Liberté, équilibre, fragilité !
Sur un plateau nu, David Brandstätter dispose des tasses. Il les fait glisser, valser tels des palets de hockey, les éloigne les unes des autres, les rapproche. Se dessinent alors des chemins, des schémas, des canevas qu’il va emprunter. En équilibre instable sur ces tasses retournées, il négocie chaque pas, cherche des appuis, se retrouve à quatre pattes, s’immobilise pour mieux repartir. Comme le fil de pensées qui s’égrènent en voix off. Il y est question d’un oiseau qui vole, de la découverte du Coca-Cola par un enfant, de cages et de prisons, d’un père, de l’économie mondialisée, des théories du complot et des conditions mêmes de son exercice. Oscillant entre mouvements, texte, son et installation, David Brandstätter présente la liberté comme un chemin appelant à une remise en question constante, à une négociation critique avec soi-même.
« À la fois habile – on sent le jongleur et le monocycliste qu’il a été – et incertain, maladroit, David Brandstätter érige l’observation, les hypothèses et le doute en principe de jeu, préférant l’ouverture des possibles et les espaces à construire aux résolutions. » RENCONTRES CHORÉGRAPHIQUES INTERNATIONALES DE SEINE-SAINT-DENIS
Projet, chorégraphie David Brandstätter. Conseils dramaturgie Malgven Gerbes, Howard Katz. textes David Brandstätter en dialogue avec Hatto Fisher, David Williams, Alexandros Mistriotis, Gabriele Wittmann, Katja Kettner, Martin Clausen. Musique David Brandstätter, Ruth Wiesenfeld. Régie Michael Kunitsch, Thomas Achtner.
Production shifts – art in movement. Coproductions fabrik Potsdam Artists-in-Residence. Résidences Collectif Danse Rennes Métropole, Tanztendenz Munich, Giesinger Bahnhof Munich SPONSOR Kahla Porzellan. Soutien Fonds Darstellende Künste e.V. | BLZT Performing Arts Fonds | Kulturreferat München. Diffusion certaines représentations ont été soutenues par le National Performance Network Munich.
© photo : Pascal Miet, Malgven Gerbes
Installation mouvante, performance chorégraphique, manifeste philosophique
Qu'est-ce que la liberté ? Qu'est-ce que cette dernière exige de chacun d'entre nous ?
La liberté est-elle un devoir ?
M'inspirant d'une sélection de moments, de dialogues et d'expériences personnelles, je veux dépeindre ma perception de la liberté et son développement à travers le temps. Oscillant entre mouvements, textes, son et installation, je veux présenter la liberté comme un chemin appelant à une remise en question constante, à une négociation critique avec soi-même, à la libération de l'imagination et inviter le public à partager cette réflexion.
David Brandstätter
Le nom de l'organisation artistique s h i f t s désigne en anglais une transition d'un point défini à un autre et implique une dynamique de changement.
C'est bien ce à quoi nous convie David Brandstätter avec le solo FRE!HEIT (liberté), de manière à la fois littérale et métaphorique.
En effet, le chorégraphe déploie des tasses blanches sur le plateau, les déplace, les disjoint et les regroupe, puis les prend comme points d'appui pour parcourir la scène, les propulse tels des palets de hockey, composant et recomposant sans cesse l'espace comme un enfant le ferait avec des Legos.
Les tasses deviennent un cadre, un chemin, des objets avec lesquels jongler, des entités à observer. En écho, un texte prononcé en off énonce quelques pensées autour du mot « liberté ». Il y est question d'un oiseau qui vole, de la découverte du Coca-Cola par un enfant, de cages et de prisons, de l'économie mondialisée, des théories du complot et des conditions mêmes de son exercice.
A la fois habile – on sent le jongleur et le monocycliste qu'il a été – et incertain, maladroit, David Brandstätter érige l'observation, les hypothèses et le doute en principe de jeu, préférant l'ouverture des possibles et les espaces à construire aux résolutions.
FRE!HEIT interroge ainsi les usages et les conceptions de la liberté, l'observant sous différents angles, dans un dialogue entre la pensée, l'espace et le corps, rendant ainsi cette idée à une dimension à la fois modeste et inépuisable.
Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, Création française, mai 2015
David Brandstätter a pratiqué le jonglage et monocyclisme à haut niveau avant d'étudier la musicologie, puis de se tourner vers la chorégraphie et la danse.
En créant le solo FRE!HEIT, autobiographique, David a souhaité partager avec le public ses engagements artistiques et politiques.
Malgven Gerbes a étudié l'architecture à l'ENSAAMA, à Paris, puis a travaillé plusieurs années comme architecte avant de devenir danseuse et chorégraphe.
Malgven a accompagné la création de FRE!HEIT notamment sur le plan de la dramaturgie.
