Archives DSN

saison 2018/2019

JEU 20 DÉCEMBRE 20H
durée 2h
SPECTACLE COMPLET
GRANDE SALLE
tarif A
THÉÂTRE
dès 10 ans

AUTOUR DU SPECTACLE
scène ouverte

séances scolaires jeu 20 déc 14h.

Le Malade imaginaire

TEXTE MOLIÈRE
MISE EN SCÈNE MICHEL DIDYM
LA MANUFACTURE, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL NANCY LORRAINE

 

Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies.

Veuf, Argan, petit bourgeois, se croit malade alors qu'il est en parfaite santé. Il prend toutes sortes de remèdes, dispensés par des médecins improbables, et reçoit les soins de sa nouvelle femme, Béline, qui en réalité n'attend que la mort de son mari pour pouvoir hériter. Angélique, sa fille, aime Cléante au grand dépit d'Argan qui préférerait la voir mariée à un médecin. Pour les tirer d'affaire, Toinette, la servante, va mettre en place un stratagème…

Michel Didym s'attaque pour la première fois à un classique en mettant en scène l'œuvre testament de Molière. Si les costumes sont d'époque, la mise en scène et le jeu des comédiens sont résolument contemporains, révélant toute la profondeur et la modernité de la pièce de Molière. Il y est question de corps et d'argent. Ne sont-ce pas là des préoccupations bien de notre temps ? On ressent dans l'écriture de l'auteur sa pensée politique, sa vision humaniste et féministe par l'importance qu'il donne au rôle de Toinette, femme impertinente et intelligente, sorte de Sganarelle au féminin. On rit mais on est surtout frappé par la clairvoyance des propos de Molière qui soulignent la folie humaine.

 

« La pièce est un chef-d'œuvre et l'on rit beaucoup, même si Didym tient à la noirceur d'une comédie farcesque qui est pourtant d'essence tragique. La musique tient une grande place dans la représentation et les scènes comiques sont irrésistibles. » Le Figaro

Avec Michel Didym, Agnès Sourdillon, Sara Llorca, Catherine Matisse, Bruno Ricci, Jean-Marie Frin, Laurent Prache, Didier Sauvegrain, Adèle Jacomo et Rose Pariaud (en alternance). Musique Philippe Thibault. Scénographie Jacques Gabel. Lumières Joël Hourbeigt. Costumes Anne Autran. Assistante à la mise en scène Anne Marion-Gallois. Chorégraphie Jean-Charles Di Zazzo. Maquillage et perruque Catherine Saint Sever. Enregistrement et mixage musique Bastien Varigault. Avec le Quatuor Stanislas : Laurent Causse, Jean de Spengler, Bertrand Menut, Marie Triplet. Modiste Catherine Somers. Couturières Liliane Alfano, Éléonore Daniaud. Réalisation des costumes Ateliers du Théâtre de Liège / Séverine Thiébault. Construction du décor Ateliers du Théâtre National de Strasbourg, Ateliers du Centre Dramatique National Nancy Lorraine.

Production Centre Dramatique National Nancy – Lorraine La Manufacture, TNS – Théâtre National de Strasbourg Théâtre de Liège, Célestins Théâtre de Lyon.

© photo : Serge Martinez, Éric Didym

Site de la compagnie


- Mais enfin, venons en aux faits. Que faire donc, quand on est malade ?
- Rien, mon frère
- Rien ?
- Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature d'elle même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C'est notre inquiétude, c'est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies.

Cette phrase de Beralde, le frère du malade, que j'ai lue sur mon lit d'hôpital, a produit sur mon esprit une impression très forte et a immédiatement déclenché une profonde passion pour cette ultime comédie-ballet de l'auteur de Tartuffe et du Misanthrope. Il y avait aussi cette idée qu'il est totalement incongru qu'un homme puisse vouloir en guérir un autre. Que ce serait là une folie, une « momerie ». Tout m'a mené à l'origine de cette pensée, à Montaigne et ses Essais et à son magnifique Voyage en Italie.

Puis, le temps et la nature aidant à raccommoder corps et esprit, décision fut prise de s'attaquer à ce monument de la littérature mondiale !

L'auteur ne le sait pas encore, mais c'est son oeuvre testament. Il y met tout son art et tout son savoir-faire, développés dans la fréquentation assidue des dramaturgies anciennes et des comédiens italiens.

La brouille avec Lully, le musicien ami, complice depuis 10 ans de collaboration, s'est transformée en guerre. Lully a désormais l'exclusivité royale pour les orchestres et les chanteurs et Molière devra réduire sa volonté d'opéra à de simples intermèdes.

Mais dans l'action de sa pièce, nul ne lui dicte sa loi. Sa langue et son esprit sont au sommet et il dépasse cette filiation de pensée avec Montaigne en inventant, un piège où la captation d'héritage (où l'on veut envoyer les filles du premier lit au couvent) se mêle à un mariage forcé avec un médecin. Car le père Argan, notre malade, est une sorte de fou. Il met sa fortune et sa passion dans la pharmacie, la médecine et les soins permanents à sa personne. Il veut des infirmières et des docteurs autour de lui. D'autres, en voyant arriver l'âge et la peur de la mort, ont tendance à se réfugier dans la religion comme si leur soudaine bigoterie pouvait leur ouvrir les portes du paradis. D'autres encore se surprotègent et accumulent en vain des précautions inutiles : ils vont jusqu'à ajouter à leur prison physique des camisoles mentales limitant leurs pensées et restreignant l'usage de leur raison au nom de leur santé. Ils perdent le sens de la vie et de l'humour.

