Ambra Senatore et le soleil italien sont de retour à DSN !
— Comme elle sait si bien le faire, c'est à partir d'une « scène mère » qu'Ambra Senatore a construit ce spectacle. Une phrase chorégraphique initiale, qui va se déployer, se déplacer, bifurquer, prendre vie dans les corps des sept interprètes. De séquences en séquences, le paysage s'installe, léger, inondé de soleil. Des personnages familiers et parfois intrigants le traversent, leurs gestes sont inspirés du quotidien mais ont traversé d'autres poésies. Les scènes sont transformées par des musiques, des bribes de texte, des références cinématographiques que nous sommes sûrs de connaître mais que nous ne pourrons pas nommer ou que nous nommerons différemment. La pièce fait appel à notre sens de l'observation, de la logique et de l'absurde.
— Entourée de ses six danseurs, Ambra Senatore nous invite à participer à un cadavre exquis ou à reconstituer un puzzle sans modèle. Quoiqu'il en soit, comme le rapporte Jean-Marc Adolphe, critique de danse : « " Regarder ", dit Ambra Senatore, "c'est assister à des petits bouts d'existences. C'est l'attention portée à ces moments et à ces détails furtifs qui permet d'ouvrir l'imaginaire. " Scena madre* cultive cette dynamique du regard, en insouciante et réjouissante liberté. »
« Avec son regard lucide et amusé sur les relations humaines de sa propre génération, Senatore se permet ici de faire la part belle à l'extraordinaire et à l'imaginaire. La dramaturgie est sa plus aboutie à ce jour, et sa plus complexe. Et pourtant on ne l'a jamais vu faire une pièce aussi sobre, aussi percutante et distillée. Pas l'ombre d'un temps mort, grâce à une dynamique double, savamment orchestrée, qui fait monter le suspense jusqu'au bout. » Thomas hahn, Danser Canal historique
Avec Matteo Ceccarelli, Lee Davern, Elisa Ferrari, Nordine Hamimouch, Laureline Richard, Antoine Roux-Briffaud, Ambra Senatore. Lumières Fausto Bonvini. Musique originale Jonathan Seilman. Conception sonore Jonathan Seilman et Ambra Senatore. Costumes Louise Hochet assistée de Noémie Parsy. Regard extérieur Caterina Basso, Claudia Catarzi, Giuseppe Molino, Barbara Schlittler.
Production CCNN. Coproduction Le Théâtre de la Ville – Paris, Le lieu unique scène nationale de Nantes, la Maison de la Musique de Nanterre. Soutiens Le CNDC – Angers, la Fondazione Piemonte Dal Vivo, TU – Nantes scène jeune création et émergence. Le Centre Chorégraphique National de Nantes est subventionné par l'État – Préfet de la région Pays de la Loire – Direction Régionale des Affaires Culturelles, la Ville de Nantes, la Région des Pays de La Loire et le Département de Loire-Atlantique.
© photo : Laurent Philippe
La dynamique d'un cadavre exquis
Scena madre*. Faudrait-il entendre ce titre comme équivalent italien d'une « scène primitive » chère aux psychanalystes, à la suite de Freud qui qualifia ainsi le fait pour un enfant de voir ou de fantasmer le rapport sexuel entre ses parents ? Fausse piste : les secrets enfouis de la libido ne sont pas franchement au cœur du travail d'Ambra Senatore. Mais Freud, sur le chemin qui le conduisit à élaborer cette notion de « scène primitive » (en 1918, dans L'Homme aux loups), eut l'intuition que des choses entendues ou perçues dans l'enfance pouvaient constituer une énigme constitutive de la personnalité. Un tel pouvoir suggestif de l'énigme, ici débarrassée de tout caractère traumatique (même si affleurent des peurs, et quelques moments de panique contagieuse, souvent drôles), traverse la création d'Ambra Senatore.
En italien, « scena madre » désigne plutôt la scène principale d'un film, au cours de laquelle l'intrigue se révèle parfois. Traduisons plutôt, littéralement, scena madre par « scène mère », une expression qui n'existe pas en français mais reflète très fidèlement la proposition chorégraphique d'Ambra Senatore. La séquence initiale du spectacle ne cesse en effet d'en être le leitmotiv, chaque fois complété de nouveaux indices textuels et musicaux, repris et recomposé au gré d'assemblages plus ou moins fortuits, et de nouvelles bifurcations de sens. La répétition est chaque fois surprise par de nouveaux agencements. Une forme de narration s'installe peu à peu. Totalement elliptique au début, elle ne repose d'abord que sur des présences qui vont et viennent au plateau, se croisent sans vraiment se rencontrer, dans un silence ponctué de lointains échos sonores. Le mouvement n'est pas, pour Ambra Senatore, objet d'une virtuosité spécifique, il est flux de situations mises en commun dans la virtualité d'un espace. Contrairement à Pièces (2016), sa précédente création, qui figurait en quelques éléments scénographiques le cadre d'un intérieur domestique, Scena madre* ne repose sur aucun objet immédiatement tangible. La scène, vide, devient alors la seule matrice de tous les engendrements possibles.
