noire. Elles ont surtout confirmé que se mettre sous un drap, malice de l’enfance, est source de jubilation communicative.
Au fur et à mesure des répétitions avec les amateurs, l’envie de poursuivre cette exploration avec des professionnels s’est affirmée. Le désir de travailler sur une écriture plus sculptée dans le temps et l’espace et d’approfondir les matières de corps, exacerber les dynamiques et les situations dramaturgiques, se vérifie, donnant lieu au projet actuel.
1/ A partir d’observations de cour de récréations, relever un ensemble de parcours et dramaturgies dynamiques.
2/ Avec un nombre restreint d’interprètes, constituer un noyau, groupe de travail, pour dessiner la trame principale de la pièce.
3/ Inventer une écriture extensible à partir de l’évolution du nombre de danseurs en répétition.
4/ Réaliser des partitions et rôles pouvant être distribués librement aux interprètes.
5/ Etendre la modularité, en fonction des lieux dans lesquels la pièce sera représentée, pour proposer éventuellement la présence de figurants actifs recrutés sur place pour certaines scènes.
Dès les premiers spectacles conçus depuis 2002 par Etienne Cuppens et Sarah Crépin, La BaZooKa s’est attachée à mettre en jeu la place du spectateur, grâce, notamment, à des dispositifs scéniques et/ou optiques. MonStreS, offrait par exemple au corps des perspectives inédites pour questionner la notion de mémoire et d’incarnation (le public y était entouré de miroirs). Depuis Le Ka, Madison, MonStreS Indiens et enfin Queen Kong, les pièces se veulent plus «politiques». Elles engagent au fil des projets une réflexion sur la notion de liberté, seul(e), au sein d’un groupe restreint, d’une communauté ou au sein d’un duo comme dans Stravinsky Motel; continuant ainsi tout en le précisant, le travail sur l’identité, commun à tous les spectacles de La BaZooKa.
Aujourd’hui, à travers ses nouveaux projets, La BaZooKa développe et affine les pistes qui caractérisent la démarche artistique de la compagnie:
Naviguer entre fiction et abstraction.
Utiliser des figures comme autant de personnages à suivre.
Provoquer l’imaginaire du spectateur.
Osciller entre le visible et l’invisible.
Questionner les effets de communauté.
Rechercher la légèreté...