IT’S ENOUGH TO BORE YOU TO DEATH
Le temps, c’est ce qui passe quand rien ne se passe.
« L’ennui fait le fond de la vie, c’est l’ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l’amour. » Miguel de Unamuno, romancier et philosophe espagnol.
Tout un chacun est confronté à l’ennui, d’un quotidien morne aux mortifères soirées télé, des réunions de famille assommantes à une indigente vie professionnelle. Mais dans la prise de conscience de ces situations d’ennui certain se crée un décalage, un monde absurde et intérieur que les trois compères sarcastiques du Cabinet de Curiosités explorent dans ce Projet Ennui. Un voyage au cœur de la vacuité, du vide et de la lassitude : voilà ce qu’ils nous proposent. Des moments de vies décousus se succèdent où il s’agit de s’ennuyer, mais avec style ! L’énergie loufoque des comédiens et la cocasserie des situations nous entraînent dans un univers de douce folie à l’humour décapant. Une fantaisie à la philosophie de comptoir totalement assumée !
« Ils ont quelque chose de savoureusement belge avec leur dérision et leur décalage joyeusement assumés. (…) Quand l’ennui est la vraie aventure moderne ! » ZIBELINE
Mise en scène et scénographie Guillaume Cantillon et Franck Magis. textes Guillaume Cantillon, Franck Magis, Jérôme Richer, Jean-Luc Coudray, Brecht Evens, Jens Harder • Avec Guillaume Cantillon, Jean-Robert Lombard et Franck Magis • Lumières Jean-Louis Barletta. Univers sonore Zidane Boussouf. Construction Ivan. Costumes Sophie Autran. Chorégraphie Marie Blondel. Voix off Yves Borrini. Visuel VJ Drone. Photographe Geoffrey Fages.
Production et diffusion Maud Jacquier. Production Le Cabinet de Curiosités, avec le soutien de la Région PACA, du Conseil Général du Var et de la Ville de La Garde. Coproduction Châteauvallon – scène nationale
© photo : DR
Les cabinets de curiosités apparaissent à la renaissance. Ils rassemblent des objets rares ou étranges issus des trois règnes : animal, minéral et végétal, ainsi que des œuvres nées de la main de l'homme, tel un résumé du monde.
L'objectif de ces assemblages hétéroclites n'est pas encyclopédique. Il s'attache au contraire au fantastique et au bizarre pour comprendre et saisir les secrets de la nature et, par le biais de la singularité, stimuler l'attention, le désir et la passion du savoir.
Depuis 2010, la compagnie est en résidence dans la ville de La Garde. Son activité repose sur deux socles essentiels : la proposition de formes artistiques et la transmission.
Mon projet au sein de la compagnie s'est fondé dans la nécessité de l'exploration et du questionnement.
D'abord de la forme théâtrale. Je suis intéressé et nourri autant par les arts plastiques, la musique, la danse, la littérature, le cinéma et la bande-dessinée que par le théâtre. Tous ces angles de vue influent sur la manière de dire, de raconter, et d'être sur le plateau : pas de recette ou de méthode préexistante au travail. La forme s'invente avec le projet.
La ligne artistique, c'est la nécessité du déséquilibre et de l'inconfort, d'être à l'écoute et au plus proche de moi, pour proposer des objets théâtraux hétéroclites et sensibles. Par la diversité de leurs types d'écriture, tenter d'approcher et de saisir le désordre, la complexité, l'absurdité, l'horreur et la beauté du monde.
Cette exploration passe aussi par l'écriture collective et un goût affirmé pour la déconstruction ou le mélange de théâtralités (Le Projet Ennui, Au bord de la nuit/Triptyque d'après Patrick Kermann, Valérie Mréjen et Christophe Tarkos).
Le dénominateur commun de tous ces spectacles réside également dans la volonté de placer l'acteur au centre du processus de création. Acteur moi-même, j'aime les diriger et les accompagner dans leur travail sensible dans un souci constant de précision et de clarté, tout en préservant leur identité, leur singularité, leurs forces et fragilités : Enlever tout vernis et livrer aux regards une humanité brute. Et mettre au centre et à nu nos désarrois, nos peurs, nos désirs et notre folie.
Si je me retourne sur les aventures théâtrales passées, force est de constater que je tourne autour de quelques thèmes récurrents.
La langue des auteurs auxquels je m'attache est souvent à la frontière entre l'écriture théâtrale, la poésie, et une forme de lyrisme voire de romantisme.
Le triangle amoureux, l'engagement, les passions irrépressibles, l'ostracisation, la mort, sont les questions qui m'obsèdent.
J'ai trouvé chez Maeterlinck, Harms, Andreiev, Kermann, Lorca et Molière des résonances à ces interrogations, une matière à explorer et sur laquelle m'appuyer pour construire et affirmer une identité artistique.