« Oui, nous rions beaucoup car très souvent nous avons envie de pleurer » déclarait Georges Wolinski. C'est vrai qu'il faut beaucoup d'humour dans la vie et de la distance, il faut en toutes circonstances rester droit et éveillé.

C'est debout que Molière termina la 4ème représentation du Malade en ce février 1673. Dans sa loge du Palais Royal, sa grande fatigue et le sang qu'on avait vu jaillir de sa bouche lors des derniers « juro » de la cérémonie finale, le poussa à demander une chaise à porteur pour rentrer chez lui et ne pas finir cette fatale nuit.

Il en fallu du courage à Jean-Baptiste Poquelin pour porter haut ce nom de Molière que les persifleurs et les dévots fondamentalistes de la congrégation de Jésus avaient traîné dans la boue, l'opprobre et l'excommunication, lui qui faisait rire des faux dévots et des intégristes de tout bord.

Il en fallait de l'aplomb pour s'attaquer à la faculté de Médecine réactionnaire de Paris et soutenir les thèses des modernes de celle de Montpellier tout en étant ce même malade.

La pensée politique de Molière transparaît aux charnières de chaque scène. Sa vision humaniste, sa confiance dans notre intelligence développent un sens critique aigu dans nos consciences et nous offrent des clés pour démasquer les impostures et savoir discerner la raison du sophisme.

Mais Molière ne serait rien sans sa troupe, il a écrit des rôles savoureux et magnifiques autour d'Argan : pour la femme Béline et les filles Angélique et Louison ; pour Diafoirus et Monsieur Purgon. Surtout, il fait de Toinette la servante, un Sganarelle au féminin sachant mêler mauvaise foi, impertinence et intelligence n'ayant rien à envier à ces Messieurs. Les paroles de Molière contre le mariage forcé sont limpides. La place naturelle qu'il donne à la Femme dans la société, en en faisant l'égale de l'Homme, ouvre le long chemin de combats à venir.

S'il est vrai que « le silence de l'artiste est la fin de la liberté », écoutons simplement la parole de Molière.

Michel Didym


Dans un moment de vertige fameux Le Malade imaginaire est représenté pour la première fois au Théâtre du Palais royal, le 10 février 1673. Le 17 février Molière meurt sur scène.

En 1671 paraît L'Arrêt burlesque. Sous la plume ironique de Racine, Boileau et Bernier L'Arrêt « fait défense au sang d'être plus vagabond, errer et circuler dans le corps, sous peine d'être entièrement livré et abandonné à la Faculté de médecine ». Dans la France de cette deuxième moitié du XVIIème siècle se joue une bataille d'une grande violence, celle des circulationnistes contre les anti-circulationnistes. « Non et non » dit la médecine officielle à l'encontre des récentes découvertes, « le sang ne peut pas circuler, y a rien à voir ! ».

Comme toujours Molière n'a pas froid aux yeux et se lance dans le débat public avec le panache d'un rire qui fait mouche. Il sait de quoi il parle : tuberculeux et dépressif chronique, il avait pu mesurer combien l'action des médecins était bien souvent un pur cérémonial où un latin de cuisine arrogant masquait les opinions les plus rétrogrades et les plus obscurantistes dans une superstition des plus crasses. Molière est au faîte de son art qui fait du théâtre le lieu où sont démasqués les pièges du langage. Il n'a plus rien à perdre si ce n'est la vie et il invente un théâtre du corps plein d'humeurs et de gaz, propulsant sur la scène, bien avant l'Ubu d'Alfred Jarry, une joyeuse scatologie.

Régressif, puéril et maniaque, Argan, sur son siège percé est comme un enfant qui trépigne dans son berceau et qui flirte avec la mort. « N'y a-t-il pas quelque danger à contrefaire la mort ? » dit la réplique la plus célèbre. Du temps de Molière comme dans la France d'aujourd'hui championne de l'usage de médicaments, l'hypocondrie est une disposition mentale, un théâtre intérieur, une représentation. Et nous affirmons aujourd'hui avec Molière, à une époque où les idées sont pleines de miasmes, que le rire est bien le pansement de l'âme.

Au ciel qu'invoque Orgon, à la qualité dont s'enivre Jourdain, Argan substitue le culte de ses entrailles. Penché sur son corps, il s'exhale à la lubrification de ses artères. La matière l'accapare. Dernière incarnation du fatum comique, la médecine, qui est l'illusion par laquelle le corps s'immortalise, trouve en Argan le répondant absolu de ses prétentions, l'OEdipe voué à la furie aveugle de ses lavements. En bonnet de nuit, en mouchoir de cou, en camisole, il consent à vivre sur sa chaise, dans sa chambre, baignant dans le miasme de ses drogues et de leurs conséquences, condamné au régime de la saignée et du clystère. Pour prix de se savoir sous la protection de l'auguste Faculté, il se soumet à n'être qu'un sac à vider de sa bile et de son sang. La santé l'effraie autant que la mort. Ce corps passé au rang d'objet de culte, devenu matière à méditation, se charge de mystère, s'auréole de terreurs.

