À travers le voyage, on a souvent envie de savoir ce qu’il y a de l’autre côté de l’horizon et comment les autres nous voient. Il y a, d’un côté, le voyage rêvé, désiré, avec nos émotions et le dépaysement. Et de l’autre côté, le départ forcé qui nous entraîne en terre étrangère et qui fait parfois de nous des étrangers.
C’est où l’inconnu ?Ici et ailleurs se construit comme un parcours peuplé d’objets sensibles qui interrogent, rendent curieux et permettent de raconter l’histoire d’une famille, d’un pays, d’une culture…
Par l’utilisation minutieuse du théâtre d’ombres, la compagnie Pupella- Noguès révèle la face cachée de ces petits trésors sortis du quotidien pour créer des univers plastiques, poétiques et lointains. Nourri par les paroles des enfants, ce spectacle raconte des histoires d’ici qui permettent de voyager ailleurs. Un chemin sensible et humble au travers duquel la compagnie invente un monde rêvé où chacun trouve sa place.
Partir: pourquoi ça fait peur…
Ou pourquoi raconter des histoires de déracinement.
Il faut bien reconnaître que tout changement peut provoquer de l'angoisse et de l'inquiétude chez l’enfant. Ce n'est pas facile d'aller vers l'inconnu. On perd ses habitudes. On est plus rassuré par ce que l'on connaît. L’enfant dépaysé, arraché à son cadre, à son milieu, à son pays, souffre : il est plus agréable de vivre parmi les siens.
Notre intérêt se porte vers ces enfants qui subissent le dépaysement, le déracinement. Comment leur donner la parole ?
Est-ce par le biais de l’environnement familier, donc par des objets qui réfléchissent le quotidien ? Par des objets auxquels on s’attache, qui nous guettent , qui nous accompagnent, et qui ont ce don merveilleux de raconter à eux seuls toute l’histoire d’une famille, d’un vécu… ?
Pour accomplir un chemin sensible et humble, qui nous révèle et qui révèle qui nous sommes dans ce monde.
Pour cela, pour accomplir ce cheminement, il nous semble fondamental de donner un sens à l’expression des souvenirs, de la langue, des odeurs, des traces qui ont laissé en nous les parcours des objets : pour leur donner une nouvelle vie, et dégager une voie d’interrogation et d’étonnement, dans lequel l’apprentissage de la curiosité amène la tolérance.
Notre spectacle se construit donc comme un parcours, peuplé d’objets sensibles, un aller-retour entre ces deux polarités (l’ici et l’ailleurs), en explorant les torsions sémantiques, les énergies dégagées par leur confrontation.
Les textes de Uri Shulevitz, Comment j’ai appris la géographie ; d’Henri Bornstein, Frère et soeur ; de Sylvain Levey, Cent culottes et sans papiers ; de Juan Mayorga, Le cartographe ; de Daniel Danis, Bled ; ou encore de Keri Smith, How to be an explorer of the world, ont été nos compagnons de route et déclencheurs du départ.
Aujourd’hui nous nous rapprochons de la parole des enfants que nous sollicitons dans les ateliers, témoignages directes et sensibles du vécu qui va se transposer dans le spectacle.
L’utilisation du théâtre d’ombres est une constante dans la création des spectacles de la Compagnie, notamment pour les spectacles jeune public comme Mais où est passé le tamanoir ?, Le miroir aux fourmis ou encore Je pars… où tous les spectateurs étaient immergés dans un décor de tissus peuplés d’ombres mystérieuses.
L’ombre a le don de révéler la face cachée des objets, en les prolongeant, en les détournant, en leur offrant une vie parallèle chargée de multiples aspects.
C’est le « double » poétique de l’objet, qui change de dimension : il sort du quotidien, de la simple fonction à laquelle il est destiné pour créer des univers plastiques profonds et lointains.
Dans chaque maison (ou presque) il y a un objet mystérieux, posé là,
quelque part dans la maison, on ne sait pas toujours
d’où il vient ni depuis combien de temps il est là,
mais sa présence silencieuse accompagne les habitants de la maison.
Il interroge, rend curieux, il permet de raconter.
Raconter l’histoire d’une famille, d’un pays, d’une culture.
Des objets en attente, aux abois ?
Des objets du quotidien, aux milles histoires.
Des histoires d’ici qui permettent de raconter l’ailleurs.
Les mettre en lumière, les mettre en vie.
La lumière transformera ces objets.
Les fera partir ailleurs alors qu’ils sont ici
Leur fera raconter nos histoires
Métamorphoses.