La toute première séquence, on l'a dit, ne repose que sur le mouvement. Après un cut (noir plateau), la même scène semble se répéter à l'identique. Mais fuse une première phrase, puis d'autres, qui commencent à donner aux gestes une consistance furtive. On croit alors reconnaître des signes empruntés à tel ou tel film (un univers plutôt hitchcockien, qui cultive une part de suspense) ; impression renforcée par des nappes musicales que l'on croit aussi reconnaître, sans parvenir à les identifier très nettement.
A la façon d'un collage dadaïste, Ambra Senatore et les six interprètes qui l'entourent composent un univers qui pourrait sembler totalement décousu, où se rencontrent les fantaisies les plus disparates, mais tout au long du spectacle, le subtil entrelacement du mouvement et de bribes de textes relance l'énigme sans que jamais ne s'égare un fil mystérieux. Avec Scena madre*, l'absurde et la logique font très bon ménage, dans un jeu compositionnel très alerte, qui tient à la fois du cadavre exquis, de la charade et du rébus.
Tableau en incessant mouvement, la danse ne produit pas d'image globalisante. « Regarder », dit Ambra Senatore, « c'est assister à des petits bouts d'existences. C'est l'attention portée à ces moments et à ces détails furtifs qui permet d'ouvrir l'imaginaire. » Scena madre* cultive cette dynamique du regard, en insouciante et réjouissante liberté.
J. M. Adolphe
Dans un espace-temps fragmenté où les lieux et les évènements se succèdent, 7 danseurs explorent, autour d'une même action, le jeu de nos relations humaines. Répétition de gestes, dialogues anodins, contresens, effets de zoom s'entrechoquent ici joyeusement pour nous orienter sur les infimes détails de notre expérience la plus commune, la plus banale : vivre avec les autres. Avec humour et légèreté, Scena Madre* nous parle de partage et de la diversité précieuse de chacun.
Dynamique dansée et images de vie
Cette pièce sera très dansée, très dynamique. Des incursions d'images de vie apparaîtront et disparaîtront soudainement dans le flux du mouvement dansé, comme des focus, des zooms d'une loupe au milieu de la foule : une loupe qui suspendrait le temps sur des rencontres dans l'activité pulsante et continuelle de l'humanité.
Comme au cinéma
Comme si elle était mise en évidence par le zoom d'une caméra, une courte scène de base émergera du mouvement à plusieurs reprises. Je voudrais ici affirmer de manière plus consciente, l'approche cinématographique présente de manière non volontaire dans mes créations depuis quelques années. La référence au cinéma sera cette fois plus directe et assumée, vu que le désir moteur pour cette création arrive d'une image très cinématographique. Je ne travaillerai pas sur des citations de film en particulier, mais sur un traitement de l'image et du son comme si la scène était un écran.
La scène mère qui nous concerne tous
La courte scène de base (scena madre) sera probablement une même action, qui se répétera, toujours pareille et toujours différente. L'action de base, la courte série de mouvements de cette scène, se répétera également, mais les personnages, la couleur de la rencontre, sa suite, varieront et donc cette scène sera porteuse de beaucoup d'histoires différentes - ou plutôt de fragments d'histoires différentes. Cette scène, transposée dans différentes lieux et événements, avec plusieurs épilogues possibles, sera le prétexte pour parler de l'humain, de la vie, du partage, de ce que nous avons tous en commun, même dans la diversité précieuse de chacun.
Ambra Senatore
Le jeu des relations humaines
La question du partage et de la rencontre constituent pour moi les éléments essentiels du spectacle vivant. Créer c'est avant tout générer les occasions d'une relation, entre la scène et la salle, entre les collaborateurs d'un même projet. L'humain traverse toutes mes pièces. Je cherche une danse qui rencontre les gens et propose une relation d'humanité, laissant place à la fragilité, au doute, au sens critique, au partage et à l'humour. La présence simple, vivante, directe des danseurs sur scène créée d'emblée une complicité avec la salle, une relation concrète avec le spectateur. Cette relation humaine se prolonge naturellement dans des temps dédiés aux échanges, aux ateliers, aux actions destinées à diffuser largement la culture de la danse. Ces temps ont pour moi le même poids et la même importance que ceux de la création et de la représentation.