Il n'est plus ce compagnon qui va de l'avant, sur lequel l'âme s'appuie avec confiance. Un médiateur désormais s'impose et le voilà qui se dresse dans toute la gravité, dans toute la pompe de son sacerdoce : Monsieur Purgon. L'évacuation des humeurs est le principe et la fin de son ministère. Qui croit aux corps ne se persuade que de ce qui est visible : il n'est donc que juste qu'il consente à ce qu'on le lui vide de tout ce qu'il contient.

La solitude d'Argan porte ainsi le masque d'une préoccupation indécente de lui-même, – dont l'indécence est cruellement soulignée par le comique – qui le voue à l'amour de soi dans la fécalité. Il s'étonne presque de ne pas voir partagée cette nauséabonde sollicitude :
Argan. — Allons, il faut en passer par là. Ôte-moi ceci (Argan se lève de sa chaise.) Mon lavement d'aujourd'hui a-t-il bien opéré ?
Toinette. — Votre lavement ?
Argan. — Oui. Ai-je bien fait de la bile ?
Toinette. — Ma foi ! Je ne me mêle point de ces affaires-là : c'est à Monsieur Fleurant à y mettre le nez, puisqu'il en a le profit. (A I, Sc 2).

Marcel Gutwirth, Molière ou l'invention comique, Ed. Minard.

illustration de Molière

Dans le décor le plus baroque, dans la mascarade la plus folle et jusqu'au coeur du grand cérémonial, qui emprisonne à jamais Jourdain et Argan dans leur délire de déguisement, Molière n'oublie pas de glisser le petit homme qui rappelle l'homme à sa vérité d'homme. Son Prospero, son Figaro s'appelle Scapin, un de ses derniers rôles, qui manipule à vue sur les tréteaux de la comédie moliéresque. Faisant de la vie un jeu, il en fait un aussi de la mort, de sa mort, et c'est le même. Molière joue à en mourir, il joue jusqu'à la mort et jusqu'à ce que la mort le joue. « Singe de la vie, singe de la mort ». Shakespeare côté cour, Molière, côté jardin, la vie est une tragédie burlesque et une comédie triste, deux places vides à l'entrée où le théâtre occidental fait parade pour attirer le public. À la fin des comédies de Molière, les acteurs sortent de leur personnage et l'auteur s'arrange pour que toute la troupe soit là pour saluer le public. Molière fait la harangue en costume de Sganarelle. Son rôle commence et finit par ce contact direct avec le public, par l'improvisation et la parole vivante.
Mais le temps emporte les débris et le théâtre, lieu de l'éphémère, cède au vertige du temps. Lequel trahit mieux le théâtre : le comédien qui l'engloutit dans l'éphémère du jeu jusqu'à en mourir, ou l'écrivain qui lui confère la fausse éternité de l'écriture ? Molière fut les deux. Où est le vrai Molière ? Le jeu sans l'écriture s'abolit dans l'instant qui passe. L'écriture sans le jeu s'empoussière dans les éditions rares et part en morceaux dans les livres de poche.
Dans une culture où la notion de tradition théâtrale n'a jamais existé, nous ne gardons jamais que la part écrite. La part du texte. L'écrivain Molière est éternel, mais qu'est-ce que l'écrivain Molière sans le comédien dont le temps a dispersé les débris, dissous les gestes, effacé les mimiques, aboli la prodigieuse présence ? Peut-être est-il malgré tout caché quelque part dans le texte, prisonnier magique de l 'écriture, comme Ariel de son arbre et c'est le génie des Prospero de la fête théâtrale de savoir l'en libérer pour quelques soirs.
Autrement, les cendres de Molière flottent dans l'air de Paris comme une chanson des rues, la romance d'Alceste à la grand-ville, un air d'accordéon, une plainte d'orgue de Barbarie qui rejoint Villon et Prévert.

Alfred Simon, Molière qui êtes vous ? Ed. La Manufacture.

Molière - Fils de Jean Poquelin et de Marie Cressé. Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris en janvier 1622.
Il est baptisé le 15 janvier en l'Église Saint-Eustache. Son père tient une boutique de tapissier et il obtient en 1631 la charge de « tapissier valet de chambre » du roi Louis XIV. Jean-Baptiste a dix ans lorsque sa mère meurt en 1632.
En 1636, Jean-Baptiste devient élève du Collège de Clermont. Il rencontre Madeleine Béjart en 1642 à Narbonne où il a suivi Louis XIII.
1643 : fondation de L'Illustre théâtre.
1644 : première signature de « Molière ».
1645 : prison pour dettes et dispersion de la troupe.
1648 à 1658 : tournées (Nantes, Angoulême, Poitiers, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Lyon, Vienne…).
Le 18 novembre 1659 est créée la première grande pièce écrite par Molière, Les Précieuses ridicules.
1664 : Louis XIV est le parrain du fils de Molière, Louis. Tartuffe est interdit.
1665 : Dom Juan.
1666 : Le Misanthrope.
1670 : Le Bourgeois gentilhomme.
1671 : Les Fourberies de Scapin.
1673 : 10 février Le Malade imaginaire. 17 février Mort de Molière. 21 février Inhumation nocturne.