On trouve dans George Dandin, Pelléas et Mélisande et Noces de sang le même motif : une jeunesse emportée par la passion amoureuse qui fait vaciller, puis fait imploser un microcosme ou un ordre établi.
Ce sont trois grands textes, trois tragédies qui, par leur modernité, marquent une rupture et un tournant dans la dramaturgie de leur époque.
Pour clore (définitivement?) ce cycle d'exploration, j'ai envie qu'un auteur de ma génération pose son regard et ses mots sur le paroxysme amoureux, l'aliénation, la dépossession de soi, mais aussi les dommages irréversibles causés autour.
C'est à Thomas Gornet que j'ai tout de suite pensé. Nous nous connaissons bien : nous avons été partenaires de jeu, il a été mon metteur en scène pour Des paillettes sur ma robe d'après Music Hall et Hollywood de Jean-Luc Lagarce, et De toute(s) pièce(s) d'après Feydeau. Il est également un spectateur attentif de mes spectacles.
C'est aussi un ami.
Il a écrit plusieurs romans pour la jeunesse, dans lesquels il n'hésite pas à aborder des thèmes douloureux (le rejet, le handicap, la mort), avec beaucoup de subtilité.
A l'heure où j'écris ces lignes, je ne connais pas le titre de la pièce que nous allons inventer, je ne sais pas combien d'acteurs et d'actrices le spectacle concernera. Nous en sommes encore au stade des notes, des échanges, on rêve le projet.
Nous envisageons nos créations par cycles de trois ans : nous mettons en chantier un travail d'écriture, de recherche et de montage de production autour d'un projet phare.
Les deux autres spectacles encadrent ce projet.
Ce sont des formes plus légères, des laboratoires à la conception desquelles sont associées les artistes de la compagnie. Elles répondent à l'envie d'explorer d'autres manières d'aborder le plateau et l'écriture, dans un temps court, avec une équipe resserrée.
Le temps de la maturation et de la construction d'un côté, et des propositions « jetées » sur le plateau, privilégiant une part plus instinctive de l'autre.
En dehors de nos propres créations, nous sommes attachés à proposer d'autres actions sur le territoire : une ouverture vers d'autres esthétiques, d'autres façons d'aller à la rencontre du public, et de créer du dialogue.
En insérant dans la programmation du Rocher un spectacle « carte blanche » chaque saison, nous amenons des formes théâtrales qui contrastent avec la programmation de la ville.
Elles sont signées par des artistes à l'univers singulier (Renaud Cojo/cie Ouvre le chien, David Gauchard/cie L'unijambiste, Julien Bonnet/cie du Dagor, Johanny Bert/Le Fracas CDN de Montluçon).
Nous avons aussi organisé trois évènements inédits au Théâtre du Rocher : les Arrière-boutiques. Cessoirées invitent à chaque fois une dizaine d'artistes (plasticiens, acteurs, danseurs, chanteurs, etc..) à proposer des impromptus d'une vingtaine de minutes : des objets artistiques éphémères ou en devenir, des tentatives d'un soir, ou des étapes sur le chemin d'une création.
Ces soirées-fleuves (plus de 4 heures) permettent la rencontre entre artistes et spectateurs dans un moment privilégié, riche et fragile.
Guillaume Cantillon - Metteur en scène
A venir :
Vu au Off d'Avignon, le Projet Ennui du Cabinet de Curiosités, l'aventure moderne !
Drôlerie sur l'ennui
« Voyage au cœur de la vacuité, du vide et de la lassitude » : voilà, à quelque chose près, ce que propose le Cabinet de Curiosités avec sa pièce Le Projet Ennui, décapante d'humour et d'absurdité. Ils ont quelque chose de savoureusement belge avec leur dérision et leur décalage joyeusement assumés ces trois lurons (Guillaume Cantillon, Franck Magis et Jean-Robert Lombard, tous les trois remarquables), un je ne sais quoi de sarcasme délicieusement philo (à 2 balles certes, mais c'est le but) sur le néant et surtout une bonne dose de fantaisie grotesque… le tout suffisamment travaillé pour nourrir avec classe, et sans lasser !, une heure de spectacle totalement décousu. Présentées en chapitres, leurs tranches de vie délirantes d'ennui sont exposées en débordant largement, et bien confortablement, du 4e mur : pour décortiquer le budget de (leur) création collective, s'occuper un soir de fête, ou pour conférencer sur le temps qui passe en imitant des cris d'oiseaux guerriers. « Ne rien faire du tout, c'est un peu fou mais il faut le faire avec du style… ». Ces super héros en ont suffisamment, du style, pour en faire un luxe et un bel acte de résistance. Quand l'ennui est la vraie aventure moderne ! Delphine Michelangeli - Journalzibeline.fr