Après avoir étudié la chorégraphie à l'université ArtEZ, aux Pays-Bas, Malgven Gerbes et David Brandstätter créent l'organisation artistique s h i f t s - art in movement en 2007.
A la croisée des cultures, des modes de transmission et des médias, s h i f t s adapte ses équipes artistiques et ses formes d'expression chorégraphique à chaque projet, faisant naître de nouveaux modèles de collaboration interculturelle, de connexion et de réflexion à chacune de ses créations.
s h i f t s – art in movement, organisation franco-allemande, co-dirigée par Malgven Gerbes et David Brandstätter, s'appuie sur la conviction que les changements permanents de perspectives, d'équilibres, de points de départ et de paramètres extérieurs sont une condition essentielle à un examen sérieux et continu de la pratique artistique dans laquelle les deux chorégraphes se sont engagés.
Malgven et David créent des pièces mettant en perspective les certitudes et les incertitudes de leur travail, ouvrant ainsi un champ possible de réflexions et discussions pour les spectateurs. Leurs productions n'ont pas pour but de résoudre des sujets d'étude en simplifiant le réel ; chaque pièce met en perspective les questions qui ont éveillé leur curiosité, « une vue de près » qu'ils souhaitent partager avec le public.
LEURS AUTRES PIECES :
Notebook rencontre avec les cultures coréenne et japonaise
Cartographie trace des contours de l'inconnu et du connu lors d'un processus de création
Festina Lente pièce chorégraphique participative, créant un espace social de rencontres évolutif
A I R portraits chorégraphiques croisés de trois interprètes arrivées à une maturité artistique
Krump' N' Break Release les contrastes des différents styles de danse urbaine, comme le krump et le break
Champs d'espaces (en cours de création) une création d'espaces afin de créer du temps pour la réflexion collective
Yes No Maybe too (en cours de création) les manifestes postmodernistes américains des années 70 à l'aune d'aujourd'hui
s h i f t s s'est produit à ce jour dans 14 pays différents, notamment aux Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, à la Sophiensaele de Berlin, au Dance festival de Munich, au Kunstfest Weimar, aux Hivernales d'Avignon, au Gdansk Dance festival en Pologne, au Festival Temps d'images à Cluj en Roumanie, au Seoul Performing Arts Festival en Corée, au Grand Théâtre de Shanghai en Chine, au festival Pharenheit du Phare - Centre Chorégraphique National du Havre Normandie.
L'Allemand David Bandstätter figurait au programme des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, dans un solo de presque une heure, FRE!HEIT.
Un titre qui signifie Liberté. Plutôt qu'à une référence circassienne, il faut en revenir ici à toute une tradition chorégraphique tendant à incorporer des objets dans l'écriture du mouvement. L'artiste sème sur le plateau une grande quantité de tasses blanches d'un modèle robuste et courant (de celles dans lesquelles on boit plutôt du thé).
Toute la patiente chorégraphie consistera à n'évoluer que perché sur ces modestes supports, sans mettre pied à terre.
L'enjeu n'est pas mince, car la surface d'appui offerte par chaque fond de tasse est fort restreinte, parce qu'il faut en modifier constamment les emplacements, dans une chorégraphie plasticienne de rapprochements et d'éloignements ; enfin parce que l'espace existant entre les divers appuis est ainsi rendu manifeste, évidé, et confère une réelle fragilité aux postures de corps et dynamiques de déplacements, qui se peuvent engager.
Le risque est néanmoins voisin de zéro (on a rarement vu quelqu'un se blesser sérieusement en tombant de la hauteur d'une tasse).
Et il se dégage ainsi une sensation de risque pur, abstrait, théorique. Cela dure longtemps, très patiemment, et permet de ressentir, par empathie kinesthésique, les tensions corporelles, en fait très actives, qui sollicitent le corps du danseur, négociant un pas, s'appuyant à quatre pattes, se relevant, s'immobilisant. Dans ce cas encore, l'extériorisation spectaculaire est minorée, au profit d'une variation insinuée dans les lois communes de la gestion gravitaire.
C'est excitant à l'esprit, d'autant que tout du long est diffusé un texte à teneur philosophique, qui développe une mosaïque d'intelligentes pensées sur le thème de la liberté. On se souvient d'un temps où une station de radio prétendait s'adresser à ceux qui ont quelque chose entre les oreilles.
Diffusant son essai philosophique, Fre!heit sollicite les spectateurs qui ont quelque chose entre les yeux, de sorte que les questions premières de l'équilibre de chacun, la composition d'un pas, la simple élévation au-dessus du sol, se fait enjeu majeur des œuvres d'intelligence.
Gérard Mayen - Danser canal historique - mai 2015