illustration

Le chœur chante « Vivat , vivat, vivat, vivat, cent fois vivat ! ». Les médecins tournent autour de lui comme des rapaces. Nous sommes le 17 février 1673, au théâtre du Palais Royal Molière et sa troupe parviennent au terme de la quatrième représentation du Malade imaginaire. Molière, depuis le matin est sujet à de violentes quintes de toux, une fluxion de poitrine qui accompagne la tuberculose qu'il a contractée il y a huit ans. Il est arrivé fatigué au théâtre et a tenu son rôle, coiffé du bonnet d'Argan, un personnage énorme qui ne quitte pratiquement pas le plateau durant toute la représentation. Molière a du mal à se retenir de tousser. Dans le finale de sa dernière pièce, peut-être son chef-d'œuvre, il triomphe, la pièce est un succès. Un cortège de médecins, croque-morts à chapeaux pointus, l'entraînent dans une intronisation délirante au titre de docteur. Il reçoit une improbable extrême onction, sidérante, proférée dans un latin grotesque. Le public rit et applaudit une toux exécutée avec un tel accent de vérité. Mais ceux qui le connaissent bien comprennent qu'il doit faire un effort surhumain pour tenir son rôle.

« N'y-a-t-il pas quelque danger à contrefaire le mort ? », s'amusait-il à demander dans l'acte III, scène 11. Oui, Molière malade joue Argan, un malade qui n'est pas vraiment malade qui s'imagine être malade mais va jouer à être mort, révélant ainsi la duplicité de sa femme et les bonnes intentions du gendre dont il ne voulait pas. Il est en train de jouer à faire semblant de mourir mais là, ce n'est plus du jeu, après des années de tournée à travers la France avec des arrêts à Pézenas, à Lyon, et à Rouen où il fréquenta Corneille. Si le théâtre est l'art de l'éphémère, c'est aussi l'art du précaire pour ceux qui l'exercent et l'équilibre financier n'est jamais très stable. C'est la vie du théâtre. Tout ne tient qu'à un fil, toujours.

Molière avait connu la prison pour dettes mais avec le succès, ça s'était arrangé, il avait pu emménager dans un hôtel particulier de la rue Richelieu. Il n'avait ni chevaux ni carrosse mais pouvait s'offrir une chaise à porteurs. L'année 1672 est marquée par la mort. Madeleine Béjart, morte le 17 février. Molière avait fondé avec elle L'Illustre théâtre en 1643. Il s'était marié avec Armande Béjart et elle allait accoucher.

Le petit Jean-Baptiste ne vécut que dix jours. L'un des piliers de la troupe, Marie Ragueneau accoucha de deux jumelles qui moururent aussitôt. Son grand ami Jacques Rouhaut, mort également, François La Mothe Le Vayer avec lequel il partageait beaucoup, de même.
Le complice avec qui il inventa l'opéra, Lully, intrigue maintenant contre lui. Il obtient le monopole des concerts à la cour et, pour Molière, la disgrâce du roi. Plus possible de jouer à Versailles. Mais Molière ne se laisse pas abattre, il commande la musique à Marc-Antoine Charpentier avec qui il avait déjà collaboré sur La Comtesse d'Escarbagnas et monte la pièce au théâtre du Palais Royal.
Immédiatement après la représentation, Molière est conduit chez lui en chaise à porteur et sa toux provoque l'explosion d'une artère. Le sang l'étouffe.

Molière savait mieux que ses médecins où la tuberculose le conduirait : à la fin, à ce « rideau ! » derrière lequel il n'y a rien. Rien et tout à la fois. Rien qu'un corps mortel qui s'éteint, son effacement et sa dispersion. Tout le théâtre, tout son monde et son idée d'un théâtre du monde comme Shakespeare, aussi, autrement, un peu avant. Les médecins nécrophiles qui exécutent un rituel macabre autour de ce malade imaginaire et pourtant bien réel ont eu raison de l'homme Molière, prostré sur son fauteuil comme le monument qu'il deviendra, embaumé.

Trois actes ont suffi pour l'œuvre de sa vie. Sa vision d'un monde qu'il met sur la scène comme nul autre avant lui alors que la tragédie française est au faîte de sa gloire, pleine de rois hagards et de princesses perdues, de demi-dieux et de héros qui s'abîment. Corneille et Racine accompliront ce registre avec génie. Mais avec Molière, ça se passe dans la rue, à un carrefour, ou bien dans un de ces salons bourgeois dans lesquels s'exerce la tyrannie paternelle et où se règlent les comptes de cette nouvelle classe sociale prospère, cette bourgeoisie dont lui-même est issu. Il traite de métaphysique et du trivial, du social et du politique. Il est l'un des premiers féministes qui donne aux femmes la parole pour des revendications fortes. L'Angélique de George Dandin : « Je prétends n'être point obligée à me soumettre en esclave à vos volontés, et je veux jouir, s'il vous plait, de quelques nombres de beaux jours que m'offre la jeunesse. » Des mariages arrangés, des hommes fous, rongés par leurs obsessions, des amoureux empêchés et des femmes contraintes, comme Toinette, la servante du Malade, à déployer leur intelligence avec ruse.