Des comédiens marionnettistes sur le plateau,
Porteurs des lumières, passeurs des histoires.
Un homme se souvient, il raconte.
Un musée imaginaire s’animera, révèlera des histoires singulières
Réinventer un monde pour y retrouver sa trace
Bled
Et là, là, là !
Photo de chemin !
D’une étoile à l’autre
Je n’arrête pas de marcher le monde
En quête d’une maison définitive.
Des portes, plein de portes
Porte bleue, porte blanche
Porte de bois, porte de fer.
Des portes, toujours des portes
Et je te porte et je m’en porte
De porte en porte
Photo du chemin pour le retour de demain !
Tourner ici pour le nord
Bifurquer à gauche au rond point
Prendre l’autoroute jusqu’au tunnel
Photo du chemin pour le retour de demain ! DANIEL DANIS
Le musée du silence
Il n’existe sans doute pas beaucoup de personnes qui connaissent les charmes d’un musée dont la collection n’est pas encore exposée. Il est vrai que ce n’est alors qu’un endroit triste, plein de défauts. Mais bientôt nait le sentiment qu’il va devenir l’écrin qui recevra le monde en réduction. Je m’attend alors à tout moment à une pluie d’objets tous plus fascinants les uns que les autres dans l’espace compris entre les murs, à l’ombre des colonnes et sur les cloisons uniformément blanches. YOKO OGAWA
Je pense à ces objets
Je pense à ces objets, ces boites, ces ustensiles, qu’on découvre parfois dans les greniers, les cuisines, les fonds des placards, et dont personne ne sait plus à quoi ça pouvait servir.
Vanité de croire que nous comprenons les oeuvres du temps : il enterre ses morts et garde les clefs.
Seuls les rêves, la poésie, le jeu, nous font approcher de ce que nous étions avant d'être ce que nous sommes. Mais qui sait ce que nous sommes ?JULIO CORTÁZAR
Comment l’esprit vient aux objets
« Être capable de parler des objets familiers qui nous entourent n’est pas preuve de futilité, mais au contraire d’une singulière profondeur. Nos maisons sont en effet un peu semblables à l’atelier d’un chercheur ou d’un artiste, encombrées d’objets en attente de transformation. Mais alors que les chercheurs ou les artistes transforment les objets qui les entourent, c’est nous même, au contraire, qui sommes appelés à nous transformer au contact de nos objets familiers » SERGE TISSERON
Objets migrateurs
Qu’est ce que tu as mis dans la valise ?
Qu’est ce que tu y as mis ?
Dans ma valise
la photo de mon père et de ma mère
et des fils de soie de mes grands - parents tisserands
Dans ma valise
des poèmes
une chemise en soie
et une serviette aux couleurs des drapeaux de mon pays.
Dans ma valise
un rasoir à moitié cassé offert par mon oncle
le t-shirt de mon premier boulot
Dans ma valise
une cafetière, une casserole
et un bracelet
Dans ma valise
une tasse
une bague
et un mortier qui sent le basilic.
Dans ma valise
un tambour, un accordéon
des chaussures, un livre de cuisine
et un masque de carnaval.
Ma valise, mon trésor.GIORGIO PUPELLA
Depuis sa création, la Compagnie Pupella-Noguès a réalisé de nombreuses créations de Théâtre de Marionnettes destinées aux adultes, comme aux enfants pour une rencontre des écritures contemporaines dans des dispositifs scénographiques insolites.
En interrogeant l’espace de la représentation, nous interrogeons le rapport à l’intimité que peut mettre en évidence l’objet marionnettique.
Provoquer l’espace du spectateur c’est provoquer l’espace entre la scène et le spectateur. Nos précédents spectacles se déroulaient dans des lieux non consacrés, imprévus où l’espace scénique englobait l’espace du spectateur lui donnant une place toute particulière, active, dans une intimité partagée lors de la représentation.
Cette expérience du vécu du spectateur est devenue une des bases de notre interrogation sur la dramaturgie du théâtre de marionnettes et sur sa représentation. C’est une recherche qui s’appuie sur la distance physique entre les corps, la lumière, le son, le temps et la matière : une recherche de la proximité.
Nous nous situons dans une constante exploration du théâtre de marionnettes dans le théâtre. Le théâtre de marionnettes est un théâtre d’hier grâce à sa longue histoire, mais il est résolument un théâtre contemporain.
Nous voulons prendre le risque d’être des passeurs, se situer au coeur de différentes écritures : écritures textuelles, écritures visuelles, écritures du mouvement pour une dramaturgie plurielle.
