Une tragi-comédie burlesque et décalée.
Jordan, dit Bouboule, et Arthur, dit Quatzieux, n’ont aucune raison d’être amis. L’un est en échec scolaire et ne songe qu’à manger ; l’autre est premier de la classe et soigne à l’excès son vocabulaire. Pourtant, ils ont un point commun qui les rend inséparables : tous les deux ont le même tortionnaire. L’affronter, ils n’y songent pas. Alors ils l’évitent en se cachant dans un container. On rit beaucoup en découvrant Bouboule et Quatzieux, car ils ont beau être les victimes de l’histoire, ils ne sont pas pour autant présentés sans défaut, au contraire ! La langue libre et crue de Philippe Gauthier ne cherche ni le joli ni le moral et l’auteur se permet d’aborder le thème grave du souffre-douleur avec beaucoup de drôlerie.
La mise en scène d’Anne Contensou, en jouant sur l’univers sonore et visuel des jeux vidéo et sur la référence au super-héros, nous projette dans l’imaginaire des deux protagonistes, révélant leurs failles et leur tendresse.
Mise en scène Anne Contensou • Scénographie et création lumière Xavier Baron. Musique et création sonore Mikael Plunian. Regard marionnettique Simon Delattre. Interprètes Vincent Debost et Nicolas Orlando.
Production déléguée Cie Bouche Bée. Coproductions Conseil Général de Seine-Saint-Denis, Théâtre des Bergeries Noisyle-Sec, Théâtre du Fil de l’eau – Pantin, Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois, Espace Georges Simenon Rosny-sous-Bois, Espace 1789 – Saint-Ouen
© photo : Jef Rabillon
J’aime faire des spectacles pour tous : pour les enfants, les adolescents et les adultes.
Je m’intéresse aux écritures d’aujourd’hui et j’aime parler, échanger, travailler avec des auteurs bien vivants. Des qui cherchent et qui inventent. Des qui aiment les expériences osées et partagées.
J’ai aimé travailler avec les vivants et culottés Sylvain Levey et Karin Serres lors de mes précédents spectacles. Pour cette nouvelle création jeune public, il me semblait évident de croiser l’écriture du même vivant et culotté Philippe Gauthier. Ainsi donc, à l’automne prochain, je m’engagerai avec toute mon équipe dans la mise en scène du dernier texte de l’auteur, Bouboule et Quatzieux.
Anne Contensou
Ce qui frappe dans cette pièce c’est son culot au démarrage. D’abord parce que la langue de Philippe Gauthier, libre et crue, ne cherche ni le joli ni le moral sous prétexte qu’elle s’adresse à des enfants. Ensuite parce que l’auteur se permet d’aborder un thème grave – le bouc-émissaire – avec beaucoup de drôlerie, caractéristique rare dans la production jeunesse actuelle.
Oui, on rit beaucoup en découvrant Bouboule et Quatzieux, entraînés d’abord par ces personnages burlesques et décalés. Car ceux-ci ont beau être les victimes de l’histoire, ils ne sont pas pour autant présentés sans défauts, au contraire ! L’auteur expose autant leurs déboires que leurs lâchetés, jusqu’à cet étonnant retournement final où Bouboule prend la place du bourreau. Cette complexité nous écarte d’emblée d’une vision du monde où les bons et les méchants seraient séparés. Néanmoins les deux garçons deviennent très vite attachants par leur entrain et leur solidarité naissante. On sera notamment touché par Bouboule au dessein secret d’aménager un monde refuge dans un container poubelle, et l’on verra dans le dernier geste qu’il a envers Quatzieux – celui de jeter un paquet de gâteaux dans le container – une manière déguisée de le rassurer en lui disant qu’il ne prendra peut-être pas si cher que ça les jours prochains…
La pièce alterne des scènes de jour qui réunissent les deux personnages autour du container (ou carrément à l’intérieur) et des situations le soir. Ces scènes nocturnes croisent des paroles des personnages isolés dans leurs chambres, le tout finissant par produire une sorte de « dialogue » et renforcer le lien fort - quasi surréaliste - qui relie les 2 garçons, même éloignés.
La pièce suit ainsi une structure musicale répétitive : couplet / refrain / couplet / refrain… Le renversement de situation final dénoue et renoue la situation de départ, faisant de l’histoire une boucle perpétuelle.
On note enfin que la narration est entièrement centrée sur les 2 protagonistes, quasi en huis-clos (container et chambre). Les parents et les camarades de classe sont absents de l’action, notamment le personnage du bourreau. Cette focale subjective est accentuée par le fait que les deux garçons se réfugient tous deux dans une bulle de fiction le soir : Bouboule inverse les rapports en jouant à des jeux vidéo violents dont il est le vainqueur, Quatzieux écrit son journal intime et recrée sa journée par le biais du récit.
Au coeur du projet il y a la direction d’acteurs. Le mélange des genres permet l’exploration de différents registres de jeu. Pour travailler ce duo de clowns inversés, nous avons cherché le moteur comique des contraires que l’adversité réunit. Nous avons également voulu dévoiler ce que cette marginalité génère de douleur et de douceur car il y a une fibre tendre qui vibre en chacun des personnages.