Angélique a le droit de choisir entre le mariage forcé et le couvent. Toinette résiste :
Argan. — Je ne suis point bon, je suis méchant quand je veux.
Toinette. — Quand un maître ne songe pas à ce qu'il fait, une servante bien sensée est en droit de le redresser.
Argan. — Chienne !

Molière met sur la scène sa propre vie et la vie de sa troupe. Il y a de lui dans tous ses personnages, Dom Juan, Alceste le misanthrope, Scapin le facétieux, Sganarelle le questionneur, et les monstres Harpagon, Orgon et Argan. Il démasque dans Tartuffe l'hypocrisie des puritains intégristes de la sinistre Compagnie de Jésus. Au grand théâtre de la Cour, il sait ménager et entretenir les appuis nécessaires qui le sauveront in extremis des cabales violentes dont il est l'objet.

À la fin, avec ce Malade, il revient au début, à son enfance quand son grand-père l'amenait assister aux théâtres de tréteaux sur le Pont-Neuf. Il retrouve la rudesse de la farce la plus scatologique, ce théâtre des entrailles, des flatulences, des pets et ses dissertations sur la plus ou moins grande fermeté de la merde. Il se souvient des acteurs italiens qui excellent en un genre où le théâtre est poème du corps et de l'espace, la Commedia dell' Arte.

Mais dans Le Malade, Polichinelle est fatigué et mélancolique. Roué de coups, il se fait détrousser et rouer de coups encore. Toute sa vie d'homme de théâtre défile. Il en a avalé des couleuvres mais, en Arlequin équilibriste, il est parvenu à se hisser tout en haut, positionné au coeur du système tout en étant le plus critique de ce système, de ses hiérarchies, de ses modes et de ses cruautés, élevant la satire au rang de grand art. Tant qu'il fait rire le roi, tout est permis, tout est possible, et il ne se prive jamais de flirter avec les limites. Mais quand le roi change de tocade, c'est fini et tout devient beaucoup plus compliqué.

« L'homme mord avec le rire » écrit Baudelaire dans son Essence du rire et il regrette que les intermèdes de Molière, dont ceux du Malade imaginaire, soient peu lus ou très peu joués. La pièce est une comédie hantée par la mort. On rit toujours volontiers de ce qui n'est vraiment pas drôle, comme avec Chaplin qui fait rire de chômeurs qui se font virer et de SDF faméliques. Argan est confronté à des assassins. Béralde révèle que si Purgon venait à tuer Argan, « il ne ferait dans cette occasion que ce qu'il a fait à sa femme et à ses enfants. » Le fantasque Thomas Diafoirus, étudiant en médecine exalté, invite sa promise à assister à un singulier spectacle : une dissection.

Tandis qu'à Versailles on festoie et on se pâme devant les grâces et la délicatesse d'une antiquité rêvée, pour vingt millions de français, c'est la famine. Après la comédie-ballet, après les bergers et les bergères de la pastorale, le réel contraste. Mais ce réel est relativisé car tout le monde y joue, y ment, avance masqué. Finalement, le monde est bien un théâtre. Et Angélique a bien quelque chose d'un ange qui vient d'un conte où les bergers chantent au son des flutiaux. Dans ce monde où Angélique est entrée, le décor change. Ce ne sont plus les tendres brebis et les champs éthérés mais des loups en beaux habits à dentelles, des ogres qui ont tout pouvoir dans une ville où les excréments coulent à flot. Toinette prévient Angélique. Ici « Les grimaces d'amour ressemblent fort à la vérité, et j'ai vu de grands comédiens là-dessus. » Un théâtre avec son bruit et sa fureur, ses gaz et ses tranchées mais aussi les combats intérieurs, les guerres du langage comme celles, intestines, de l'enfer familial. Ce réel est paradoxal et tellement théâtral. La seule vérité qui reste est le corps des acteurs. Le corps d'Argan est comme Molière dans ses pièces, comme un livre ouvert, disséqué, impudique. Et le réel est aussi dans le théâtre que joue Toinette à Argan lorsqu'elle désigne, singeant le mandarin fantasque Purgon, « le poumon, le poumon ! », l'organe touché par la tuberculose de Molière.

Pour Argan, monstre d'égoïsme, il n'y a que « Moi, Moi-même et Je ». Mais il est à noter que notre malade, dans les affres des terribles tourments dont il se « sent » atteint et qui le torturent, n'appelle jamais Dieu. Il ne demande rien à la providence. Il voudrait juste que son corps ne s'altère pas, que rien ne bouge, ne plus avancer dans cette vie au risque de la mort. Rien que la matière. Face à la mort, Molière est comme Hamlet face au crâne de Yorick, l'ancien bouffon du roi. « Faut-il vivre faut-il mourir ? » chante Cléante, l'amoureux d'Angélique, dans un petit opéra qui lui permet de déclarer sa flamme par le biais d'une oeuvre qui prolonge la pastorale du début où des bergers et des bergères, malades de la Maladie d'amour, se languissent. La mise en abîme est à tous les niveaux.