Odradek/Compagnie Pupella-Noguès, lieu-compagnie, situé en métropole toulousaine est le reflet de cette démarche. C’est un espace dirigé par des artistes à l’écoute d’autres artistes. Un lieu au service de la création, de la recherche et de l’expérimentation. C’est aussi un lieu de formation et de compagnonnage : accompagner de jeunes artistes marionnettistes sur leur projet de création, les amener à une insertion professionnelle de qualité.
Odradek / Compagnie Pupella-Noguès est conventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication / DRAC Midi-Pyrénées et par le Conseil Régional de Midi-Pyrénées, reçoit le soutien du Conseil Général de la Haute- Garonne, de Toulouse Métropole et de la Ville de Toulouse
JOËLLE NOGUÈS Direction artistique – Scénographie et mise en scène
C’est en 1979, à l’Université de Paris VIII, Arts Plastiques/Théâtre, qu’elle rencontre Hubert Jappelle et sa démarche sur le Théâtre et la marionnette. En 1980, elle étudie à l’école supérieure de marionnettes de Prague et est assistante du metteur en scène hongrois Gyula Urban. En 1984, Joëlle Noguès fonde avec Giorgio Pupella la Compagnie Pupella-Noguès, dans laquelle elle codirige les projets et signe les mises en scène et la scénographie. Depuis 2001, elle est chargée de cours à l’Université de Toulouse- Jean-Jaurès, Licence Arts du Spectacle et dirige des sessions de formation auprès de différents organismes.
GIORGIO PUPELLA Direction artistique - Marionnettiste
En 1978, il fonde le Teatro del Coccodrillo, le spectacle “Le storie del Sole e della Luna“ (1980) et participe à des nombreux Festivals en Italie, France, Hollande, Yougoslavie, Israël, Allemagne, Suède. Deux rencontres importantes marquent ensuite son parcours : le Théâtre d’Ombres, en 1982, avec Jean-Pierre Lescot, Meher Contractor et Quy Yongheng et le Théâtre Japonais (kuruma ningyo et bunraku) avec les Maîtres Nishikawa et Saito. Il publie : Teatro di marionnette a Genova (1979) et Teatro d’ombre (1992). En 1984, il fonde avec Joëlle Noguès la Compagnie Pupella- Noguès, dans laquelle il se consacre à l’écriture des projets et au jeu dramatique et marionnettique.
MANON DUBLANC Scénographie
Après un Diplôme de Design d'Espace à l'Ensad de Lyon et une formation de fabrication de masques de théâtre avec la compagnie Azur et les Aéroplanes, c'est auprès de Johanna Ehlert qu'elle construit ses premières marionnettes. Installée à Toulouse , Manon Dublanc approfondie son apprentissage de la marionnette auprès du Boustrophédon, du Blick Théâtre, de la Ménagerie, de Polina Borisova… et participe à différents évènements toulousain comme le Carnaval ou Toulouse en Piste et travaille sur les machines de la Cohorte d'Albin Warette et Philippe Geffroy. Elle participe régulièrement à la fabrication d‘accessoires et éléments de décor pour le théâtre.
NICOLAS CARRIÈRE Régie son
Régisseur son et passionné de musique improvisée, Nicolas Carrière multiplie les expériences avec toutes les interfaces du spectacle vivant, de son association avec le plasticien Claude Lévêque à ses collaborations suivies avec la compagnie Pupella Noguès. Il collabore régulièrement avec le Centre de création national de musique d’Albi/Tarn (GMEA).
CYRIL DEGUILHEM Régie lumière
Régisseur lumière depuis de nombreuses années, Cyril est de toutes les créations de la Compagnie Pupella-Noguès depuis 2005. Il a assuré également les régies et créations lumières pour d’autres compagnies (Mr Linéa, Falsatff-théâtre, A chaque corps un soupir, Théâtre du Grimoire). Ses pas de randonneurs l’ont également porté vers le Théâtre du Capitole à Toulouse et le Théâtre du Châtelet à Paris.
ROLAND SHÖN Regard complice
Roland Shön est un explorateur de l'imaginaire. Qu'on le dise marionnettiste, plasticien, comédien ne change rien à l'affaire. Dans d'autres pays, on l'appellerait attrapeur ou distributeur de rêves. Inclassable, depuis qu'il a fondé, il y a plus de vingt ans, sa compagnie du Théâtrenciel, il entend bien le rester. Les dernières créations de Roland Schön : Visites Obliques, 2001, Musées maison, 2002, Le Montreur d’Adzirie, 2005, Ni fini ni infini, 2008, Gyromances, 2010, Circulaire de service des instruments de mesure, 2011.