La pièce traite du rapport entre les êtres, d’où l’envie d’interroger et de varier les échelles sur le plateau. Au regard de ces enfants qui vivent à leur hauteur un monde souvent trop grand et plus fort qu’eux, nous avons creusé les pistes suivantes : grands et petits espaces, mesure et démesure des objets et des êtres.
La rudesse du quotidien de nos deux protagonistes les conduit à se réfugier le soir dans une intimité où la fiction a la part belle : l’un joue à des jeux vidéo (fiction violente qui ressemble étrangement à ce qu’il vit le jour, sorte de réalité augmentée); l’autre tient son journal intime (récit écrit qui modèle et recrée le réel). Ainsi, pour se protéger, les deux garçons éprouvent le besoin de transposer leur situation en se représentant eux-mêmes. La représentation intègre cette dimension ludique en jouant sur l’univers sonore et visuel des jeux vidéo et sur la référence au super-héro qu’on rêve d’être.
La référence à la fiction et le jeu sur les échelles appelle une recherche spécifique sur le théâtre d’objet et sur les corps marionnettiques. Nous créons ainsi un glissement progressif. De cet ici et maintenant très réaliste (l’école, le boucémissaire, les multimédia ......), nous nous laissons entrainer par l’imaginaire des deux garçons en montrant leurs représentations d’eux-mêmes : dans quels doubles romanesques, avatars et autres héros de jeux se projettent-ils ?
La musicalité du spectacle s’appuie sur le rythme binaire de la structure narrative existante. La dimension musicale contribue à créer cette bulle de fiction dans la fiction. Elle permet de rendre ce monde tantôt entraînant, violent, envoûtant.
Enfin, les décors convoqués par cette fiction doivent relever de petits défis scénographiques et techniques : un container poubelle dans lequel peuvent tenir entièrement deux acteurs adultes, la possibilité de voir et d’entendre ceux-ci quand ils sont à l’intérieur, un lampadaire qui respire en lumière au pouls des personnages, l’intimité des chambres de chacun… Nous nous sommes écartés du réalisme pour trouver la mécanique ludique et onirique de cet espace en perpétuelle évolution.
La Cie Bouche Bée porte les projets artistiques d’Anne Contensou. L’activité de la Compagnie Bouche Bée s’appuie sur la recherche théâtrale en lien avec les auteurs vivants. Le croisement intime des mots et de l’écriture scénique s’inscrit clairement au cœur du projet. Ces dernières années, la compagnie a collaboré avec des auteurs non francophones : l’opportunité de créer et de jouer des spectacles dans différents pays d’Europe. À chaque création s’invente une nouvelle forme de représentation, en résonance avec la singularité du texte choisi, toujours soutenue par une exigence scénique et esthétique au service de la langue. Parce que nous défendons un théâtre de qualité pour tout public, parce que notre expérience nous a appris que chaque public a ses propres spécificités passionnantes qui viennent enrichir la recherche théâtrale en général, nous créons des spectacles pour un public jeune, adolescent et/ou adulte. Chaque projet est l’occasion de réfléchir aux manières de ne pas arrêter le geste créatif au seuil de l’objet spectacle. Le fait de travailler avec des auteurs vivants favorise cette liberté et cette invention. Ces collaborations font souvent émerger des formes intermédiaires ou parallèles à la « grande forme » destinée au plateau. La compagnie est également très attachée à l’idée de transmission, c’est pourquoi elle s’engage dans des actions de sensibilisation à la périphérie de ses créations.
Libre, burlesque et décalée, cette pièce frappe par son culot et sa drôlerie. On y découvre un duo de clowns insolites, Jordan (dit Bouboule) et Arthur (dit Quatzieux). Télérama
A partir d’un sujet particulièrement sensible dans les cours d’école, Philippe Gauthier a réussi à écrire une pièce drôle, sans naïveté ni pathos. D’ailleurs, les deux victimes ne sont pas exemptes de défauts, bien au contraire. La metteure en scène Anne Contensou a su trouver les bonnes idées et un super duo d’acteurs pour la servir. Il est à parier que beaucoup s’y reconnaîtront ! Paris Mômes
« Occupé » met en scène un duo de clowns insolites, Jordan (dit Bouboule) et Arthur (dit Quatzieux). L'un est en échec scolaire et ne songe qu'à manger, l'autre est premier de la classe et soigne à l'excès son vocabulaire. Si tout semble les séparer, ils ont en vérité un point commun qui les rend inséparables : tous les deux ont le même souffre-douleur. « C'est en allant à la rencontre d'enfants, d'ados et même d'adultes que je me suis rendu compte de cette évidence : dans chaque groupe, ou presque, il y a un ou plusieurs souffre-douleur. J'ai juste voulu leur donner la parole », souligne Philippe Gauthier. Une pièce dans laquelle l'auteur « ne cherche ni le joli ni le moral sous prétexte qu'elle s'adresse à des enfants », précise Anne Contensou, qui en a réalisé la mise en scène. Le Télégramme