Molière avait déjà eu affaire à l'abîme quand Dom Juan s'y était englouti, à la fin de la pièce, mais Argan est confronté à un abîme plus terrible encore, un abîme qui n'est pas enfer mais néant. Son « être ou ne pas être » est de même nature que celui de Shakespeare. Qu'-y-a-t-il dans ces zones ténébreuses où la conscience n'est plus, dans le sommeil et dans la mort ? Il laisse l'homme sans réponse, comme dans les tragédies grecques, chez les libertins de Sade ou les errants immobiles de Beckett, face à la nuit, à l'espace, face à l'immensité, petit, dérisoire, bouffon. Alors mieux vaut en rire, semble-t-il. Molière a mis dans sa pièce testament tout ce qu'il sait mais aussi tout ce qu'il ne sait pas. Il sait qu'il ne croit pas. Enfin, si, « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit ». Dom Juan et Sganarelle, fuyant leurs poursuivants, se sont déguisés en médecins. Ils font halte et devisent :
Sganarelle. — Ne croyez-vous point l'autre vie ?
Dom Juan. — Ah ! ah ! ah !

« Rien » dit Béralde, une des voix de Molière « à regarder les choses en philosophe » dans cette pièce, la voix qui parle « par la raison » (sans qu'il soit raisonneur !). « Les ressorts de notre machine sont des mystères ». Mais il précise « jusques ici », il n'est pas interdit d'exercer cette raison et d'étudier. « C'est notre inquiétude, c'est notre impatience qui gâte tout ». Soyons humbles, calmons-nous, « nous ne savons pas ce que nous disons » nous dit Molière avant Freud et après Jésus.

Le cérémonial de la fin de la pièce est aussi un sacre et Argan-Molière est entraîné dans la lumière de la gloire. Le 21 février à 9 heures du soir, des centaines de flambeaux accompagnèrent la dépouille de Molière au petit cimetière Saint-Joseph. Il était écrit que la terre n'était plus chrétienne en-dessous de quatre pieds. On creusa donc un trou de cinq pieds et le clergé autorisa l'inhumation.

Nous sommes bien seuls, nous dit Molière, pas de salut extra-terrestre. Mais quelqu'un meurt et quelqu'un naît à la vie et au jeu. La fille d'Argan, Louison, fait son entrée dans le théâtre familial, petite reine de grâce et de subtilité qui seule peut incarner la mort mieux que son père et le faire sortir de sa bulle, l'unique moment de toute la pièce où il s'inquiète pour quelqu'un d'autre que lui-même. Louison prend le relais, la vie continue.

Molière mort, quelqu'un reprend le rôle et les représentations se poursuivent. Car la maladie, comme le théâtre, c'est la vie, il n'y a rien à faire. C'est aussi sa contradiction inhérente, la mort. Nous sommes tous plus ou moins malades, vivants acteurs de notre existence mortelle nous oscillons toujours entre imagination et réalité et nous mourrons bien pourtant. Sur le théâtre les lumières s'allument et s'éteignent. C'est la vie.

François Rodinson

FRANÇOIS RODINSON
Michel Didym, vous montez la saison prochaine Le Malade imaginaire. Vous êtes connu pour votre attachement à un théâtre qui met en avant les écritures contemporaines que vous défendez au CDN de Nancy et à La Mousson d'été depuis 20 ans maintenant à Pont-à-Mousson. Pourquoi, tout à coup, monter un Classique et qui plus est un Classique qui est un monument, Le Malade imaginaire de Molière ?

MICHEL DIDYM Je me méfie du monument, dans le mot monument il y a quelque chose qui ment. Le passé ment ou en tout cas on peut le faire mentir. Dans cette œuvre-là, écrite par Molière à la fin de sa vie, il y a comme un accomplissement, l'aboutissement de toute sa dramaturgie. C'est sans conteste le chef-d'œuvre absolu de Molière. Le Malade imaginaire, c'est tout Molière comme dans Hamlet il y a tout Shakespeare. Ramassés en une assez courte pièce en trois actes, il rassemble tous les motifs de toutes ses pièces, à commencer par le mariage forcé. Un père, Argan, force sa fille à un mariage qui sert davantage ses propres intérêts, ses lubies et ses fantasmes que ses intérêts à elle. C'est la quintessence de cette comédie bourgeoise qu'il a inventée avec cette profondeur métaphysique déjà à l'oeuvre dans Dom Juan ; Argan est l'homme étonné d'être au monde. Il n'en revient toujours pas d'exister et de la façon dont le monde va. Il a tous les traits d'un bourgeois gentilhomme devenu malade. Mais c'est le monde qui est malade, ce malade imaginaire est un bourgeois malade de sa propre bourgeoisie.
Ma fréquentation de Montaigne au printemps dernier pour créer le spectacle Voyage en Italie m'a éclairé sur ce que Molière a emprunté à Montaigne, notamment les critiques de la médecine de son époque. En relisant cette machine merveilleuse qu'est Le Malade imaginaire, sa modernité m'a explosé à la figure. Il m'est apparu que le moment était venu pour moi d'oser me confronter à cette grande œuvre, compte tenu de la maturité que j'ai pu acquérir.