Une gestuelle emprunte de quotidien
Ma danse s'inspire de la vie; je pique des gestes simples et des mouvements du quotidien, je les déplace de leur contexte. Les détails puisés dans la réalité - les lieux publics, la rue, les sons, les mouvements des gens dans un bus, les gestes qu'on se passe de génération en génération constituent mon inspiration première. Je ne les transforme pas, mais je les change de place, avec un effet grossissant. J'ai l'impression que cette référence au quotidien amène une proximité avec le spectateur. Ce qui se passe sur scène résonne en lui comme quelque chose de familier où il peut déceler un décalage, une dérision.
Des images en mouvement, entre fiction et réalité
Pour autant, je ne pars jamais d'une thématique précise pour créer une pièce, mais plutôt de suggestions. Souvent le moteur d'une création est la nécessité profonde et simple de donner corps à une image qui m'habite. De ce matériau premier, malaxé avec les danseurs dans un état de grande disponibilité, naît, petit à petit, une forme plus ample, une structure. Mon travail se construit à la frontière entre fiction et réalité, j'aime jouer sur cette limite, qui déjoue parfois les attentes. Je fournis des indices, qui se dévoilent petit à petit, j'accumule des couches, des répétitions, qui vont construire ce que j'appelle une dramaturgie, un sens unitaire qui dépend plus de la composition que d'une thématique. Je demande pour cela aux spectateurs de jouer avec nous, d'avoir un regard actif ; nous collaborons.
Une dimension théâtrale et cinématographique
Il existe donc une dimension théâtrale dans mon travail, mais c'est du corps que tout part. Je fais confiance au mouvement, à la force et la beauté qu'il dégage, qui est de l'ordre de l'indicible. Même si les mots surgissent parfois, je ne suis jamais dans l'explicite. Je souhaite que le spectateur ait sa propre trame interprétative, son propre imaginaire, malgré les indices et traces que je sème. C'est une sorte de puzzle que chacun peut recomposer à sa manière. Sans pour autant désirer une recomposition fermée par chacun. Ma danse tisse un lien fort avec la photographie et le cinéma, la construction du cadre. Tel un cinéaste, je m'emploie à diriger le regard du spectateur, à jouer du montage, à construire l'espace et le temps. Dans toutes mes pièces, j'essaie de situer ma danse à cet endroit ténu entre la construction de l'action, la fiction déclarée par le jeu et dans la répétition, et la vérité de la présence.
Un focus sur nos modes de vie, avec humour et légèreté
Avec toujours l'idée d'un rapport très direct avec le public, l'humour et la légèreté sont là, même si faire sourire n'est pas mon but premier. Cette manière d'explorer le côté drôle des choses fait partie d'une approche de la vie. Mon travail est également traversé par des aspects plus graves, mais de manière secrète, peut-être par pudeur, par respect. Il y a encore beaucoup de bonheur et bien des pistes à parcourir dans ce voyage qu'est la création.
Parcours
Chorégraphe et performeuse, Ambra Senatore est née à Turin en 1976. Elle se forme avec différents chorégraphes. Elle collabore ensuite avec Jean-Claude Gallotta, Giorgio Rossi, Raffaella Giordano, Georges Lavaudant (Théâtre de l'Odéon, Paris), Roberto Castello, Antonio Tagliarini. Parallèlement à son travail d'interprète, elle commence à créer des pièces en collaboration avec d'autres auteurs dès 1998 avec Reminda-remoda, Un po'io un po'tu (1999) Silenzio (2002).
A la suite de son doctorat sur la danse contemporaine (2004), elle enseigne l'histoire de la danse à l'université de Milan et publie un livre sur la danse contemporaine italienne (éditions UTET, Torino, 2007).
Entre 2004 et 2009, Ambra Senatore poursuit ses recherches chorégraphiques sur des soli qu'elle interprète : EDA-solo, Merce, Informazioni Utili, Altro piccolo progetto domestico, Maglie et commence à être diffusée régulièrement en France, notamment aux Hivernales d'Avignon.
Elle crééra par la suite les pièces de groupes : Passo (2010), A Posto (2011) et John (2012). En 2012, elle fonde la Compagnie EDA basée à Besançon. En 2013, elle chorégraphie et met en scène Nos amours bêtes, pièce jeune public à partir du texte de Fabrice Melquiot. En 2014, elle crée Aringa Rossa et le solo In Piccolo. Puis, en 2015, la série performative Petites Briques et une nouvelle pièce jeune public Quante Storie en miroir avec Loïc Touzé, dans le programme « Au pied de la lettre » porté par le Gymnase-CDC de Roubaix et le Cuvier CDC d'Aquitaine.