Je dois dire que certains éléments de ma propre vie ont également pu influer sur mon choix. Sans vouloir m'épancher plus avant sur mes tracas personnels, j'ai acquis également une sorte de lucidité dans mon rapport à la médecine et à la mort car il m'est arrivé d'étudier ça de près durant de longues heures à l'hôpital. J'ai alors conçu sur ce sujet un certain nombre de convictions qui, je l'espère, vont transparaître dans ma lecture du Malade imaginaire. Je compte maintenant régler son compte pas seulement à la médecine mais aussi à la maladie et à la mort (rire).

Argan est un homme qui brûle, c'est ça qui est intéressant. Il se consume au sens propre comme au sens figuré. Finalement, bien que très entouré, il est seul.

F.R.
Y –a-t-il encore quelque chose à dire sur une telle pièce du 17ème siècle ? Que voulez-vous dire, vous ?

M.D. Il ne faut pas dire « encore », il y a beaucoup de choses à dire sur cette pièce !
Le regard sarcastique face à l'incompétence des médecins est d'une grande modernité. Evidemment, il y a eu des progrès scientifiques mais les médecins sont toujours les mêmes. Ils ont juste remplacé la saignée par la chimiothérapie !

Chez Molière cette incompétence est masquée par la fatuité du discours. Aujourd'hui encore, chez les médecins il y a des incompétents qui exercent avec pourtant tous les diplômes ad hoc.

F.R. Comment voyez-vous cette mise en scène ? Est-ce une mise en scène « en costumes » ou transposez-vous la pièce dans une perspective contemporaine ?

M.D. Mon objectif n'est pas de sursignifier ma lecture par une mise en scène ostentatoire qui donnerait à imaginer que la radicalité de ma version pourrait compenser la faiblesse de l'œuvre. Un chef d'œuvre absolu mérite tout le respect dû aux chefs-d'œuvre.
D'autre part, il y a une authenticité et une puissance des situations qui est indépassable. Ce qui m'intéresse c'est de donner des signes de modernité très précis avec une série d'anachronismes vestimentaires ou sociologico-médicaux qui vont donner aux spectateurs du grain à moudre dans leur sablier temporel.

Le Malade est une pièce qui a un ancrage profond dans son époque mais pourquoi son actualité nous touche ? Qu'est-ce qui nous sépare des Grecs et des Romains ? Quel est l'état de notre rapport à Dieu et à la mort ? Pour toutes ces questions notre malade peut nous aider à réfléchir. Bon, c'est vrai, nous avons des smartphones. Mais dans le rapport à l'état, dans le rapport à la cité, au collectif, nous sommes les mêmes. C'est la même dialectique entre le succès public et l'échec privé, entre la profession de foi publique et la tricherie en privé. Notre rapport à la mort a soi-disant changé. Mais quand il y a un décès et qu'on voit l'abondance de gens qui se réunissent dans un lieu de culte, je me demande si ça a tellement changé. La question que je me pose est la suivante : est-ce que la maladie ne serait pas provoquée par la société, est-ce que ce ne serait pas la conséquence logique d'une certaine corruption des idées face à la mort, face à la vie et à ses plaisirs ? La plus grande maladie, je trouve, c'est la maladie de l'âme et des idées.

F.R. La pièce est très rarement montée avec ses intermèdes musicaux. Quel est votre projet par rapport à ça ? Quel traitement réservez-vous à la musique ?

M.D. J'ai récemment changé d'avis à ce sujet. Je croyais que c'était une volonté de Molière de créer un espace métaphorique autour de la médecine. Il me paraît aujourd'hui qu'à l'évidence la musique de Lully a été imposée à Molière de manière dictatoriale. Beaucoup de ces ballets entourant la pièce étaient des œuvres de circonstances qui permettaient à Molière d'accéder à la Cour et, tout simplement, de subsister. Il faut savoir en tirer les conséquences. Je ne compte pas garder l'intégralité de ces intermèdes musicaux chorégraphiés qui sont pour moi comme une gangue dont il s'agit d'extraire le fruit. De temps en temps quelques débris de la gangue viendront nous rappeler l'existence de ces parties qui font « divertissement ». Je ferai appel pour cela à une création musicale on ne peut plus contemporaine.

 

F.R. Molière est mort en crachant du sang sur scène alors qu'il interprétait le Malade, le corps harassé par les tournées et par la tuberculose. Qu'est-ce que cela vous inspire ? C'est le comble de l'engagement physique d'un homme au théâtre, non ? Vous sentez-vous proche de cet engagement, proche de l'homme Molière ?

M.D. Dans son film Molière Ariane Mnouchkine donne des éléments saisissants là-dessus. Boulgakov, lui aussi, dans Le Roman de monsieur de Molière dit des choses qui sont tout à fait plausibles sur l'investissement total d'un homme qui a tout sacrifié à son art, qui a donné sa santé, son temps et finalement sa vie. Mais en définitive, je crois qu'il est rattrapé par la vérité. Dans une époque qui se distingue par le triomphe de la fausseté, lui, il exige la vérité. C'est peut-être aussi en ce sens-là qu'il est, aujourd'hui comme hier, très moderne. C'est un théâtre qui se révèle en présence du public et qui tire tout son sens au moment de la représentation.

Propos recueillis par François Rodinson, le 4 décembre 2013.

La lucidité, l'intelligence, l'audace de Molière s'imposent dans ce beau spectacle que Michel Didym met en scène avec précision. Ayant pour décor un simple rideau de chaînes métalliques dorées, un carrelage clair au sol ; et, pour seul accessoire, un fauteuil. Servant scrupuleusement le texte -sans forcer le comique -, il peint un véritable obsédé des soins médicaux accablé par l'âge et terrorisé à l'idée de mourir : « Ny a-t-il pas quelque danger à contrefaire la mort ? » Son Argan est aussi un bourgeois ordinaire qui veut forcer sa fille à un mariage visant uniquement ses intérêts. Veuf, il est lui-même victime de sa seconde épouse, qui n'attend plus que sa mort afin de pouvoir hériter. Molière s'attaque férocement à toutes ces impostures, s'amuse à organiser la résistance et impose dans d'insolents plaidoyers son regard humaniste, libérateur. Argan est magistralement interprété par André Marcon, à la fois grand enfant geignard, capricieux, maniaque, mais aussi chef de famille plein d'autorité et dangereux. A la limite du pathologique, il laisse cependant percer derrière ses fureurs et ses lubies une humanité bienveillante. Ses controverses, tout en finesse, avec son frère opposent deux philosophies. Face à l'égoïsme du malade paniqué, obsédé par les saignées, les purges, Jean-Claude Durand, stoïque et solide Béralde, incarne la raison et le langage de vérité de l'auteur. (...) L'ensemble présente un travail de qualité, avec des scènes de pur burlesque et des intermèdes musicaux modernisés, rythmés. Un remède excellent contre la morosité. Le Canard enchainé

Michel Didym a eu le courage et l'audace d'en ·offrir sa lecture. Le résultat est irrésistible. Il est à la fois respectueux de l'ouvrage et rafraîchissant. Dans la scénographie épurée de Jacques Gabel, le fauteuil du Malade fait le lien entre la tradition et un décor moderne composé d'un rideau de chaînes que magnifient les subtiles lumières de Joël Hourbeigt. Quant aux costumes d'Anne Autran, ils mêlent, avec bonheur, les époques, soulignant la modernité du texte. Cette intemporalité est portée, avec gourmandise, par les acteurs. (...) Michel Didym a réussi la gageure de moderniser l'intermède-ballet des Egyptiens et la scène finale de l'examen de passage d'Argan dans le corps des docteurs. C'est d'une incroyable drôlerie. L'Est républicain

Que de modernité dans ce Molière-là ! Michel Didym met en scène une version fidèle au texte originel du Malade imaginaire. Mais il rompt avec toute vision engoncée dans des artifices tout droit inspirés du XVIIe siècle. Rien que les costumes. Ils ont été repensés. Juste l'essentiel. Et puis le décor contemporain : une scène centrale, un fond qui se plie aux exigences de l'action en toute sobriété. Le fauteuil où tout se joue. Quelques bancs ... (...) Mais la modernité du propos de Molière prend bien toute son ampleur à l'heure de la critique de la médecine de son époque. Tout cela n'aurait-il que peu changé? Michel Didym a également choisi de monter des intermèdes musicaux prévus par l'auteur. Des divertissements eux aussi revisités avec légèreté. Là encore grâce à une création on ne peut plus contemporaine. Le parti pris du metteur en scène séduit tout comme le jeu des acteurs, virevoltants, entraînants. Et drôles, surtout drôles. La Montagne

Car c'est bien de cet art du théâtre qu'il s'agit. Les comédiens sont tout simplement époustouflants. A aucun moment Michel Dydim ne choisit entre un jeu plus naturaliste et une farce carrément burlesque, et c'est sur ce fil tendu entre rire massif et infini tragique de la société dépeinte telle qu'elle est, dans toute sa cruauté et sa noirceur, que le spectateur oscille en funambule. Bruno Ricci invente, pour chacun des personnages qu'il incarne (Le notaire, Thomas Diafoirus, Monsieur Fleurant), des attitudes d'un comique hilarant, tandis que Norah Krief redouble de virtuosité dans une Toinette explosive. André Marcan reste sur un Argan plus en nuances, bien que ne rechignant pas à participer à la farce quand l'affaire se présente. Quant à Jeanne Lepers, tout à fait entre deux aussi dans son rôle de jeune première, elle arrive à dépasser cette espace confiné de la jeune fille en détresse pour lui donner une force comique tout à fait convaincante. Au-delà de la question de la médecine, c'est la question des faux-semblants qui masquent toutes sortes d'injustices que Molière ne cesse de dénoncer dans ses pièces. Rue89

Coloré, farcesque, le Malade Imaginaire mis en scène par Michel Didym sillonne la France. Au centre de cette belle création, André Marcan campe un Argan délicieusement capricieux et despotique. La Terrasse