En janvier 2016, Ambra Senatore prend la direction du Centre Chorégraphique National de Nantes, imaginant un lieu où créer, pratiquer, expérimenter et partager. Un havre où la danse est perçue comme proche, accessible à tous. Pièces (2016), spectacle à la croisée du théâtre et de la danse, est sa première création en tant que directrice du CCNN.
Entre danse, théâtre et art visuel, le travail de Ambra Senatore explore la frontière entre fiction et réalité, sur ce qui appartient à la mise en scène et ce qui est en dehors. Elle travaille sur la dynamique du mouvement dansé nourri d'éléments de théâtralité, d'actions et de gestes quotidiens, en explorant la construction d'une dramaturgie qui passe par l'action et la présence des corps.
La parole traverse ce spectacle de danse d'Ambra Senatore, chorégraphe et performeuse italienne, également directrice du Centre chorégraphique national de Nantes. Elle est sur scène avec six autres danseurs pour composer cette Scena Madre (la scène mère), une forme originale qui appuie et reproduit les gestes, qui laisse fuser les phrases (ce n'est pas si fréquent dans la danse contemporaine) et qui, s'inspirant du quotidien, est aussi dans une tentative de narration intéressante. Alors que les situations se répètent en boucle, l'écriture chorégraphique est fluide, rieuse, joueuse. On court, on recule, on s'incline pour éviter une branche imaginaire, on quitte la scène, on revient... Le rythme est soutenu, modifié par une claque sur l'épaule de l'un des danseurs. "L'odeur de votre cigare vous trahira toujours Spencer" Quelques phrases reviennent en refrain envoûtant pour composer ce qui pourrait être une enquête policière autour de la disparition d'un tableau. Mais pas seulement. Rare est aussi la manière dont l'humour s'invite dans la pièce, avec un duel, une scène de folie et un délire autour de murs en épluchures de pommes de terre bio. La Provence
Reste tout de même à Scena Madre* cette espièglerie très Oulipo, typique des pièces d'Ambra Senatore (elle est en cela tout à fait à part dans le champ de la danse). Et l'atmosphère de plateau de tournage fantasmatique qu'elle parvient à créer, avec fantômes de néoréalisme italien, humeur Nouvelle Vague ou flashs de nanars, raconte par instants des histoires passionnantes : sur la perception du monde à l'heure du règne des images. Notamment sur la façon dont la vie copie le cinéma et non l'inverse, dont notre cerveau rejoue à l'infini des scènes de fiction, les imprime en surimpression façon réalité augmentée, sur des fragments de vie quotidienne - transformant la moindre engueulade entendue dans la rue en drame de Fellini. Libération
Le septième art affleure dans des sons furtifs évoquant différents genres, du western au film policier en passant par l'épouvante et la romance, mais aussi via les scénettes convenues, fragments de vie quotidienne dramatisés, qui sont parodiées sur scène. L'humour est en effet une autre dimension essentielle de la pièce, une caractéristique qu'Ambra Senatore explore depuis la création de son premier solo en 2004. Le rire permet d'"amener une certaine distance", "dire quelque chose de tragique mais l'observer de loin", selon elle. Il participe aussi de ce joyeux mouvement sans cesse renouvelé de "Scena madre", dans lequel rien ne paraît définitivement figé. Le Point
Rire, absurdité, intensité… Ambra Sena-tore et ses danseurs jonglent avec les émotions, les rythmes, pour une pièce en forme de condensé énergétique, presque cinématographique. Peut-être en lien avec l'essai de Giovanna Grignaffini, La scena madre (2002), sur la composition des scènes-clefs, par genre, dans le cinéma. Scena madre* d'Ambra Senatore : un spectacle fragmenté, multiple, enlevé. (…) Sorte de cadavre exquis rapide et rythmé, Scena Madre* emporte la salle dans son sillage. Décor épuré, sinon vide, la lumière, la musique et les danseurs sont ceux qui font naître les évocations de situation. Esquisses incertaines, fulgurantes, drôles, floues, pointues… La chorégraphe Ambra Senatore sculpte l'attention, les mouvements de focale. Paris-Art.com
Pour cet hommage au cinéma, Ambra Senatore a réuni autour d'elle une troupe qui excelle autant dans le jeu d'acteur qu'en danse, et parfois même en chant. Il faut aussi souligner leur énorme travail de mémorisation, car le ballet des « scènes-mère » ressemble à un kaléidoscope qui tourne. Plus le spectateur s'amuse, plus l'interprète risque de perdre le nord. Danser Canal Historique